Entracte

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                                                     Au pas des chevaux

Quelques heures plus tôt, moi ;  Celian Thaddaeus Percy accompagné d'Artaher Mormegil de Varda, lieutenant de l'ordre des Paladins ; surnommée Alecto la belliqueuse, avons rendu sa liberté au dénommé Lash de la guilde de Rosran.

Assis dans la petite diligence que nous avions emprunté aux soldats pour ne pas nous faire remarquer lors de l'escorte, nous essuyons les remous et rebondissements du à l'état mauvais du chemin et de la piètre qualité du véhicule d'emprunt.

- " Alecto." apostrophais-je ma collègue qui affichait une mine boudeuse depuis notre départ de la ville.

Cette dernière ne m'honora que d'un petit regard d'enfant à qui l'on a refusé un caprice. Cela eut le don de m'agacer fortement, cependant je poursuivis sans me départir de mon calme habituel :

- " As-tu conscience de tes erreurs ? Je ne te réprimanderais pas, d'autres personnes se chargeront de le faire à ma place. Je me contenterais simplement de t'informer que par ta faute, la capitale a perdu un élément utile pour nos futures batailles."

- " Pff. Tu parles !" cracha Alecto avant de dissimuler son visage en comprenant son manque de respect envers son supérieur.

- " Penses-tu que je me trompe, que j'ai tort ? Me tromperais-je en affirmant que tu as le poignet endolori ?"

La blessée caressa doucement sa main gantelet de fer avant de l'agiter dans un geste exagéré :

- " C'est vrai qu'il ne m'a pas loupé..." dit-elle en songeant au coup qu'elle avait contré lorsque le prisonnier s'était jeté sur elle par derrière.

Ma collègue dissimulait son mal mais il était évident qu'elle souffrait en constatant les plis de ses traits quand elle bougeait sa main. Ce Lash avait de la force et donnait des coups brusques non sans les maîtriser.

- " La faute est tienne. Tu t'es surestimée en tournant le dos à un adversaire encore vivant ; c'est une erreur assez pathétique pour une combattante de notre ordre. C'était évident qu'un combattant de cette guilde résisterait aux faibles coups que tu lui as donné. Il s'agit de la guilde de l'honorable Samael." expliquais-je à ma suppléante qui ne se rendait pas compte des choses.

La guilde de Rosran. L'ancienne guilde avait fermé ses portes à cause du manque d'activité des monstres de la région. C'est triste à dire mais sans tragédie les guildes n'ont pas leur place ; la cruauté des monstres permet aux aventuriers de gagner leur vie.

Toutefois, un groupe de jeunes gens se réunit quelques années plus tard et formèrent une guilde à eux-seul.

Keith, Yvan de Courtebell, Seth, Sasha Aggran et Samael.

Ils devinrent reconnus en très peu de temps grâce à leurs recherches et leur force. Les autres guildes cherchaient sans arrêt à recruter leurs membres. Ils réussirent à se faire une place lors des sommets de la capitale, notamment grâce à leur exploration de la ville sous-marine des Aquaènes. Rapidement, ils attirèrent une foule de personnes désireuses d'aventures. On leur doit beaucoup.

Samael, leur maître, vit sa réputation s'étendre de manière exponentielle à cause de son incroyable puissance. Il réussit même à égaler mon niveau ; à moi, le meilleur combattant du pays et chef de l'éminent ordre des Paladins. Toutefois, après sa mort nombre de personnes avaient déserté la guilde qui ayant perdu son meilleur élément. Sa vitesse, sa maîtrise, sa technique, son charisme, sa beauté ; tout en lui avait le don d'attirer les foules. Sans ces derniers ; cette guilde n'avait plus aucun attrait.

Soudain, me sortant de mes pensées Alecto brisa le silence du voyage :

- " C'est vrai que c'était un vrai, lui ! J'aurais jamais cru qu'il faisait partie de cette guilde de ploucs ! Mais il est mort ! Couic ! Ha ! Je suis sûre que ça lui as fait les pieds à la Aggran ! Elle tirait une tête quand j'ai dit son nom, c'était épique ! Du grand art ! Kya kya kya kya !" riait comme une pie ma camarade.

Son comportement déplacé contrastait tellement avec son nom que j'en restais toujours autant surpris, bien que je ne le montrais pas. Cette femme, d'une beauté remarquable avait une attitude si sauvage et sanguinaire qu'on la surnomma " Alecto, la belliqueuse" mais cela n'égalait nullement la réalité de sa violence et de sa haine.

Puis, pourléchant ses lèvres souriantes, et arborant son habituel regard aguicheur, la belle demoiselle ajouta plus sérieusement, cette fois en jouant avec ses boucles cendrées :

- " Mais, celle qui m'a le plus énervé là bas ce n'est pas elle. C'est cette fille, là, toujours aux pieds de notre petit bagnard. La gosse aux cheveux cuivrés et à la gueule d'ange ! Cette gamine faiblarde et stupide a osé m'adresser la parole, à moi ! Sans comprendre où était sa place. J'en ai envie, de la lacérer, la poignarder !"

- " Diane Eulet." compris-je en ressassant sa description puérile et enfantine.

- " Ouais ! Elle ! Sa tête me dit un truc !" cria-t-elle sans aucune délicatesse.

Ses paroles eurent le don de m'irriter, en effet, je lui rappelai qu'il s'agissait sujet principal d'une de nos missions. Nous avions abordé son cas lors de notre précédente réunion. C'était Ganholt Boris Daïn qui s'occuperait de son cas, dès demain par ailleurs. Ne pas se souvenir des sujets de nos réunions était irresponsable mais cela ne me surprenait guère de sa part.

Mon interlocutrice sembla réfléchir un instant de ce que je venais de lui redire mais ne semblait pour autant satisfaite. Elle renchérit, une mine boudeuse sur ses lèvres brillantes :

- " Ouais... En tout cas, Ganholt s'occupe toujours de faire la sale besogne ! C'est un chic type, ce bouseux ! Faut la foi pour accepter de s'occuper d'une gosse aussi chiante !" s'amusait-elle entre ennui et joie, émotions contradictoires qu'elle utilisait sans contrainte.

D'une gosse aussi chiante hein, ironisais-je en mon for intérieur ; dévisageant son manque d'honnêteté envers elle-même.

Tout à coup, son air rieur disparut pour laisser place à une moue de dégout et de haine bien plus explicite qu'à son habitude. Pour être son commandant et la connaître depuis son arrivée, je savais qu'elle n'arborait que très rarement cette expression ; signe de la rage et du caractère répugnant de ce qu'elle devait songer en cette instant.

- " Cette fille... Je m'en souviens, j'ai déjà vu ses yeux de pauvre bichette auparavant... Alors comme ça elle se la joue guerrière... Pfff, laisses-moi rire..." disait-elle sans vraiment le vouloir.

En entendant cela, je réalisais qu'elle faisait sans aucun doute allusion à son passé et qu'elle l'avait sûrement rencontré à ce moment mais la vie des autres reste un tabou ici. Le respect de la vie privée est une chose primordiale dans une guilde, peu importe sa renommée.

De toute manière, cela n'aurait aucune valeur de le savoir ; demain Ganholt Boris Daïn s'occupera d'elle et c'est tout ce qu'il y a à retenir.


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