«Un nouveau monde» (2)

« chapitre vingt-deux »

Elle laisse son sac près des palettes, et redescend. Quelque chose qu'elle avait vu dans l'une des pièces du rez-de-chaussée lui serait finalement utile. Elle retourne dans l'avant-dernière pièce, la seule sans sacs de couchage, mais avec du matériel en tout genre, ça avait sûrement dû leur servir de débarras. Elle trouve rapidement ce qu'elle cherche, deux larges câbles solides. Elle remonte aux pas de course, les câbles sur l'épaule droite, avant de se laisser glisser à genoux près de la palette qu'elle prendrait, si jamais elle y arrivait. Car bien évidemment, elle ne comptait pas prendre les deux, si c'était pour qu'elles finissent chez les Sauveurs et qu'ils n'en gardent rien, et puis, ça aurait été deux fois plus galère alors bon.

Elle noue l'une des exterminés à l'une des lattes de la palette face à elle, puis fait passer le premier et le plus grand des câbles en-dessous, avant de le faire passer par-dessus pour en faire son tour et le refaire passer en-dessous une seconde fois, puis attache la deuxième extrémité le plus solidement possible à l'une des latte en bois opposée à la première, les deux petits crochets contre deux lattes. Se saisissant du deuxième, elle en fait le tour une seule fois, de sorte à ce que les deux câbles se croisent, l'attachant à son sommet au milieu du premier, comme un oeuf de pâques. Elle tire de tout son poid sur les câbles, même si ce n'est rien en comparaison au poid de la palette, voulant s'assurer que tout tient bien. Ça en a l'air. D'un coup, elle est moins confiante. Mais elle doit tout de même essayer, de toute façon, elle a trop bien commencé pour laisser tomber.

Elle tourne le dos aux palettes, et ressort discrètement du bâtiment. Tuant quelques rôdeurs qu'elle ne peut éviter. Elle s'accroche à l'une des barres de la grue, et se hisse afin de passer de l'autre côté. Une fois fait, elle court jusqu'à sa voiture, sautant sur le siège conducteur, avant de démarrer rapidement.

Elle s'engage sur le chemin de terre, et va garer son véhicule près de la grue, effectuant une marche arrière pour placer la remorque le mieux possible. Une fois qu'elle juge être bien mise, elle descend et grimpe dans la cabine. De là où elle est, elle voit le trou sous lequel sont les palettes, elle n'a qu'à placer le crochet au-dessus et suffisamment bas, redescendre dans le bâtiment le placer dans les câbles, revenir ici et la bouger dans la remorque. Facile comme bonjour.

Ou pas. De toute manière, si cette foutue grue ne s'allume pas, la question ne se posera plus.

Elle pose son regard sur le tableau de commandes. La clé est déjà sur le contact, elle n'a plus qu'à la tourner. Elle dépose sa fine main dessus, le souffle court.

«-Allez ma belle, soupire t-elle, je sais que tu peux l'faire, dit-elle en tournant la clé, le moteur tousse directement, elle l'éteint donc, je sais, tu dois être un peu encrassé, mais ça va le faire, tu vas voir.»

Elle retourne la clé, refaisant tousser le moteur qui ne met que quelques secondes à gronder. Un sourire béat sur le visage, elle félicite ouvertement l'engin tout en sautillant sur le siège qui bouge dans tous les sens. Elle reprend vite son sérieux, regardant les rôdeurs qui ont finalement compris qu'elle était là. Elle leur fait un signe de la main, prenant le levier de l'autre. Le bruit qu'elle fait est tout bonnement infernale. Avec ça, elle allait attirer tous les rôdeurs à une trentaine de kilomètres à la ronde. Elle doit impérativement se dépêcher.

Dans un grincement désagréable, le grue bouge enfin. Elle la tourne vers le bâtiment, remontant le crochet à son maximum pour ne pas qu'il touche le toit, et le fait descendre une fois qu'il est au-dessus du trou. Jusqu'ici, tout se déroule bien.

Une fois qu'elle juge être bien mise là aussi, elle laisse la grue allumée, ne voulant pas prendre le risque qu'elle ne se rallume pas et sort de la cabine. La horde toute entière est à ses pieds, lui bloquant littéralement le passage.

«-Sales fumiers, grogna t-elle.»

Elle réfléchie rapidement à une solution, ce qui n'est vraiment pas évident. Puis sans finalement réfléchir plus, elle saute de l'autre côté de la grue, longeant en courant la grille, tout en frappant dessus et en criant, sans pour autant attirer forcément tous les zonards de la forêt. Elle va à l'opposé de la grue, frappant avec plus de vivacité les grilles, attirant tous les rôdeurs à l'intérieur vers elle. Qu'ils sont cons putain. Une fois que la majorité de la horde fut près d'elle, elle reprend sa course en faisant demi-tour. Elle réescalade la grue, se jetant de l'autre côté sans même regarder. Abattant quelques morts une fois au sol, reprenant sa course jusqu'à la porte du bâtiment. À peine la ferme-t-elle derrière elle, que la plupart des morts s'entassent contre celle-ci. Elle reprend quelque peu son souffle et remonte rapidement à l'étage.

Le crochet est parfaitement positionné, elle fut assez fière d'elle. Elle s'empresse de le coincer à l'intersection des deux câbles, grimpant par la suite sur le haut de la palette pour tirer avec toute la force qu'elle peut posséder afin de vérifier une fois encore la solidité de ses noeuds.

Ça a vraiment l'air de tenir, mais ses cinquante kilos comparés à la centaine, voire même plus, de la palette n'arrêtent pas de la faire hésiter.

«-Putain mais arrête de réfléchir et agis, se dit-elle avant de sauter de la palette, et au pire, on en parlera à personne, s'exclame t-elle en haussant les épaules alors qu'elle redescend les escaliers, ouais voilà, on gardera cet échec pour nous.»

Une fois devant la porte, elle l'entrebaille quelque peu avant de risquer un coup d'oeil vers l'extérieur, ces blaireaux l'ont déjà oublié et c'est une bonne, même une très bonne chose.

Elle remet correctement son sac qu'elle vient de récupérer sur ses épaules, examinant cette courte distance la séparant de la grue. Elle ouvre en grand la porte et s'élance dans une folle course. Elle décapite deux rôdeurs se précipitant, enfin, à leur faible allure bien-sûr, vers elle, avant de sauter sur la grue, s'agrippant de parts et d'autres de celle-ci avant de se hisser sans plus attendre dans la cabine. La horde s'est de nouveau dirigée vers elle alors qu'elle leur fait un majestueux doigt tout en criant.

«-Allez, à la prochaine, bande de débilos!»

Elle se reconcentre sur sa tâche, alors qu'elle refait face aux commandes de la grue. Elle reprend le levier en main, faisant doucement remonter le crochet, ainsi que la palette y étant désormais accrochée. Rapidement, elle voit le haut de celle-ci dépasser du toit. Elle la fait sortir entièrement, puis entreprend de la ramener vers elle, ainsi que de la remorque de son véhicule.

La palette passe au-dessus de l'attroupement de rôdeurs, sans même qu'ils n'y fassent attention, ça ne doit pas les intéresser, enfin beaucoup moins qu'elle. Son stress grimpant en flèche alors qu'elle passe les grilles, et qu'elle voit qu'une autre troupe de rôdeurs l'attend sagement de l'autre côté de celles-ci. Bon, ça tient plutôt bien, elle peut prendre davantage de temps pour la positionner au mieux au-dessus de la remorque de son pick-up.

Une fois qu'elle juge, là encore, être bien mise, elle fait redescendre doucement le crochet et la palette, putain, ça allait marcher. Au moment où elle pense cela, l'un des câbles lâche. Elle écarquille les yeux en voyant la palette valser quelque peu, pour finalement lâcher totalement.

Elle s'écrase sur l'une des bordures du coffre, avant de s'écrouler à l'intérieur, ne faisant tomber, à son plus grand bonheur, que quelques conserves par terre, au milieu des rôdeurs. Putain, c'était tendu. Elle éteint enfin cet engin de malheur, ses oreilles retrouvant enfin le calme de la forêt, à l'exception des grognements incessants de ses fidèles compagnons.

De la grue, elle saute dans la remorque de son véhicule, tombant sur quelques vivres. Elle prend le temps d'éparpiller le tout, pour éviter d'en perdre en route et grimpe sur le toit alors que les rôdeurs encerclent le pick-up. Il faut juste qu'elle se hisse par la fenêtre. Ça va être compliqué.