Chapitre XIII

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                                                              La chaleur d'une étreinte

Mon esprit embrumé commença à revenir ; comme si je me réveillais d'un profond sommeil sans pouvoir déterminée sa longueur. Je ne parvenais toujours pas à sentir mon corps ni même à ouvrir les yeux alors je commençais à réfléchir dans un monde obscur.

Mes paupières fermées, des bribes de souvenirs revinrent à mon esprit. Le fracas de ma lame contre une défense de monstre, le temps, presque ralenti, de ma chute, ma peau qui s'enfonçait dans l'eau glacée de la rivière, les remous et le courant qui m'emportaient au loin, le bruit sourd des cris d'une personne apparurent dans mon esprit comme un mirage. Je réalisais dans le plus grand des calmes, peut être du à la fatigue, que j'étais tombée dans le fleuve à crue des plaines de Raves après avoir essuyé mes bottes contre la glaise.

J'étais morte, là était la raison pour laquelle mon corps ne réagissait plus. C'était le dénouement le plus vraisemblable. Mon esprit était donc en route vers le paradis ou l'enfer, l'Ange croisé en était le messager.

Pourtant, petit à petit des sensations commencèrent à émerger, comme si je parvenais à ressentir mon corps. J'ouvris les yeux. Je parcourais mon champ de vision, la fatigue et la douleur m'empêchais d'émettre toute parole ou cri que j'aurais pu avoir devant ce qui se passait.

J'étais allongée contre Lash, ses bras m'entourant, ma tête contre sa clavicule et mon épaule contre la sienne. J'entendais la respiration haletante de Lash dans mon dos et sentais les battements rythmés de son cœur contre moi. Je sentais le rouge venir empourprer mon visage essoufflé et chauffer mes joues alors détournais le regard. Ma robe trempée se collait à ma peau et effleurait la cotte de mailles de mon aîné. Il avait enlevé son long manteau de cuir et m'avait couvert avec, bien que je sois encore tremblotante. Il gardait l'une de ses mains dissimulée sous un gantelet de cuir sur mon épaule, elle paraissait alors si grande, si forte. Être aussi proche d'un homme n'était pas habituel pour moi ; à cet instant Lash semblait si protecteur.

Il pleuvait encore averse mais nous étions tous les deux abrités par l'imposant feuillage d'un des seuls arbres de la plaine. L'orage avait cessé, seul la pluie persistait tel un déluge. Le bruit de la pluie couvrait le léger champ des quelques oiseaux, aussi abrités sous le feuillage. Les nuages, dissimulant tout éclat de la voûte céleste empêchant ainsi de savoir l'heure qu'il était.

Qu'a-t-il bien pu se passer ? M'a-t-il sauvé ? Le flux de la rivière n'a pas pu n'emmener jusque là, je n'entends pas le courant d'ici ? m'interrogeais-je toujours perdue dans mes pensées.

Je détaillais pour la première fois le visage de mon tuteur, si près du mien. Ses pupilles étaient d'un bleu acier, presque argentées ; elles scrutaient l'horizon qui se reflétaient contre elles, telle un miroir. Sa peau était différente de celles des autres aventuriers rencontrés, son teint était laiteux mais semblait aussi épuisé ; d'immenses cernes assombrissaient son regard sévère qui contrariait sa jeunesse apparente. Une sorte de force, de détermination se lisait sur son visage. Un nez aquilin siégeait sur son visage. Ses cheveux noirs retombaient sur son front, des gouttes de pluie perlant certaines mèches. Sa coiffure en bataille ne lui donnait pas un air négligé ; son visage bien trop fier et noble pour le paraître égalait l'air hautain des souverains. Bien que ne je l'appréciais pas, on pouvait aisément affirmer que c'était un homme pouvant être qualifié de beau, voire même de séduisant, il suffisait d'écouter les autochtones de Rosran pour le savoir. Toutefois, aucune délicatesse n'ornait ses traits forgés par l'expérience du combat. Si l'on devait le décrire simplement, à la manière d'Alabrund et sans distinction, l'on dirait sans doute qu'il en a vu des vertes et des pas mûres dans la vie, sans doute à cause de son travail acharné dans la guilde.

Cependant, cela aurait été la description que j'aurais faite de lui plus tôt car, il n'était plus du tout le même.

Sa peau était parsemées de traces bleutées ou violacées qui étaient parfois enflées. Son œil gauche était boursouflé, comme si un poing l'avait frappé. Un liquide visqueux peignait sa peau d'une teinte carmin. Sa lèvre supérieure tremblait, elle semblait avoir était arrachée, elle avait viré au bleu et gonflait progressivement. Une bosse tordait son front et sa mâchoire paraissait déformée. Des lacérations déchiquetaient son épiderme. Une immense cicatrice ouverte baillait sur son torse ; un flot d'hémoglobine jaillissait de la plaie béante et s'écrasait sur mon habit mouillé. Il avait du probablement se battre face à d'abominables créatures pour finir dans cet état, qu'il soit encore éveillé tenait du miracle.

En voyant cela une violente nausée fondit sur mon estomac vide. J'aurais pu vomir de la bile en contemplant avec effroi son visage charcuté.

En baissant les yeux je constatais que son corps n'était pas en meilleur état. Sa cotte de mailles partaient en lambeaux par endroit et les bribes de tissus de ses vêtements se déchiraient de part et d'autres. Le cuir de ses bottes, pourtant épais, s'arrachait et seul son ceinturon sur lequel était accroché la lame était encore utilisable.

- " Cesses de me dévisager." souffla-t-il sans daigner m'accorder un regard.

Sa voix se rapprochait du murmure, il n'y avait pas une once d'animosité dans son timbre, presque inaudible. Il semblait plus harassé qu'un soldat parti au cœur d'une bataille, impossible de deviner ce qu'il lui était arrivé. Ma curiosité me poussait à me renseigner sur cela mais, les lueurs éteintes dans ses yeux figèrent mes lèvres dans leur élan. Pas un mot ne put s'échapper de ma bouche, coincés dans ma gorge nouée.

Certes, ignorant les évènements passés, je pouvais deviner l'évidence de leur nature ; il m'a bel et bien sauvé. Le violent courant pouvait être l'origine de ses blessures et les éventuelles excroissances présentes dans cette dernière auraient très bien pu faire naître des plaies sur lui. Un tronc d'arbre aurait très bien pu tomber à l'eau et ses branches déchirer n'importe quelle étoffe avec la force du l'eau glaciale.

Contemplant toujours les trombes d'eau qui fuyaient les nuages, chassées du ciel, le chuchotement de ma voix parvint à ses oreilles :

- " Merci..." susurrais-je.

Des larmes silencieuses inondaient mon visage rongé par la culpabilité. Par ma faute, l'un des membres de la guilde avait été gravement blessé. Ignorant le temps écoulé, j'avais très bien pu inquiéter Sasha, le Maître, Sorret et les proches de mon tuteur. Mais surtout ; Lash pouvait mourir. Si aucun soin n'était effectué sa mort serait proche aux vues de ses blessures. A cet instant, en plus de la culpabilité un autre sentiment germait en moi.

La sincère gratitude que j'éprouvais pour mon sauveur était bien plus intense et ferme que celle ressentie lors de son secours face à la Virace. Une douce chaleur habitait ma poitrine battante. En jetant de nouveau un regard vers son visage, l'image d'une épée brandit au dessus d'un homme apparut en moi ; elle s'abattit ensuite sur chacun de mes assaillants gobelins puis, illuminée par le tonnerre, sa silhouette dévoila ainsi les traits de l'homme ; Lash.

C'était lui qui m'avait sauvé lors de l'attaque de la diligence il y a de cela quelques temps, je venais de le réaliser alors même qu'il m'avait de nouveau sauver la vie.

Ne tiendrais-je donc jamais ma promesse ? Les autres succomberont-ils tous pour moi ?Je souhaitais plus que tout protéger les innocents et survivre mais ces derniers périront pour ma seule survie, est-ce là votre désir, Ô cruel destin qui nous guette ?

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