Chapitre XI

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                                                   Le temps n'est plus aux retrouvailles

"Crevette" ; je ne devais pas dire que porter ce surnom ridicule me ravissait mais, à cet instant, j'étais infiniment heureuse d'être appelée ainsi. Cela m'avait manqué, je préférerais presque celui-ci aux habituels "Mademoiselle" que l'on m'affuble. Surtout venant du génie qui en a eu l'idée, songeai-je en retenant un sourire béat de se former sur mes lèvres et étirer mes joues rosies de bonheur.

Sa voix. Son timbre masculin dissimulant une trace de faiblesse et de fragilité  derrière des provocations et des paroles blessantes. Je n'aurais jamais cru être si heureuse de l'entendre et de voir ce type plus détestable que personne, mettant Klaus à part bien sûr.

Une joie immense réchauffait ma poitrine qui battait agréablement, comme si leur simple venue suffisait à me combler de bonheur. Mon palpitant ne me faisait plus souffrir, au contraire. C'était réconfortant ; une sensation que je ne veux jamais oublier.

- " Oui, je crois bien que je vous en dois !" murmurais-je en tentant de reprendre contenance.

Je voulais prolonger nos retrouvailles, serrer dans mes bras celle que j'ai vu comme une sœur pendant quelques temps et leur dire à quel point je regrette de leur avoir causé du soucis mais je n'en fis rien.

M'asseyant posément sur le divan qui leur faisait face, je repris mon expression la plus sérieuse et m'éclaircissais la voix devant mes invités. Ils étaient assez surpris de mon attitude bien plus professionnelle que d'ordinaire mais je devais me montrer convaincante. Après tout, ce que j'allais leur expliquer était plus que difficile à croire.

- " J'ai besoin de votre aide... " commençais-je.

Une fois ma longue tirade achevée, je scrutais leur réaction. Sasha semblait perplexe. Elle remuait une cuillère d'argent dans son thé, observant un point invisible devant elle. Son regard ne laissait rien percevoir.

Lash, lui, était, comme à son habitude, empli de nonchalance. Il paraissait plus détendu que jamais, comme si le sort de son pays ne lui importait pas. Son caractère démuni d'anxiété m'impressionnait. Je savais bien qu'il ne s'agissait pas là d'imprudence mais bien d'une preuve flagrante de sagesse ; il savent tous deux garder leur calme dans ce genre de situations, songeai-je en constatant qu'ils étaient bel et bien des aventuriers vétérans.

- " Vous avez mon entière gratitude pour tout ce que vous faites pour moi ! Encore une fois, je suis désolée de me reposer sur vous et... Je vous demande pardon de vous impliquer dans mes problèmes. Je vous demande pardon." m'inclinais-je.

- " Décidément, t'aimes bien coller ton front sur des trucs ou c'est devenu une manie que de t'excuser comme ça ?" plaisanta mon professeur.

" Tu n'as pas besoin de nous remercier. Après tout, tu es riche, non ? Une fois qu'on aura fini le boulot, tu imagines bien qu'on te demandera une récompense à la hauteur." renchérit Sasha.

Il ne perdent pas le nord ces deux là, pouffais-je dans mon coin. Je suis soulagée de voir qu'ils n'ont pas changés. Parfois, c'est bien quand certaines choses ne changent pas.

- " Très bien. Je vous demanderai par contre d'attendre que j'ai l'aval de mes parents. Je m'en occupe dès demain. Je ne le ferais pas à votre départ ; cela paraîtrait trop suspect. Je vous demande juste de me faire confiance sur un point." annonçais-je avec une confiance qui me surpris moi-même.

Ils me dévisagèrent longuement, attendant une explication. J'hésitais à leur révéler ce auquel je pensais mais, si je me trompais il fallait que je leur en fasse part pour ne pas commettre cette erreur trop tard.

- " Une fâcheuse personne se trouve dans le manoir ; elle transmettrait directement des informations à son commanditaire. J'ai déjà une idée sur la personne en question. Ce serait grâce à elle que Klaus fut au courant de ma fuite et qu'il put monter son plan. Si nous ne nous en occupons pas, nous prenons des risques, je pense."

Sasha esquissa un sourire. Elle avait déjà remarquée la présence de cet espion, à ce que je constate. Mais, elle était tout de même perplexe quant à comment s'en débarrasser, contrairement à moi. Je suis plutôt peste, quand il s'agit d'être une bourgeoise et de profiter de ses avantages, après tout.

 Elle s'était faite passée pour une esclave et, ainsi fut vendue à ma famille.Ce collaborateur se nommait Hündin, tout du moins il s'agissait là de l'appellation accordée par mes parents. Tout comme Ziege, le nom qu'elle portait était la traduction en langue étrangère de celui d'un animal ; symbole de soumission. 

C'était la seule à avoir récemment intégré le dortoirs des employés d'après ma servante que j'avais questionné. Au départ, je pensais simplement trouvé une personne louche traîner dans notre propriété mais, en passant près du fameux dortoirs, j'ai compris que le meilleur moyen d'avoir accès à des informations confidentielles était d'être esclave chez nous.

D'ailleurs, sa seule apparence était surprenante. Vêtue d'un habit modeste s'apparentant à un tablier, elle avait une prestance et une dignité peu habituelle dans cet "ordre". Mais le plus étrange restait son masque qu'elle gardait en permanence sur elle ; ce simple accessoire suffisait à la rendre louche, d'où ma surprise en la trouvant.

En effet, une sorte de coquille mauve profond, semblable à la coque d'un navire, traversait son visage tout en largeur, tel un ovale ayant basculé sur le côté. Il était ornementé d'une peinture ressemblant à un unique œil jaune et rouge comme on les représentait dans les temps anciens. Recouvrait uniquement ses yeux comme le font les masques de carnavals mais sa bouche restait dissimulée derrière un voile blanc. Aussi, un semblant de casque venait couvrir son crâne, ne laissant que le reste de sa chevelure noisette voir le soleil. Je ne suis pas même sûre d'avoir déjà vu son visage.

Son apparence effrayante me déconcertait. J'ignorais pourquoi elle désirait volontairement attirer l'attention sur elle mais, surtout pourquoi personne n'a jamais levé le petit doigt ou ne serait-ce que réagit devant une hurluberlue pareille.

Tout ce que je savais, c'était que, mis à part les aventuriers et moi, tous nient son surprenant apparat. Mais, dans tous les cas, maintenant que nous avons découvert qui elle est, nous pourrons contrecarrer les plans de Klaus.

Je compte d'ailleurs sur mon amie ; Gladys Svengardell, pour m'aider à m'en débarrasser. Cette loufoque excentrique ne manquera jamais de m'aider en voyant une personne aussi décalée qu'elle.

Désormais, j'avais retrouvée espoir. Avec la guilde de Rosran, nous pouvons changer la donne. Je me chargerais de Hündin, Sasha s'occupera avec les autres fondateurs de faire tomber les Lamarquise tandis que Lash, lui, avait convenu de " nous libérer" de Klaus Hênnes, d'après ses dires.

En revanche, une question me taraudait l'esprit depuis leur arrivée :

- " Mais, bien que j'ai confiance en vos talents... Comment avez-vous échapper à la guilde de Ladsen, mon époux semblait prêt à tout pour vous faire exécuter, ou au moins mettre en prison ?"

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