«Un nouveau monde» (2)

« chapitre vingt-et-un »

Le regard droit devant, elle quitte les lieux sans un regard en arrière. Son coeur tambourine avec rage dans sa poitrine et elle n'a pourtant toujours pas reporté son regard sur la photo. Bordel. Elle ouvre sans plus attendre la porte d'entrée de sa petite maison, referme rapidement derrière elle, avant de tituber, totalement déconcertée, vers le petit bar de sa cuisine pour s'y appuyer, les jambes tremblantes.

Elle qui pensait ne jamais revoir son visage, enfin, à l'exception de ces rêves qu'elle peut bien faire et qui ne sont pas toujours joyeux, ni réconfortant. Elle dépose le cadre sur le bar, à l'envers pour commencer. Elle pose ses deux mains dessus et le retourne sans plus attendre.

C'est vrai qu'ils étaient mignons. Un sourire qu'elle ne peut contrôler étire ses lèvres alors que quelques larmes roulent sur ses joues rosées. Bon, ça venait peut-être de cet enfoiré de Negan, mais elle allait bien évidemment le garder. Et puis il était hors de question que quiconque, à l'exception d'elle-même, ne soit en possession de cette photo. C'était beaucoup trop personnel. C'était finalement tout ce qu'il restait d'eux. Elle prend le cadre dans sa main, et va le déposer sur la petite cheminée, qui jusqu'ici, était toujours vide.

Elle ressort rapidement, deux sauveurs devant sa maison. Comme si ils étaient en train de monter la garde devant chez elle. Elle lève les yeux au ciel et s'avance un peu dans les rues, afin d'y retrouver Rick et les autres.

Ils sont déjà à nouveau devant le portail, le tour de la ville a été fait, et bien évidemment, elle est désormais sans dessus-dessous. Elle se place aux côtés de Rosita au moment où Simon prend la parole en la voyant revenir.

«-Ah, te revoilà mon ange, alors, contente? Lui demande t-il en souriant, tenant un mouchoir contre son nez, t'en fais pas, je t'en veux pas pour ça, ricane t-il.
-Pas b'soin de remercier ton précieux chef, j'le ferai moi-même la prochaine fois que j'aurai l'honneur de l'voir, répond t-elle durement, et concernant ta petite personne, tu devrais te réjouir de ne t'en sortir qu'avec ça, grogne t-elle.
-J'espère que ce ne sera pas avec une balle dans la tête, plaisante t-il passant outre ses dernières paroles, bien sûr que non, tu ne ferais jamais ça.
-Bien sûr que non, dit-elle d'une façon quelque peu ironique.
-Sinon, merci pour ta coopération Rick, j'm'excuse, on a laissé un peu de bordel mais tu sais, on a encore un tas de merde à régler alors, déclare-t-il en montant dans son camion et se penchant par la fenêtre, et si jamais vous finissez par revoir Daryl. Dans quelques jours, dans quelques mois, ou dans quelques années. Dites-lui qu'il n'y aura pas prescription. Garde ta machette près de toi, tu risques d'en avoir besoin.»

Il donne un coup sur la carrosserie du véhicule et ils quittent la ville. Qu'il ose toucher un seul cheveu de Dixon, il en bouffera un doigt.

«-Qu'est-ce qui s'est passé dans la réserve? Interroge Rick aussitôt le portail fermé.
-Comment ça? Questionne Riley en fonçant les sourcils.
-La réserve, on a plus rien, lui dit Aaron, il faut qu'on parle de Gabriel.
-Hier soir il était de garde, commence à expliquer un Alexandrien, quand je suis arrivé pour le reprendre ce matin, il était plus là, la réserve vidée, une voiture manquante.
-Putain, l'enfoiré, il est parti avec tout nos vivres! Gueule Rosita.
-Non, intervient Rick.
-Il aurait pas fait ça, poursuit Riley, plus maintenant. Pas sans une bonne raison derrière.»

Elle les laisse débattre sur la loyauté du prêtre, et s'en va, préférant embarquer dans un véhicule et partir à la recherche d'armes, comme de vivres. Elle quitte Alexandria peu après, prévenant uniquement Éric, qui garde une fois encore sa jeune soeur et Mia. Que ferait-elle sans lui? Puis elle part à l'opposé du sanctuaire, voulant éviter de tomber sur quelconques sauveurs.

Elle roule une bonne heure, si ce n'est plus. Cigarette au coin des lèvres, au lieu de continuer vers la ville comme elle l'avait prévu, elle stoppe son pick-up à l'entrée d'un chemin de terre. Au loin, de hautes grilles, recouvertes d'un tissu, comme le portail d'Alexandria, cachant ce qu'il se trouve à l'intérieur, l'intriguent davantage.

Elle saisit sa machette de sa main droite et s'enfonce dans la forêt, n'empruntant pas le chemin sur lequel elle vient pourtant de se garer. Les oreilles à l'affût, elle s'avance prudemment vers les grilles, distinguant plusieurs silhouettes déambuler à l'intérieur.

Elle les contourne d'abord, voulant faire un bref tour du périmètre, qui se trouve finalement être bien trop long pour qu'elle en fasse la totalité. Elle s'arrête à une bonne moitié, grimpant sur l'un des camions arrêtés non loin des grilles.

Bien évidemment, c'est infesté, de toutes parts. Mais c'est bien trop tentant pour ne pas aller voir. Si ça se trouve, c'est une véritable mine d'or là-dedans. Elle descend de son perchoir et continue à contourner les grilles après avoir vérifié la remorque des quelques poids lourds. Toutes vides. Une imposante grue sert à combler le mur, coincée entre deux grilles, elle l'escalade avec agilité, n'étant plus très loin du seul bâtiment présent. C'est un ancien chantier, presque terminé, qui a dû servir de camp mais ça a vraisemblablement mal tourné. Il y a beaucoup de soldats, tout comme énormément de civils, regroupant une bonne soixantaine de cadavres. C'était beaucoup pour une seule personne. Elle devra se faire la plus discrète possible afin d'en attirer le moins possible vers elle. D'ailleurs, ils ne l'ont toujours pas remarqué, ses déplacements discrets n'égalant pas l'horrible raffut qu'ils peuvent faire.

Elle descend habilement de l'autre côté, se cachant derrière une immense tente. Elle récupère sa machette, regardant de chaque côté de la tente. Elle prend une grosse pierre se trouvant à ses pieds, puis la jette le plus loin possible de la seule entrée du bâtiment en vue. Les rôdeurs s'y précipitent comme des mouches sur une bouze de vache. Elle en profite pour entrer par la porte déjà ouverte, prenant le temps de la fermer délicatement après elle. Il n'y a rien à l'intérieur, c'est le vide intersidéral. Elle commence à jurer, alors que son regard se porte vers les quelques portes du grand rez de chaussée et de l'escalier tout au fond sur sa gauche. Il y a forcément quelque chose d'intéressant derrière ces fichues portes, ou à l'étage.

Toutes les issues du rez de chaussée sont convenablement fermées, elle commence donc ses recherches. Face à la première porte, elle donne quatre brefs coups et colle son oreille contre celle-ci, coupant même inconsciemment sa respiration pour encore mieux percevoir ce qu'il peut y avoir derrière.

Rien, juste un profond silence. Elle ouvre la porte, inspectant l'intérieur de la petite pièce qui est comme ce bâtiment, vide, si ce n'est deux sacs de couchages sales. Elle fait ensuite les quatre autres portes, y trouvant le même résultat quasiment à chaque fois. Elle jure en donnant un violent coup de pied dans la dernière porte, putain, elle ne peut pas être venue ici pour rien.

Elle quitte la dernière pièce et monte les escaliers deux par deux. Quand elle arrive à l'étage, ses yeux s'ecarquillent de surprise. Les pièces n'avaient pas été faites, laissant un immense espace de la longueur du bâtiment. La toiture n'est pas finie, le mur derrière elle est manquant. À l'opposé de l'escalier, deux palettes remplies de conserves, de paquets de gâteaux, chips et quelques cartons, avec même quelques bidons d'eau. Elle sourit en s'en approchant, saisissant naturellement un des bidons, l'ouvrant précipitamment avant d'en boire de longues gorgées. Que c'est bon.

Elle le pose ensuite par terre puis va regarder par la fenêtre, enfin le trou qui aurait dû servir de fenêtre. Elle ne pourra jamais faire mille et uns allers-retours, ni même bouger l'un des camions pour y embarquer les palettes sans attirer l'attention de tous ces geeks.

Son regard se pose inconsciemment sur la grue. Elle n'est pas si loin du bâtiment, le crochet atteindrait facilement la palette par le trou du toit, elle n'aura qu'à la poser délicatement dans la remorque de son pickup. C'était irréaliste, mais c'était à tenter, ça pouvait marcher.