Chapitre XV

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La sentence solennelle

Après le premier challenge, plusieurs silhouettes dans le public se sont rabaissées. L'idée de devoir subir, sans aucun doute possible, un affrontement à sens unique comme ce fut pour le colosse nommé Rostang devait les rebuter.

Pourtant, il restait malgré tout quelques effrontés et, parmi eux, quelqu'un de suffisamment fou pour défier Hel Calypso Falathar en dépit de sa surprenante démonstration de force lors de l'ouverture.

L'imbécile n'était pas très impressionnant contrairement à ce que sa demande pouvait suggérer. Taille moyenne, musculature encore en développement, en d'autres termes inexistence, arme de piètre qualité et une armure dans le même état. Rien de bien folichon ; ce petit gus allait tout simplement se faire cuire comme un vieux morceau de barbaque.

En entendant cela, les petits yeux vermillons de la magicienne bouillonnaient d'excitation. Sautillant jusqu'à la position de départ des Paladins, son attitude laissait croire qu'elle ne craignait pas le moins du monde son adversaire portant sur lui une arme.

A raison. 

L'affrontement, si l'on peut l'appeler ainsi, s'acheva quelques minutes plus tard à la demande de l'arbitre qui jugeait enfin le challenger inapte à poursuivre le combat.

Le faciès de l'enfant jonglait entre haine de devoir vaincre un être aussi inférieur, jouissance de déchaîner ses flammes librement et ennui monstre. Toutefois, l'empathie n'a pas traversé son visage un seul instant.

Quand la sœur se décida enfin à stopper la joute, le perdant était déjà mortifié à vie. De sa peau boursouflée dans son intégralité s'échappait une forte odeur de brûlé, des panaches cendrés inondaient le bas de l'arène, s'approchant avec vivacité des gradins. Les simples pas des soigneurs venus rechercher le blessé suffisaient à faire crépiter la terre, qui, sous la chaleur écrasante, s'était durcie jusqu'à devenir une sorte de roche charbonneuse voire volcanique.

- " Alors ? Quelqu'un d'autre veut nous divertir, maintenant ?" s'enquit la demoiselle, dévoilant dans un sourire ses canines plus acérées que la normale.

Les murmures qui saturaient les gradins s'étaient tus durant tout le combat. Que le commandant des Paladins et plus fort combattant du royaume soit capable de mener un affrontement sans accroc restait plausible mais, pour le cerveau humain, une si petite fillette n'aurait pas dû pouvoir envoyer valser un adulte comme elle l'a fait. Elle n'aurait pas dû pouvoir faire flamber l'arène, cela remettait en question toute la logique d'un humain, tout simplement.

Les faits étaient pourtant là.

Personne ne répondit. Si des guerriers comme Rostang ou le nouveau mortifié, ayant perdu tout avenir désormais, ne pouvait faire face à un Paladin, qu'est-ce qu'il pourrait bien y faire, eux, de simples citadins venus admirer la souveraineté irrévocable de ces surhommes.

Comprenant qu'il n'y aurait pas plus d'opposants, l'hôte de cette compétition mit fin à la matinée, invitant toutes les personnes présentes à se restaurer en attendant la seconde partie du tournoi, aussi la plus attendue, à savoir les duels entre les Paladins et les combattants invités grâce à leur technique supérieure à la moyenne.

Je serrai le poing ; j'allais bientôt atteindre mon objectif !

Durant l'entracte, Gladys n'est pas venus avec nous dans la taverne aux-abords du Colisée, préférant aller au chevet de Rostang. J'avoue avoir été déçue de ne pas pouvoir discuter un peu plus avec mon amie mais, nous avions chacune besoin de faire nos propres vies.

Ainsi, installés dans un coin isolé du restaurant miteux, Sasha et Seth me transmettaient tout leur savoir au sujet des Paladins en général, de leur technique personnelle mais surtout tout ce qu'il savait sur cette fameuse " Sentence Solennelle".

Quand les festivités ont enfin repris, plusieurs combats se sont enchaînés. Bien que les résultats furent les mêmes que lors des challenges, on distinguait bien la nette différence entre des combattants choisis et des personnes présomptueuses.

Les joutes étaient plus longues. Cette fois-ci, les lames s'entrechoquaient et ricochaient l'une sur l'autre. Les esquives ponctuaient les combats et, s'apparentant presque à une danse, on appréciait aisément l'art de l'épée maîtrisée par les adversaires.

Les coups n'étaient pas grossiers. Précis et rapides, ils avaient toujours une utilité bien calculée et, si par malheur l'attaque venait a être parée, le porteur pouvait tout aussi bien enchaîner sur un autre coup en se servant de la brèche formée sur la défense de son concurrent. Rien n'était laissé au hasard, aussi bien chez les Paladins que les invités.

Pourtant, inexorablement, la victoire revenait à ces chevaliers qui semblaient devenir toujours plus invincibles à mesure que les combats se poursuivaient.

J'étais frustrée. Mon nom étant sorti dans les derniers, je devais attendre encore un long moment avant de pouvoir participer.

Là, dans les coulisses du Colisée, adossée contre le couloir menant à l'arène, je ne loupais aucun coup, il fallait que je détermine si les Paladins avaient une spécificité commune à tous mais, pour l'instant, leur unicité se confirmait de plus en plus, que cela soit au niveau de leurs armes ou à celui de leur caractère.

Je me perdais peu à peu dans mes pensées.

Phoebe Lancelot.

Cette chevalière est l'une des dernières recrues des Paladins et pourtant, son nom est rapidement devenu l'un des plus connus des seconds rangs. Sous les ordres de la Colère, l'un des sept Péchés capitaux, elle se charge de la "sale besogne".

En effet, son surnom de "sentence solennelle" lui provient de sa première fonction, à savoir exécuter publiquement les condamnés à mort. Ainsi, cette femme si belle porte sur ses épaules toutes les tâches de sang qui ont découlé de sa lame, s'abattant sur la nuque des pêcheurs.

La population croyait, à sa première corvée, qu'elle deviendrait folle, que ce n'était pas un travail convenable pour une si jeune demoiselle et pourtant... Elle continuait, le regard froid et sévère, le dos droit et noble, à affranchir les coupables de leurs crimes, les conduisant dans un enfer paisible ou à un paradis impétueux.

Son style de combat est l'exacte représentation de son caractère. Une lourde épée à deux mains, semblable à un espadon tranchant, qui s'abat en à-coups répétés sur sa cible, des charges puissantes et gracieuses qui pousse son adversaire dans ses derniers retranchements ; un bourreau  prêt à tout pour soumettre la peine capitale à son ennemi.

- " La victoire revient à l'Orgueil !" déclara la sœur, couvrant l'accent étranger du victorieux désireux de clamer au monde entier qu'il méritait son péché d'orgueilleux.

Puis, après avoir fait l'éloge de son clan, l'arbitre se décida enfin à appeler les combattants de l'affrontement suivant :

- " Désormais, faisons place au prochain combat opposant la Sentence Solennelle Phoebe Lancelot de la Colère à notre invité ; la jeune Diane Eulet de la guilde de Rosran !"

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