Chapitre XXVII

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Qu'aurais-tu fait ?

Une légère brise soufflait autour de nous, projetant chaque mèche de nos cheveux dans diverses directions. Personne ne parlait, seul le sifflement du vent s'emparait du chemin de terre où nous attendions.

Alignés telle une haie d'honneur le long de la route, Sasha, Seth, Yvan, Ziege et moi nous tenions droits comme des piquets, incapables de se détendre ne serait-ce que d'un pouce.

Notre aventure à la capitale s'était achevée. De retour depuis quelques jours déjà, l'impatience et l'angoisse nous accompagnant, le retour de Lash avait fait débat. Par ailleurs, même le Maître, pourtant la personne qui l'appréciait le plus n'était pas là. C'est vrai... Tout le monde ne s'attendait pas, même de sa part, à ce qu'il laisse un tel cadavre derrière lui...

Soudain, un murmure s'éleva doucement depuis les lèvres de Sasha, s'adressant à ses deux compères fondateurs :

- " Il est encore au bar, j'imagine..."

Le général s'apprêtait à renchérir, l'air de vouloir en découdre avec Lash pour venger Keith mais Yvan l'interrompit. Selon lui, le Maître n'était pas en colère, c'était plus de la déception, une profonde tristesse née de la perte de l'estime qu'il avait pour lui.

On m'a dit qu'il était ainsi depuis l'emprisonnement de Lash, à siroter des verres et des verres d'alcool dans le bar désormais silencieux. D'ailleurs, à notre arrivée, les lumières étaient éteintes et plus personne ne vadrouillait dans la pièce désertique. La fête était finie depuis que Lash était parti, il ne restait plus que le Maître, toujours assis sur le même tabouret devant un barman décontenancé, se contentant d'essuyer sa vaisselle le plus discrètement possible.

Dire que je m'étais isolée sans penser à un seul instant à la guilde... J'ai toujours le caractère d'une bourge capricieuse, ma parole, à ne se soucier qu'à sa petite personne. Comment aurais-je pu être la plus atteinte en sachant que je ne le connaissais que depuis peu contrairement à Keith qui l'avait recueilli comme son propre fils ?

Je pouffais de dépit quand soudain, le roulis d'une charrette cascada jusqu'à notre position. Alertés comme un homme, tous les visages se tournèrent vers l'horizon où apparaissait petit à petit la toile d'une caravane puis sa base et ses roues.

Le pas des chevaux s'accéléra à la vue de la ville sous les ordres d'un soldats conduisant le véhicule, accompagnés d'une garde montée ainsi que de fantassins.

- " C'est lui... ?" soufflais-je sans m'en apercevoir.

Quelques instants plus tard, la diligence s'arrêta devant nous. Complètement fermée, il nous était impossible de distinguer quoi que ce soit à l'intérieur cependant, il nous fallut pas beaucoup de temps avant que la porte s'ouvre.

Un homme pâle et marqué de plaies sèches descendit une à une les marches. Ses cheveux plus épais et longs bataillaient sur son crâne parfaitement droit tandis que seul un chandail sale couvrait son buste plus fin qu'avant.

Lash...

En le revoyant, je ne ressentis rien. Une sorte d'indifférence résultait de son retour, je ne voulais rien ressentir, je ne voulais pas que mon cœur batte pour lui. Cet être dénué d'émotions ne devait pas m'importer au contraire, la façon avec laquelle il semblait détaché du monde autour de lui m'effrayait. Je ne comprenais pas comment l'on pouvait ne rien dire après avoir été le responsable de tels évènements.

Son regard était vide, complètement éteint, comme les yeux d'une poupée. Il ne prit pas la peine de saluer ou même observer quiconque se trouvât sur la lignée et, marcha d'un pas lent et tranquille jusqu'à l'intérieur de la guilde.

Si nous n'avions pas réagis tout de suite, au moment où il pénétra dans l'enceinte de la bâtisse, nous nous précipitions derrière lui. Je ne sais pas trop ce que nous espérions, nous étions parfaitement incapable d'aligner un mot ou ne serait-ce que l'érafler alors l'arrêter, le réprimander ou juste lui parler serait bien impossible. En fait, je crois que c'était plutôt la rencontre entre lui et le Maître que nous redoutions pourtant...

A son entrée, Keith ne prit pas la peine de se retourner. Il vola une gorgée d'alcool, gardant son verre à la main et un léger son rauque, presque inaudible s'échappa de sa gorge, semblable au soufflement d'une bête sauvage se retenant de sauter au cou de sa proie.

De l'autre côté, Lash, lui, avança prudemment jusqu'aux escaliers. Même lui semblait avoir senti l'aura meurtrière qui émanait de son ancien père adoptif. Il ne dit mot jusqu'à ce qu'il soit à l'étage mais, encore sous la chambranle du couloir supérieur, il lança, presque d'un murmure :

- " Je suis rentré."

Sa voix parfaitement blanche ne trahissait aucun sentiment cependant, ce fut la goutte de bière qui fait déborder la choppe pour le Maître.

Il retint un sanglot en avalant douloureusement la salive présente dans son gosier puis se leva d'un bond. Il ne disait rien, toujours tourné vers le bar mais on pouvait entendre sa mâchoire se contracter et, à la vue des sourcils froncés de Sorret, Keith n'avait pas l'air d'aller.

Toujours de dos, il se contenta de sortir par la porte de derrière.

Après cela, personne ne dit rien, selon les fondateurs il ne fallait pas déranger un homme quand il a besoin d'être seul.

Tous partirent, soit à leur bureau, soit chez eux. De notre côté, Ziege aida le barman à nettoyer sa verrerie. Moi, je prenais place à côté de l'ancien siège du Maître, sirotant une choppe que Sorret venait de me servir.

Je la dévisageais à moitié, tout comme Keith, je n'avais pas vraiment soif, j'avais surtout besoin de boire un liquide qui brûlerait tous mes sanglots sur son passage...

Mon regard vogua de part en part des murs puis soudain, s'arrêta sur un tableau accroché sous l'escalier, près de la porte empruntée par le Maître.

- " Elle mène à la tombe de quelqu'un, si je me souviens bien..." soufflais-je pour moi-même.

Interloqué, le chauve se tourna dans la direction que j'observais et sourit d'un air nostalgique :

- " Oui... Samaël y repose... Je pense que Keith a besoin de lui parler..."

A ces mots, mon incontrôlable curiosité ne put s'empêcher de se demander qui était réellement ce "Samaël". Après tout, la plupart des gens parlait de lui mais personne n'expliquait pourquoi, il était normal de se poser des questions. Mais, comme piqué au vif, Sorret me répondit avec le même air pensif, tourné vers le passé :

- " Ah ça, c'est une bien longue histoire..."

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Et c'est la fin de cette partie tournée vers la Matriarche ! La fin laisse beaucoup de choses en suspens mais c'est normal ! Tout sera expliqué dans une autre partie qui répondra à la plupart de vos questions à propos de Lash ! ; )

Du coup, direction une autre partie ! Direction le passé des fondateurs ! ; p

Aussi, j'aimerais beaucoup avoir votre avis quand à cette partie assez différente des autres, notamment parce que cette fois Diane combattait pour de vrai et ne se cachait plus derrière les autres ! ; )

Sur ce, merci beaucoup de lire Flügel, j'espère toujours qu'elle vous plaira autant et surtout, bonne lecture ! ; )

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