Chapitre XIV

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Un thé au goût amer

     Mimant une mine impressionnée face au jeu théâtral de mon amie, j'imaginais l'interrogation qui devait germer dans l'esprit des employés environnants.
    
      Gladys Svengardell. Malgré son statut et sa famille, elle a toujours ignoré le regard incriminant des autres bourgeois. La joie ponctue sa vie et plonge son quotidien dans une dimension extérieur à l'ennui de Ladsen. Son excentricité va même animer ses habits, tous rompant la tradition victorienne de la ville grâce à leur style gothique. Enfin, elle ne respecte pas non plus ce dernier et teinte leur tissu d'un blanc cassé allant à un rubis vieilli plus qu'original.
       
      Toutefois, en dépit de son surprenant caractère, je le demandais comment elle allait bien pouvoir contraindre une employée non - esclave à quitter les lieux. Seul son éternelle crédulité et sa légendaire naïveté me rassuraient, couplés à l'importance accordée aux valeurs amoureuses de cette dernière.

-" S'il vous plaît ?" appela-t-elle en accompagnant ses paroles d'un tintement de clochette.

Répondant aussitôt à la demande, deux servantes affairées dans les jardins s'approchèrent tout en saluant humblement leur maîtresse et son invité. Le majordome de la famille Svengardell les rejoint  en délaissant leur cocher avec qui il discutait.
   
        Je ne saisissais pas encore où mon amie souhaitait en venir jusqu'à ce qu'elle exprime son désir de boire une tasse de thé. J'étais dépitée, forcée de constater qu'elle allait utiliser la même ruse d'enfant qui, à l'époque, avait value une semaine de jeûne à la préceptrice qui lui avait fait refaire toutes ses leçons.
       
    J'étais torturée à l'idée de refouler la honte et l'amusement dus à la plaisanterie mais finalement, je me pinçais la lèvre pour garder contenance.
        
       Quelques minutes après la "commande", Hündin apparut dans notre champ de vision. Elle soulevait un plateau qui portait une théière et ses tasses, le visage toujours dissimulé derrière sa coiffe. 
    
Comment peut - elle bien passer inaperçue ? songeai-je en voyant le cruel manque de réaction de la part de Gladys.
      
      La cible arriva au niveau de notre table mais, au moment de passer dans le dos de mon invitée, elle fut interrompue.
      
       Gladys s'accouda brusquement sur la petite table à thé autour de laquelle nous étions installées, repoussant du même coup sa chaise en arrière, là où Hündin passait.
       
       La servante était prise de court. Ses mains retenaient toujours le plateau mais, son buste plié sous le dossier de la chaise propulsa son contenu.
  
     Les tasses s'envolèrent pour venir se briser en mille morceaux contre le dallage. La théière, elle, perdit son couvercle dans son envol, renversant ainsi sur mon amie le breuvage brûlant déversé par l'employée.

        La fille Svengardell poussa une plainte de douleur. Ses anglaises rousses baignaient  dans le liquide parfumé aux plantes, sa robe à froufrous était trempée dans le thé brun et ce que l'on apercevait de ses bottes à rubans était badigeonné de boisson, le tout encore fumant.

        Je m'en voulais de lui infliger cela, même son teint rosé était devenu cramoisi sous la chaleur du bouillon.

         La servante n'était pas dans un meilleur état. En dépit de son tablier sali, son visage impassible était mu de surprise. De ce que sa coquille laissait entrevoir, le bas de son visage arborait une bouche grande ouverte, à en laisser les mouches rentrer. C'était presque comique à voir.
 
        Elle s'agenouilla d'une traite et, tout en posant son visage contre le sol, implora le pardon de sa victime.

       Quelques murmures de-ci de - là, des échanges et le nom des comédiens s'échappèrent du public mais, tous, allant en direction de l'expulsion de la coupable ; Hündin.

- "J'implore votre miséricorde, Mademoiselle Svengardell ! Jamais je ne me serais permise de faire pareil crime ! Loin de moi l'idée de vous blesser de la sorte !" priait l'intruse.
- " Assez ! Je vous interdit de prononcer mon nom ! Seule la mort saura laver cet affront !"

       Je m'interposais. Certes, j'ai explicitement demandé à mon invitée de le débarrasser d'elle mais, pas de cette manière. Je ne pouvais pas exclure la possibilité qu'elle soit innocente et, peu importe, il est nécessaire de la garder en vie. Elle pourrait nous être utile dans le cas où nous perdrions les Lamarquise.

- " Je t'en prie, mon amie. Laissons lui la vie sauve. La mort serait un honneur devant cet acte. Toutefois, il ne restera pas impuni." intimai-je à mon invitée. " Hündin, en blessant une personne reçue chez nous, quelle qu'elle soit, vous avez humilié notre qualité d'hôte et notre nom du même coup. En réponse à cela, je vous demande de quitter les lieux et de ne plus jamais y remettre les pieds. Vous êtes virée, Hündin."

       La sentence irrévocable fut prononcée et, en guise de récompense, seul un silence macabre s'éleva dans le domaine frappé par l'ambition de celui qui voulait être roi.
Inutile.

     Le courroux de Gladys Svengardell s'abattit sur la pauvre espionne, déversant sur son passage un florilège d'insultes et de jurons en tout genre.

     La plupart des travailleurs occupés dans les parages s'amassèrent autour de l'atablée et contemplèrent avec stupeur la scène.

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Coucou ! Je vous présente d'avance des excuses car je ne sais pas si je serais toujours régulière car j'ai des problèmes de PC ainsi que beaucoup de courages alors voilà ! Et que ce chapitre est un peu plus court que d'habitude !  Merci à vous ! ; ) et désolé ': )

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