Rien à perdre

Chapitre 12 : Divergences d'opinions

Ariane toqua d'une main fébrile à la porte et attendit quelques secondes, jusqu'à entendre la voix de Jeremiah lui demander d'entrer.

Elle ouvrit la porte et pénétra dans le bureau. C'était une pièce de taille moyenne, majoritairement construite de bois brut comme le reste de la maison. L'endroit était éclairé de plusieurs petites lampes qui diffusaient une lumière orangée à l'aura apaisante. La décoration était à l'ancienne, des livres étaient éparpillés un peu partout sur les étagères de bois, des photos encadrées étaient accrochés aux murs.

Jeremiah était assis à un grand bureau soutenant nombres de documents entassés. Il lui sourit en lui indiqua d'un mouvement de la main une chaise en face de lui. Elle s'avança prudemment, tel un chat sur ses gardes, et s'y assit en attendant avec inquiétude la suite.

Le vieil homme s'adressa à elle du même ton chaleureux qu'il avait employé à leur rencontre :

— Je vois que tu as l'air d'aller mieux, Conrad t'as bien soignée.

Visiblement, cet entretien allait débuter sur un échange de banalités hypocrites. Ariane avait déjà hâte d'en finir, mais elle se devait de prendre sur elle et d'ignorer sa fatigue pour le bien de ses amis. Elle répondit donc à Jeremiah sur le même ton, rentrant à regrets dans la danse :

— Oui, c'est un bon médecin et un homme bien.

— C'est exact, il est très doué dans son domaine et nous sommes chanceux de l'avoir à nos côtés. Surtout en ce moment. Mais malheureusement, il se fait vieux et nous sommes très nombreux à vivre ici et à solliciter ses talents. Une personne supplémentaire nous serait très utile, j'imagine que mes fils t'en ont parlé ?

Finalement, les banalités étaient vite passées au second plan, le patriarche abordant visiblement le sujet qui l'intéressait réellement.

— On en a ... "parlé" oui. Troy a tout fait pour en même temps, répondit la jeune femme avec un soupçon d'ironie.

Jeremiah releva le sarcasme mais ne laissa rien paraître, continuant sur un ton faussement désolé :

— Oui, je dois bien avouer que mon fils cadet à un peu de mal à se contrôler de temps en temps. Mais il a cru bien faire, je doute qu'il ait voulu vous faire du mal intentionnellement. Je m'excuse pour ce que vous avez eu à subir par sa faute.

Après ce qu'elle avait entendu il y a quelques instant, ses paroles lui semblaient risibles. Elle se demandait jusqu'où il était prêt à aller pour lui faire avaler ses salades.

— Vous en doutez hein ? J'imagine que vous êtes au courant des meurtres qu'il a commis sur des mexicains voulant passer la frontière ?

Jeremiah eut un tic nerveux qu'il eut bien du mal à dissimuler.

— Comme je te l'ai dit, Troy à tendance à agir par instinct. S'il a bien fait tout ça, c'était pour protéger ses hommes et notre carburant.

Ariane commençait à sentir son sang bouillir dans ses veines. Cet homme la prenait ostensiblement pour une courge et ce, avec un grand sourire simulé qui lui fit penser à celui du chat du Cheshire. Il se fichait totalement du sort des innocentes victimes de son fils, ou de quoi que ce soit qui ne le concernait pas directement. Mais surtout, il la regardait comme s'il pensait pouvoir contrôler ses actes et ses paroles.