Chapitre V

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Les regards sont toujours tournés quelque part ou... sur quelqu'un.

Je sentis une faible lumière réchauffer mon visage et me forcer à plisser mes paupières closes. J'ouvrais les yeux, constatant que l'aube pointait.

En temps normal, je me serais levée seule, préparant la journée et les repas pendant que Mademoiselle Diane se reposait mais, ce n'était plus le cas. Cette dernière était déjà debout à s'affairer autour de l'entretien de son épée.

Elle ne supportait plus le sommeil ; ce moment où toutes ses pensées l'étreignaient douloureusement jusqu'à pouvoir enfin l'étouffer. Ce moment où le fantôme de Lash et de Klaus Hênnes la hantent sans cesse de pourquoi et de sarcasme.

- " Enfin, Mademoiselle, si votre lame avait besoin que l'on s'en occupe, il fallait m'en faire part ! Monsieur et Madame, vos parents, m'ont demandé de vous accompagner pour que je me charge de ces tâches indignes de votre personne..."

Ma maîtresse avait bien entendu mes propos pourtant, elle, les ignora sans aucune gêne, se contentant de polir le tranchant de son arme.

Elle semblait loin, bien plus loin que la distance qui nous séparait, presque à mille lieues de cette tente. Un pincement m'agrippa le cœur en détaillant la mine de celle-ci ; les joues creusées sous des cernes noires qui perlait sous ses petits yeux éteints, son front strié ou encore ses lèvres pincées et mordues à de multiples reprises.

Soudain, d'un clin d'œil elle balaya tous les sentiments qui animaient son visage. La vie elle-même semblait se dissiper sur cette femme, devenue un pantin articulé par sa haine profonde.

Je voulais l'empêcher de s'acharner comme elle le faisait, lui faire comprendre qu'une compétition ne méritait pas toute son attention et, surtout que son esprit arrête de s'évader aussi loin mais... Je ne suis que sa servante. Il serait impoli et déplacé que je me permette davantage de remontrances.

Sur cette pensée, je m'inclinais pour la saluer avant de préparer le petit déjeuner. A peine eut-elle finit son repas, à peine elle fut partie pour les pâtures cerclant Alabrund.

- " Je vous souhaite un bon entraînement, Mademoiselle !" l'encourageais-je sincèrement sans obtenir une quelconque réponse de sa part.

Heure après heure, les couteaux tournaient sur la petite planche servant de plan de travail et les récipients chauffaient tout cela dans le but de pouvoir servir un repas riche et plein d'énergie à ma propriétaire qui travaillait d'arrache-pied dans sa quête de force. En revanche, des arrivants m'interrompirent dans mes préparatifs.

- " Salut, ma mignonne ! Tiens, tu es toute seule ? Un gentleman comme moi se doit de vous tenir compagnie !" s'amusa l'homme au pas de la tente.

Bien que je n'eus passé que très peu de temps dans la guilde, je reconnaissais très bien cet homme qui me saluait, accompagné d'une personne à qui l'on doit la survie de la famille Eulet ; le général de la région : Seth ainsi que la "monstrologue" de la guilde : Sasha.

Réprimant la nausée que m'inspiraient ses courtisaneries et ignorant les remontrances values par sa collègue, je m'inclinais respectueusement. 

- " Comment va-t-elle ? Je ne l'ai pas vu en arrivant." s'enquit Sasha d'un air purement arbitraire, sans une once d'émotions.

Ils savaient pertinemment dans quel état elle se trouvait. C'était d'ailleurs pour ça qu'ils ne prenaient pas de gants dans des faux-airs ; il fallait que Diane Eulet soit prête pour le tournoi. Dorénavant, rien de plus ne pouvait importer. Sa santé irait de paire avec sa réussite dans la compétition, c'était la raison pour laquelle il ne cherchait pas à en demander plus.

Ce sont des dirigeants de guilde et leur travail n'est pas de laisser quelqu'un courir à sa perte, agir en fonction de cela n'est pas de leur ressort mais de celui de la personne en question. C'est triste à dire mais, quant la réputation de leur guilde est en jeu, le cœur de leurs employés n'est pas une priorité. Ce fut le cas pour le crime de Lash, cela le sera aussi pour l'acharnement de ma maîtresse.

Finalement, après quelques heures passées à discuter des dernières nouvelles de Rosran, ils repartirent à leurs occupations sans croiser la raison de leur venue. Après tout, le soleil pointait encore haut dans le ciel, signalant que la journée n'était pas bien entamée. Diane ne reviendrait pas avant un moment.

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Le bruit cadencé de quelques pas s'immisçait dans la pénombre. Comme le son calfeutré de chaussons de laine sur la carpette d'un manoir, il était difficile de les entendre véritablement mais, indiquant son existence, le son de sa voix s'éleva dans la grande pièce avec bien plus de clarté que ses pas :

- " Si j'avais su que mes invitations ne vous conviendraient pas, j'aurais changé les convives pour en mettre de plus mauvais encore..." nargua-t-elle sans vergogne.

A ses mots, toutes les personnes installées dans cette grande attablée tiquèrent. En effet, la personne arrivant s'était avancée au centre de la gigantesque salle. De là où elle se trouvait, tous les regards situés sur les grandes tables circulaires se posaient inévitablement sur elle, au milieu de cette scène, presque à la manière d'une invocation dans un rituel démoniaque.

Comment quelqu'un pouvait-il bien se moquer sans retenue des inquiétudes de ces vieux hommes à la longue barbe symbolisant leur grande sagesse et expérience ? La réponse était simple ; ne pas les craindre, eux, les émissaires les plus hauts gradés de l'Église orthodoxale.

L'un des hommes réunis, sans doute le plus jeune malgré son air un peu bouffi et rondouillard accentuant ses traits déjà sévères, fut le seul à oser répondre, tout du moins à bafouiller une justification à cet énergumène plus qu'inquiétant :

- " N-non... M-Mais non, voyons... C'est juste que... Nous aurions aimé connaître vos agissements, rien d-de plus !"

Comme un tigre se jetant sur sa proie, la bête profita de la peur dans le timbre du petit monsieur pour attaquer. Ses paroles s'avéraient tranchantes, cinglaient malgré leur douceur :

- " Hé bien, hé bien... Si j'avais su que le Ministre de l'Avarice était si trouillard et prudent, je me serais gardée de dépenser de la salive pour lui. Vous avez si peu confiance en vos hommes, Monsieur ? Si c'est le cas, c'est sans doute qu'ils ne peuvent s'épanouir sous les ordres d'un chef trop peu sûr de lui... Peut être faut-il revoir la hiérarchie ?" s'amusa la personne à la position centrale dans cette réunion, aussi bien d'un point de vue architecturale que professionnel.

Tous les hommes intégrés à cette remarque poussèrent une plainte plus ou moins silencieuse ; ils savaient qu'une erreur était fatale et, l'Avarice en avait faite une. Ils ne pouvaient désormais qu'espérer la clémence auprès de cet invité surprise.

Ainsi cette personne avait décidé que la guilde à la rose participerait au tournoi du Colisée, ainsi ces vieux schnocks n'avaient pas leur mot à dire. C'est comme cela que cela fonctionne et, pas autrement. Ils avaient beau ignorer ce qui se tramaient dans son esprit, ça ne changerait rien à ses actes toujours plus saugrenus de supérieure religieuse. Sa clairvoyance est bien l'atout majeur de leur main, ils ne peuvent faire comme si ses décisions étaient dépourvues de sens. Elle n'agit que pour le bien de l'Église.

Coucou, c'est l'auteure ! ( sans blague...) Je voulais vous dire qu'il est probable que j'ai du retard dans mes publications en ce moment pour motif personnel ! J'espère que cela ne vous dérange pas trop ! ; ) Bonne lecture et merci de prendre du temps à lire mon histoire !

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