« chapitre quarante-trois »

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Six ans et quelques mois plus tard...

Il a bel et bien disparu. Il nous a bel et bien quitté ce jour-là, alors qu'il faisait exploser l'un des bâtons de dynamite d'une balle de son Python, enflammant et détruisant toute la structure du pont.

Ils ont passé des semaines et des semaines à chercher son corps en longeant la rivière. Mais rien. Il s'est littéralement volatilisé, réduit en un millier de particules de poussière. Mais ça paraissait inconcevable, malgré l'explosion, son corps a bien évidemment été touché, c'était sûr, mais pas au point de se désintégrer.

Alors ils n'ont jamais arrêté de chercher. Jour après jour, ils ont ratissé la rivière et ses environs, gardant un infime espoir de le retrouver. Mais le résultat reste le même, décevant, frustrant. Et finalement, ils ne sont jamais rentrés.

Ils se sont installés non loin de la rivière et ont créé un vrai petit camp bien adapté et parfait pour eux. Grâce à Aaron et d'autres, ils ont pu construire une large et solide plate-forme faisant finalement office de sommier. Ils sont parvenus à y faire monter un matelas, puis Daryl a rajouté de solides planches en bois tout autour pour davantage sécuriser. Au fil du temps, ils ont rajouté une sorte de toit avec des bouts de bois et du tissu, ainsi que trois murs, un vrai nid douillet naissant au fur et à mesure du temps. Elle a ensuite ajouté un rideau à ce qui fait office d'entrée et voilà que cette simple plate-forme est devenue une véritable chambre à coucher.

Au pied de l'arbre, une réelle limite à été créée pour délimiter leur petit camp. Ils ont planté des piquets en bois tous les demis-mètres, autour desquels ils ont finalement enroulé du fil barbelé, le faisant remonter à hauteur des genoux du chasseur. Sans oublier tous les pièges qu'il a installé dans un périmètre de quinze mètres autour d'eux. Dans une vieille tente, ils entassent les quelques affaires qu'ils gardent au fur et à mesure de leurs expéditions.

Aujourd'hui, elle passe la journée avec les filles. Dès l'aube, elle rejoint Alexandria. Elle reste devant le portail, les attendant, caressant l'encolure de sa jument. Malgré le temps qui est passé, elle n'a toujours pas repassé l'entrée. Elle parvient néanmoins à venir jusqu'ici désormais, mais elle n'arrive pas à aller plus loin.

Un sourire étire ses lèvres lorsqu'elle les voit arriver. Toutes les deux âgées de plus de dix-huit ans maintenant, tous deux devenues de véritables jeunes femmes. Elle descend de sa monture pour les prendre dans ses bras, embrassant leur front.

«- Comment vous allez ? Demande-t-elle.
- Ça va, et toi ? Répond Mia.
- Ça va.
- Tu veux toujours pas entrer ? Judith voulait vraiment te voir, réplique Jessie, comme Alec, Angel, et ton neveu par la même occasion.
- Peut-être une prochaine fois.
- Ça fait six ans que tu dis une prochaine fois, souffle-t-elle sur un ton exaspéré, il serait temps d'passer à autre chose.
- Passer à autre chose ?
- C'est pas c'qu'elle a voulu dire, la défend Mia.
- Si, c'est exactement c'que j'voulais dire ! Riley, ça fait plus de six ans, faut t'faire une raison.
- Comment tu peux dire ça ? Ce type, il a massacré ton propre frère ! Ton sang !
- Il a changé !
- J'te d'mande pardon ?
- Il s'est rendu compte de toutes les horreurs qu'il a pu commettre, il...
- Tu continues d'lui parler ? T'as pas arrêté d'aller l'voir ? L'interroge-t-elle, la fusillant du regard.
- Il a changé ! Répète-t-elle.
- J't'avais dis de ne plus y aller, j't'avais dis de garder tes distances.
- J'suis grande maintenant, j'suis capable de prendre mes propres décisions. À toi d'les accepter.
- Les accepter ? Ricane-t-elle nerveusement, Jess, tu dois t'rendre compte de tout c'qu'il a fait, il...
- J'en suis parfaitement consciente, la coupe-t-elle, je sais qu'il a massacré notre frère à coups de batte de baseball, je sais qu'on a perdu des dizaines et des dizaines de personnes par sa faute, qu'il a exploité et réduit à néant de nombreuses communautés. Mais ça reste un être humain. Il sait qu'il a fait des erreurs monumentales et qu'il ne pourra jamais les effacer. Mais...
- Mais rien du tout, la coupe-t-elle à son tour, le visage soudainement fermé, un air profondément déçu habillant son visage, mh, j'vais y aller, on remet ça à plus tard. J'vous aime. »

Elle ne leur laisse pas le temps de répliquer qu'elle remonte sur le dos de sa jument, la faisant galoper aussitôt. Sans un regard en arrière, elle s'éloigne, les larmes aux yeux. Perdue dans ses pensées, elle se souvient de la fois où elle a appris que Jessie allait voir Negan pendant la nuit.

C'est Michonne qui lui avait dit. Les deux femmes s'étaient retrouvées pour poursuivre les recherches du leader disparu, et son amie lui avait avoué avoir retrouvé Jessie en pleine conversation avec lui. Elle en avait littéralement pété une durite et n'avait pas parlé à sa jeune soeur pendant plusieurs semaines.

Jessie avait fini par lui promettre de ne plus y aller. Elle aurait dû se douter qu'elle mentait. Elle, elle ressentait une telle colère envers lui, qu'elle ne pouvait pas s'imaginer que sa propre soeur ne la ressentait pas, elle aussi. Mais c'était vrai. Jessie avait noué une relation quelque peu bancale avec lui, et voilà qu'ils étaient à la limite de devenir amis. C'était tout bonnement inconcevable. Jamais elle ne pourra être d'accord avec ça. Il pourra faire toutes les preuves qu'il veut, jamais ça n'effacera tout c'qu'il a pu faire. Comment Jessie pouvait-elle passer au-dessus d'ça ?

«- Riley, résonne la voix d'Izzy dans son talkie.
- Ouai, répond t-elle, la gorge encore nouée.
- Mia m'a appelé. T'es où ?
- J'rentre.
- Parfait. On arrive près de votre petit camp avec Alex, on t'attend. »

Elle aurait préféré rester seule, mais elle ne pouvait dire non à Izzy. Encore moins à Alex, pour qui elle ressentait toujours la même culpabilité.

Quand tout s'est terminé, peu avant qu'elle déprime dans le bungalow, ils se sont précipités au Sanctuaire pour le ramener. Lorsqu'ils l'ont retrouvé, il était aux abords de la mort. Il avait perdu près de dix kilos et il lui manquait deux doigts à la main gauche. Il a mis des mois entiers à s'en remettre. Elle n'a pas cessé de s'en vouloir d'autant plus depuis.

Quand elle arrive, ils sont tous les deux assis le long de la rivière, les pieds dans l'eau, profitant du soleil. Ils se tournent vers elle quant ils l'entendent et sourient en la voyant. Elle les rejoint rapidement, les prenant simultanément dans ses bras.

«- Qu'est-ce que vous foutez là ? Les interroge-t-elle.
- Mia m'a tout expliqué, répond Izzy.
- On s'est dit que tu voudrais p't'être en parler, enchaîne Alex.
- Y'a rien à dire, souffle-t-elle, Jessie a continué d'aller voir Negan. Elle dit que j'dois m'y faire, qu'il a changé... Ricane-t-elle, comment elle peut penser ça ? Demande-t-elle en s'allumant une clope.
- Peut-être qu'il a vraiment changé.
- Quoi ? Tu vas pas t'y mettre toi aussi.
- J'suis allée l'voir, y'a deux mois d'ça, lui avoue-t-elle, après tant d'années à l'éviter, j'avais besoin d'le voir et d'lui demander pourquoi il a fait tout ça. Pourquoi il a obligé Alec à tuer notre mère, et moi, notre père. J'voulais savoir quel plaisir il avait eu à faire tout ça.
- Et donc ?
- Il a répondu qu'il n'y avait pris aucun plaisir. Qu'il se devait simplement de montrer aux autres qu'il était l'plus fort, qu'on ne pouvait entraver ses règles sans avoir une sanction, que c'était lui, le Roi de ce nouveau monde. Il a aussi dit qu'il referait exactement la même chose aujourd'hui s'il avait les mêmes opportunités. Mais qu'il y aurait peut-être réfléchi à deux fois avant d'abattre n'importe qui, pour n'importe quoi. Qu'il aurait été moins sadique, moins impulsif, lui raconte-t-elle, la faisant pouffer de rire.
- Donc, en gros, il regrette rien ? Résume-t-elle, tout c'qu'il a fait, c'était pour sauver sa peau et tant pis si en passant il détruit des vies ? Pour lui, il a simplement fait c'qu'il fallait pour survivre ? Eh bah, si on avait tous fait ça, il resterait plus personne sur cette planète.
- On a tous tué des êtres humains.
- Oui, pour nous défendre, pour sauver notre peau.
- Il dit que c'est exactement c'qu'il a fait aussi.
- Ça n'a strictement rien avoir.
- Pour lui, ça a tout avoir.
- Alors on est juste censé oublier, voire même de pardonner ?
- Non, mais on doit vivre avec et continuer d'avancer. »

Autant vous dire que cette seconde conversation a jeté un froid identique à la première. Elle n'arrivait pas à croire que tout le monde puisse simplement passer à autre chose. Mais elle avait fini par accepter leur point de vue, puisqu'ils semblaient accepter le sien.

Elle hoche doucement la tête, tournant les talons pour rejoindre la tente et en sortir une canne à pêche. Alex rigole comme un imbécile alors qu'elle lui tend, lui qui lui en avait parlé des centaines de fois. Izzy et elle échangent un fin sourire quelque peu forcé et ils quittent son petit camp pour remonter la rivière, rejoignant un lac se trouvant à quelques kilomètres.

«Un nouveau monde» (2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant