« chapitre vingt-trois »

489 23 17
                                    

Debout au milieu du toit de son pick-up, Riley tique. Rien ne lui vient. Balancer quelque chose ne servirait à rien si elle était toujours en plein dans leur champ de vision, se hisser par la fenêtre n'était pas possible sans quelques morsures, sauter au milieu de la horde, réussir à ne pas se faire mordre pour en attirer autant qu'elle le pourrait loin du véhicule avant d'y revenir serait rude. La seule solution envisageable serait de remonter dans la grue. Or, sauter de la grue jusque dans la remorque avait été plutôt facile, mais l'inverse serait probablement plus compliqué. Mais cela reste sa seule idée plausible.

Elle parvient donc, non sans galérer à cause de ces fléaux sur pattes, à glisser son sac par la fenêtre côté conducteur pour plus d'aise, coince au mieux sa machette à sa ceinture et ne quitte plus l'engin des yeux.

Elle ne peut même pas courir pour prendre un peu d'élan, sauf si elle veut écraser tout ces vivres qu'elle a galéré à récupérer. Et puis de toute façon, si l'un d'eux parvient à l'attraper durant sa courte course, elle se ramassera lamentablement avant de se faire bouffer. Elle doit donc s'avancer doucement entre ces bras putrides tendus vers elle et les provisions, puis sauter. Un jeu d'enfants.

Elle va pour s'avancer mais une idée lui vient en tête pour renforcer, enfin si l'on peut dire ça comme ça, son avancée. Elle prend sa machette en main et commence à tuer, de chaque côté, les morts entassés contre la remorque. Leurs corps s'écrasent contre, leurs têtes retombant sur les vivres. Heureusement que les emballages existent en fin de compte. Après quelques minutes d'efforts, finalement, plus aucun bras n'atteint la remorque, l'entassement des corps rendant l'accès pratiquement impossible. C'était plutôt drôle à voir, une ribambelle de cadavres, leurs têtes reposant avec leur future nourriture, c'est ce qu'on pouvait appeler un accompagnement digne de ce nom.

Davantage sereine, elle remet sa machette à sa ceinture. Une sérénité qui s'envole vite lorsque qu'inconsciemment, elle s'imagine traverser la longueur de la remorque, écrasant au passage, malencontreusement, quelques paquets de gâteaux à cause de ses Doc's, prendre appuie sur le corps mort reposant à moitié à l'intérieur, essayer de sauter pour finalement se retrouver les deux pieds bloqués dans son corps en décomposition et se ramasser comme une merde. Triste tableau, se renfrogne-t-elle. Si elle continue à s'imaginer des scènes comme celle-ci, elle va être bloquée un moment.

Les minutes passent à grande vitesse, et Riley n'a toujours pas bougé de son perchoir. Au bout du compte, elle en a juste mal aux jambes et au dos, à force d'être droite comme un piquet et de ne pas bouger d'un pouce. Elle place ses mains contre sa nuque, croisant ses fins doigts les uns aux autres ; détournant son regard de ces immondes choses qui commencent à sérieusement lui taper sur le système à rester là, à la regarder bêtement tout en grognant péniblement ; pour regarder le ciel bleu, couvert de quelques nuages blancs. C'est là que son regard se pose sur le crochet. Bordel de merde. Elle laisse ses bras retomber le long de son corps, comment a-t-elle pu ne pas y penser avant?

De là où elle se trouve, c'est-à-dire toujours sur le toit du pick-up bien sûr, elle peut tout à fait s'élancer pour attraper la corde à laquelle est suspendu le crochet, puis se balancer jusque la grue, sans risquer de tomber, ou de se faire mordre par inadvertance. Elle recule jusqu'à la limite du toit, remarquant seulement que la nuit commence déjà à tomber, elle n'a plus de temps à perdre.

Elle ne se pose pas plus de questions, franchie les quelques pas qu'elle possède, et saute pour s'agripper à la corde. Une fois qu'elle la sent entre ses mains, elle la resserre fermement, contractant chacun de ses muscles alors que tout son poids retombe à cause de la gravité, et qu'elle n'est plus tenue que par la force de ses maigres bras. Par chance, ils s'accordent parfaitement avec son maigre poids, qu'elle réussie à retenir. Elle remonte ses jambes, collant ses pieds à ses fesses pour maintenir un maximum de distance avec tout ces bras tendus vers elle, et commence à se balancer. Elle tente une première fois d'attraper l'un des barreaux de l'engin, mais elle l'effleure seulement du bout des doigts. Elle se donne davantage de force et parvient enfin à l'attraper. Rapidement, elle trouve un endroit où caler ses pieds, ou du moins, la pointe, et lâche la corde pour se retenir de ses deux mains à la grue.

«Un nouveau monde» (2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant