Chapitre V

59 15 2
                                    

                                                          Lamarquise

Sans attendre de réponse, la personne qui avait toqué à ma porte entra. Mon Père me faisait face de toute sa hauteur. Mère, dissimulée derrière lui fit de même.

Je restais coite, l'image que j'avais de lui était tellement différente de la réalité.

Ses cheveux que j'avais toujours vu bruns avaient pris une teinte poivre et sel et une petite barbe de trois jours tapissait sa mâchoire carrée autrefois nue. Sa peau était striée de rides dont l'une particulièrement marquée au niveau du front et ses épaules s'étaient aussi affaissées bien qu'il se tienne droit et digne. Son apparence avait prit une dizaine d'année en seulement quelques mois.

Était-il inquiet au point de prendre un tel coup de vieux ? Non... Je ne l'ai juste plus eu devant moi depuis des années tant il est occupé, constatais-je péniblement.

Décidé à rompre le silence, mon géniteur s'éclaircit la voix d'une toux puis prit la parole :

- " J'espère que tu comptes t'excuser pour ta petite escapade, Diane."

Je crus perdre haleine. Mon Père venait me voir uniquement pour cela. Il n'en avait rien à faire, c'est cela ? La scène déroulée il y a quelques temps avec Lash me revint en mémoire, je revoyais encore mes larmes qui s'écoulaient suite à son rejet des plus glacials.

Ziege avait quitté la pièce à tâtons, comprenant qu'elle ferait mieux de ne pas s'attarder toutefois sa présence rassurante me manquait déjà. Qui plus est, je doutais fortement qu'un homme aussi occupée que lui dérange ses projets pour voir sa fille demander son pardon, même en considérant cela comme une vertu de la noblesse.

- " Je vous demande pardon, Père, Mère. J'ai agi de manière imprudente et vous ai causé du tort."

Les balayant d'un revers de la main, ma génitrice s'avança, le regard sévère. Puis, elle m'interrogea sur le devoir même d'une femme de la noblesse et de la bourgeoisie.

Je n'y avais jamais réfléchi mais la réponse me paraissait évidente. L'unique raison de naître pour un homme est de reprendre le flambeau familiale, pour une fille de permettre l'enrichissement au travers d'alliances. J'allais donc me marier, je comprenais maintenant pourquoi Père a daigné venir me voir maintenant.

- " Qui est... L'heureux élu ?" tentais-je.

Mes lèvres s'étaient asséchées d'elle-même, découvrir le nom de la personne avec qui j'allais passer le reste de mes jours, loin de ma maison était bien plus inquiétant que ce j'imaginais. C'est en soi une aventure bien plus angoissante que de quitter le domicile familiale comme je l'ai fait.

Quelques secondes plus tard, la sentence était tombée. Mon père avait lâché d'un ton froid et distant le nom de mon futur époux. Klaus Hênnes.

Je crus un instant rêver. N'importe qui, même parmi le petit peuple des autres villes connaissait l'identité de cet homme. La future personne à la tête de tout le service des diligences Lamarquise ; le réseau de voiture le plus grand et étendu de tout le royaume. J'avais bien entendu les quelques rumeurs sur le désir d'unir leur fils à une femme de bonne famille mais au vu de toutes ses prétendantes, la probabilité que je sois "l'élue" était nulle.

- " Pourquoi M. Lamarquise nous-ma choisi ? Pourquoi ?" balbutiais-je, décontenancée par l'annonce de mes géniteurs.

Pourtant la raison était plus qu'évidente.

- " En reliant les diligences Lamarquise avec les inventeurs de l'Odolindë, il auront pourront développer leurs étendues avec l'aide de locomotives. Nous, pourront compter sur les bons services de leurs véhicules pour l'alimentation de nos usines et de nos matériaux. Il ne faut pas non plus oublier que nous sommes le conglomérat le plus roche de Ladsen, après les Lamarquise. Il semblait tout à fait logique d'écarter pour de bon la concurrence en unissant nos familles respectives." déclama mon père, l'air de négocier une affaire comme tant d'autres.

Quelques heures plus tard, ils m'avaient déjà planifié une entrevue avec leur futur gendre dans le courant de la semaine. Je n'en revenais toujours pas et, sans me laisser le temps de décompresser une fille débarqua au manoir.

- " Alors ? Je ne t'ai pas vu depuis des lustres, ma belle ! On m'interdisais de venir mais je comprends mieux pourquoi Madame La fiancée !" s'amusa l'arrivante.

Affublée d'une robe bouffante à plusieurs étages, elle se dandinait dans tous les côtés pour traverser la pièce cernée de meubles en tout genre. La mousseline blanche était reliée en différents étalages de dentelles blanche également. Des fleurs, des rubans et des fanfreluches parsemaient le buste de cette dernière. Un chapeau large venait couvrir la longue chevelure tressée et relâchée dans des anglaises rousses appartenant à la fillette qui me faisait face.

Se rebellant du style victorien, classique en notre belle ville, cette bourgeoise à la langue bien pendue se baladait toujours en habits gothiques assez inhabituels chez nous. Celle-ci, répondant au joli nom de Gladys Svengardell était en réalité une amie d'enfance.

Enfin, le terme d'"amie" était bien présomptueux ; après tout, nos deux familles ont juste jugé bon de mettre en connaissance leurs progénitures lors de l'enfance. Répondant à leurs attentes, nous buvions le thé ensemble et, petit à petit nous nous parlions en toute confiance.

Sans se faire prier, Gladys remonta haut sa robe, dévoilant de longues bottes à lacets de cuir blanc et s'assit sur le tabouret rembourré de ma coiffeuse. Ses prunelles vertes me dévisageait d'une petite lueur malicieuse qui rajeunissait davantage ses seize printemps passés.

- " Dis donc ! Tu pourrais répondre quand même ! Surtout quand j'apprends par tes servantes que tu vas te marier à l'héritier des Hênnes !"

Que dire ? Oui, je vais me marier avec le fils des Lamarquise. Après quoi, lui héritera du nom de Eulet-Lamarquise et moi me contenterais de Eulet- Hênnes. Ce n'est pas parce que nous porterons la même bague au doigt que nous en serons plus amoureux, tu sais ? contredisais-je mon amie en mon for intérieur.

Gardant bien pour moi mes pensées, je lui avais répondu :

- " Et oui ! Il y en a qui ont de la chance, hein ?" la narguais-je faussement.

FlügelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant