Chapitre XVI

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Les flammes brûlantes d'un enfer blanc

Des hurlements déchaînés s'élevaient dans tout le Colisée au moment où la belle Paladin posa un pied sur l'arène. Le bruit assourdissant déchirait mes tympans tant l'ardeur des spectateurs se faisait entendre.

Je ne m'en était pas rendu compte dans les coulisses mais, lorsque l'on est au beau milieu de ce rayon de sable, on se sent minuscule face au gradins qui semblent s'élever infiniment plus haut à mesure qu'on les regarde.

Nos pas, eux, paraissent toujours plus petits, dans cette arène immense et nous avions l'impression que le Colisée lui-même allait nous avaler de sa bouche béante et affamée. La totalité de nos sens est altérée dans la grandeur du terrain de combat.

J'entendais mon propre souffle résonner en moi, se faisant presque aussi fort que la clameur des spectateurs. Ma langue ne salivait plus, elle était incroyablement sèche et ne semblait pas vouloir s'humidifier.

A l'inverse, les mèches qui encadraient mon visage, n'étant pas retenues par ma natte, me glaçaient les tempes tant elles étaient imbibées de sueur. Elles étaient bien plus fraîches et froides que l'air qui s'étaient d'un coup réchauffés dès lors que j'ai posé un pied sur la scène. C'était comme si passer du dallage de pierre au sable doré avait suffi à augmenter la tension qui faisait rage ici-bas.

De mouvements parfaitement coordonnés, Phoebe et moi avancions à un rythme régulier. Bientôt, nous fûmes l'une devant l'autre, seulement séparées de quelques mètres ; la taille de l'estrade de l'arbitre, à nous faire face. La distance devait bien demander huit bonnes enjambées pour être parcourue et pourtant, j'avais l'impression de pouvoir frôler l'ardeur et la volonté de se battre de mon adversaire juste en levant le bras.

Les encouragements du public disparurent de mon esprit en un écho lointain jusqu'à ce que seul le bruit de ma respiration et de celle plus éloignée de la sentence solennelle occupent mes pensées.

Soudain, le bras de la sœur fendit l'air et retomba sur ses hanches, signe que le combat débutait. 

Contrairement à la plupart des combattants précédents, aucune de nous ne chargea. Toujours immobilisées, nous nous jaugions du regard sans un mot.

Après quelques instants qui parurent interminables aux yeux du public, Phoebe Lancelot rompit le silence :

- " Mademoiselle, vous avez mauvaise mine. Votre chère servante vous manque tant que cela ?"

- " Alors, c'était bien vous... Hündin, ou plutôt Phoebe Lancelot... Maintenant que les présentations sont faites, allez-vous donc me faire le plaisir de m'expliquer pourquoi votre foutue cheffe s'en prend à nous ? Pourquoi vous êtes-vous faites passée pour notre employée et comment avec-vous réussi pareil subterfuge avec cette sorte de masque ?" l'interrogeais-je férocement, ne lui laissant aucune minute de répit.

Elle sourit froidement en entendant mes paroles et posa une main contre sa hanche avant de répondre d'un air tout aussi glaciale que son rictus :

- " Hou, du calme, mademoiselle. Une question à la fois. Mais, d'ailleurs, mademoiselle, en étant en ces lieux, vous affirmez être une combattante, non ? Alors, si vous désirez avoir une réponse à toutes ces questions, il faudra me les extorquer !"

Je commençais à perdre patience face à ce personnage plus que déconcertant. En dépit de son masque de glace, elle se moquait de ce rôle qu'elle jouait, répétant sans cesse les mêmes "mademoiselle" qu'elle clamait autrefois.

Cependant, elle avait raison sur l'un de ses dires ; si je souhaite avoir mes réponses, il faudra le faire par la force.

Cédant enfin au désir de la foule, j'extirpais mon épée de son fourreau dorsal et la pointais d'une main vers sa silhouette nonchalante en signe de provocation. Répondant à mon appel, elle dégaina son espadon et se mit en garde à son tour. On entendit plusieurs personnes déglutirent dès lors que le public se tut, comme s'il voulait uniquement concentrer son esprit dans le match qui se déroulerait enfin, ne laissant pas leurs cris obstruer les rouages de leur cerveau.

Le vent siffla. L'air se chargea. La tension palpable fut déchirée en un instant dans notre course.

Chargeant avec une force et une rage effrénée, mes pieds frôlèrent seulement une fois le sol avant d'atteindre mon objectif. Dans un grand et puissant fracas, nos lames s'entrechoquèrent en plein cœur de l'arène. Une onde choque vibra de mes poignets à mes épaules sous la violence du choc, faisant valser nos cheveux hors de notre champ de vision.

Nez-à-nez, mon front caressait doucement celui de Phoebe. Son regard profond eut le don de réveiller en moi la volonté d'en découdre, hérissant la moindre parcelle de ma peau.

Comprenant que nos forces s'annulaient mutuellement, nous firent un bond en arrière avant de retourner à l'assaut. Cette image se reproduit plusieurs fois avant que la sentence solennelle n'étire un large rictus.

- " C'est tout ce que tu sais faire ? Je vois. Je n'aurais pas du espérer qu'une simple gosse comme toi puisse se montrer à la hauteur d'une Paladin. C'était une grossière erreur de ma part,je vais devoir te punir de ne pas être à la hauteur de mes espérances. Tu m'en verras navrée." me susurra-t-elle avant de me repousser violemment au loin.

Sa force semblait avoir décuplé. J'affaissais toujours plus mes pieds pour les ancrer dans le sable mais la puissance avec laquelle elle m'avait éjectée restait trop importante.

Incapable de m'arrêter, mon dos se cogna brutalement contre le mur de pierre en dessous des gradins, pourtant à une vingtaine de mètres de ma position initiale. La paroi elle-même peina à interrompre mon élan et vibra sous mon poids. Un bruit d'affaissement s'ébruita d'entre ses interstices mais, bien plus solide qu'une maison, elle me repoussa elle-aussi.

Finalement, mon corps retomba lourdement dans la terre, la tête complètement sonnée. Ma conscience s'évaporait petit à petit et mon esprit divaguait durant ma chute qui n'avait duré qu'une fraction de seconde.

Alors, c'est ça, le niveau d'un Paladin ? J'en suis à des années-lumières mais, je vais vraiment finir comme ça, à moitié-morte après un seul coup ? Je suis à bout de forces malgré ce seul impact, songeais-je avant de perdre tout fil de pensées.

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