« chapitre quarante-six »

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C'est le hurlement d'Aaron qui lui fait relever la tête. L'homme face auquel elle se tient à genoux vient de rendre son dernier souffle et elle se relève pour se précipiter vers son ami. Il est lui aussi à genoux, devant le corps inerte de Jésus. Les yeux fermés, le teint déjà blafard, son pull couvert de sang.

Elle s'en détourne néanmoins quand Dixon les interpelle, Michonne et elle. Elle s'approche de l'un des corps qui est couché sur le ventre. Daryl déplace les quelques mèches de cheveux du crâne défraîchi pour laisser apparaître une longue couture épaisse, grossière.

«- C'est quoi ça ? C'est qui ces rôdeurs ? Demande Michonne. »

Pour réponse, le chasseur saisit son couteau de chasse et coupe un à un chaque point. Il parvient à retirer le masque qu'il observe d'un oeil perplexe. Elle, elle se dit que c'est trop réaliste pour que ce soit un simple masque trouvé dans un magasin.

Elle est soudainement interrompue par un chuchotement rauque, résonnant non loin d'eux. Ils tournent d'un même mouvement vers sa provenance, aux aguets. Chien, se trouvant à cinq mètres sur sa droite se met à aboyer, reculant doucement vers eux.

Naturellement, ils forment un cercle, couvrant les arrières des uns et des autres, armes en mains, prêts à se défendre. Ce n'est qu'à cet instant qu'elle remarque la présence de nouvelles têtes qu'elle n'avait pas remarqué jusque-là.

«- Vous allez mourir, parvient-elle à comprendre alors que de nombreux corps se dirigent vers eux.
- Tirez-vous ! Enchaîne Michonne. »

Certains quittent aussitôt les lieux. Dixon et Aaron finissent par en faire tout autant, récupérant et portant le corps de Jésus. Elle, elle reste avec Michonne, abattant quelques cadavres supplémentaires qui s'approchent.

Elle finit par passer le petit portail noir, Michonne à sa suite et Daryl referme directement, bloquant la route aux cadavres. Ils ne perdent pas une seconde de plus et rejoignent les autres avant d'déguerpir d'ce bourbier.

C'est non sans mal qu'ils réussissent à quitter les bois. Ils avancent sur la route, passant quelques patelins abandonnés qu'ils connaissaisent déjà pour les avoir exploré plus d'une fois, tentant de rejoindre la Colline.

«- C'est Judith qui les a trouvé, déclare Michonne en parlant des nouveaux, elle leur fait confiance. Et moi aussi.
- Ok, hoche-t-il la tête.
- C'est important pour ceux d'la Colline, qu'on l'amène, change-t-elle de sujet, qu'on l'enterre.
- Désolé d'pas avoir pu faire ça pour toi, dit-il.
- Et désolée d'pas avoir pu faire ça pour nous deux. Nous trois, ajoute-t-elle en la regardant. Mais merci, merci d'avoir essayé d'le retrouver. Et aussi, pour après.
- Y'a rien d'plus normal, répond t-elle, sans oser la regarder.
- Non, ça l'est pas pour tout le monde. En revanche, je sais pertinemment que ça l'est pour vous deux. »

Dixon dépose un main sur l'épaule de son amie, lui accordant une pression se voulant réconfortante malgré tout. Chien les attire en aboyant vers la lisière des bois, leur faisant remarquer les quelques cadavres avançant dans la même direction qu'eux.

«- Quel genre ? Modèle habituel ou spécimen vivant ? Questionne Eugène.
- On va voir ça, répond Dixon. »

Ils rejoignent un pont couvert à une vingtaine de mètres de là, laissant les cadavres entrer avant de bloquer les deux sorties. Dixon arme son arbalète, tirant une première flèche dans la cuisse de l'un d'eux. Il arme une seconde flèche, cherchant sa nouvelle cible, tirant dans la cuisse d'un autre qui contrairement au premier, lâche un hurlement douloureux et plaintif avant de tomber par terre.

Certains se penchent vers lui pour le dévorer, tant dis que d'autres tentent de faire demi tour. Ils parviennent à les maîtriser rapidement malgré les lames adverses, n'épargnant que le dernier survivant de ce groupe de dégénérés.

Rien qu'au son de son souffle, ils comprennent que c'est une fille, une adolescente. Dixon lui ôte son masque, confirmant leur pensée, la menaçant tout de même de son couteau de chasse.

«- Pitié ! Pitié, m'tuez pas ! Dit-elle.
- Vous êtes combien ? L'interroge Michonne.
- Pitié. Vous les avez tous tué, y'a plus qu'moi.
- J'en crois pas un mot, soutient-elle en déposant le bout de son kantana dans son cou, la forçant à relever le menton, dis la vérité.
- On a pas l'temps, les interrompt Daryl, on l'emmène avec nous. »

Riley recule pour aller voir combien de corps arrivent. Sans surprise, ils sont assez nombreux, une bonne quinzaine au minimum. Ils quittent le pont avant l'arrivée des nouveaux participants et reprennent leur avancée vers la Colline qui paraît s'éloigner à mesure qu'ils avancent.

C'est dans une lourde et pesante atmosphère qu'ils passent enfin les portes. Les habitants deviennent blêmes en découvrant le corps de Jésus. Ils sont malgré eux intrigués par l'adolescente au regard voilé par un bandeau qui est descendue de force d'un des chevaux.

Daryl et Michonne emmènent la gamine dans la cave de la bâtisse, là où plusieurs cellules ont été construites alors qu'elle prend une seconde pour souffler. Elle glisse une clope entre ses lèvres, se l'allumant sans plus attendre pour tirer une longue taffe.

Sa vie avait été bien trop paisible ces dernières années. À peine quitte-t-elle leur petit camp, qu'une énorme merde leur tombe sur le coin du front. Elle n'est même pas entièrement remise de leur combat contre les Sauveurs, qu'un nouveau groupe semble encore en vouloir à leur vie. Ça ne s'arrêtera donc jamais.

Avant même la tombée de la nuit, elle s'enferme dans le mobil-home, son coeur se serrant doucement en songeant à l'ancien propriétaire des lieux. Épuisée, elle ne prend même pas la peine de retirer ses chaussures ou d'se déshabiller qu'elle se laisse tomber sur le lit.

Quand elle émerge le lendemain, la matinée est déjà bien entamée. La nuit fut reposante malgré ses quelques tourments. Elle rattache ses cheveux en un chignon détaché, retirant sa veste et son t-shirt pour en enfiler un propre et sort du mobil-home, clope au bec.

Elle donne un coup d'oeil circulaire au camp, repérant directement le chasseur qui est assit près de l'entrée de la cave. Elle vient s'installer à ses côtés, déposant ses lèvres contre les siennes avant de s'appuyer contre lui, s'asseyant confortablement.

«- T'as pas dormi ? Demande-t-elle avant de tirer une latte.
- Si, deux heures.
- J'sais pas comment tu fais.
- L'habitude.
- Et tu fais quoi, là ?
- J'écoute la conversation entre Henry et la fille. Elle a rien dit depuis hier, elle arrête pas d'se contredire, d'nous embrouiller. J'l'ui ai mis un p'tit coup d'pression tout à l'heure. Henry a pris sa défense. P't'être qu'elle sera plus sincère avec lui.
- Et ça dit quoi ?
- Rien d'intéressant jusqu'ici. Ils ont parlé de leur enfance dont ils arrivent plus trop à rappeler, le début de toute cette merde, comment ils l'ont vécu. »

Elle hoche la tête et se concentre à son tour sur les échanges des deux adolescents. En tendant bien l'oreille, parvenant à comprendre certains mots, certaines phrases.

Dixon se redresse brusquement lorsqu'il entend Henry parler du Royaume. Et pire encore quant il lui dévoile que ça se situe littéralement à une journée à cheval d'ici. Il ouvre virulemment les portes en bois, descendant les escaliers pour rejoindre la cellule occupée par Henry.

«- C'est quoi ton problème ? L'interroge le chasseur une fois qu'ils sont ressortis, qu'est-ce qui t'prend d'lui parler du Royaume ? Ils sont p't'être plus nombreux qu'elle ne l'dit dans son groupe, tu sais pas c'qu'ils pourraient faire. T'as d'la famille au Royaume !
- Excuse-moi... Souffle-t-il, coupable, j'pensais pas qu'c'était... Mais, tu nous écoutais ? Comprend t-il.
- Évidemment, moi, Enid, et d'autres, on était plusieurs à se relayer depuis c'matin, on voulait savoir c'qu'elle te disait.
- Tu t'es servis d'moi !
- Ouai. Et ça marchait plutôt pas mal.
- C'est une fille bien ok, une fille bien qui a beaucoup souffert. Et elle a raison pour toi si tu veux savoir, t'es un gros con. Tu veux des réponses, démerde toi sans moi. »

«Un nouveau monde» (2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant