Chapitre 27 | Isaac

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La nuit était tombée. Nous étions restés près de Jay ; Isaac n'avait rien voulu entendre lorsque Ben avait encore insisté pour partir dans un endroit plus sécurisé. Nous étions à présent à découvert. Isaac s'était endormi près de Jay.

— Je pense que tu as bien fait, me souffla Ben.

A la lueur du petit feu allumé, je levais la tête vers lui. L'ombre des flammes dansaient sur son visage.

— Comment peux-tu le savoir ? Tu n'étais pas là.

— Tu as fait le bon choix.

— Je ne suis plus si sûre.

Je n'étais plus certaine de quoi que ce soit. Les paroles d'Isaac résonnaient encore dans mon esprit. Comment tu as pu ?

— Il ne me pardonnera jamais. Il va se réveiller tous les matins en se disant : « Riley a tué mon meilleur ami ». Et quand il me verra, ce sera pire.

— Il arrivera un jour où Isaac comprendra. Il te pardonnera, crois-moi.

— Mais d'où sors-tu toute cette certitude ? Comment peux-tu être aussi optimiste ?

— Je ne suis pas optimiste. Je suis sûr que plus tard...

— Ben, tu ne comprends pas. J'ai atteint la rupture, le point de non-retour. J'ai toujours pensé que ce serait de ma faute si notre relation se terminait. Mais je ne me doutais pas que ce serait à cause d'une décision aussi tordue que celle de tuer... Jay.

Ma voix était partie dans les aigus en prononçant son nom. Le dire à voix haute ne rendait la chose que plus réelle.

— Le temps Riley. Malgré tout ce que l'on peut penser, il n'y a que comme ça que les choses s'effacent petit à petit. Et si elles ne disparaissent pas complètement, elles font moins mal.

Probablement. Mais le temps, j'avais l'impression d'en manquer cruellement.

Endormi, le visage d'Isaac était détendu. Je me sentais coupable du sentiment de perte et de colère qui allait l'envahir à son réveil. Il avait tellement fait pour moi depuis que l'on se connaissait. Qu'il s'en rende compte ou non, il m'avait beaucoup aidé. Et voilà que je l'avais anéanti.

En l'observant, je me remémorais notre première rencontre. Elle paraissait tellement loin.

Je m'étais inscrite au club de soccer du lycée avec Anna et Max. On avait beaucoup blagué sur le fait que l'une de nous – au moins – allait sortir avec un des footballeurs.

D'ailleurs, Anna avait des vues sur Colin Atkins à ce moment-là. Elle nous racontait comment elle voulait essayer de capter son attention, afin de sortir du lot de la dizaine de filles qui lui tournait déjà autour. Cette situation ne semblait pas la déranger malgré nos tentatives pour la dissuader de tenter quoi que ce soit. Malheureusement, elle n'avait rien voulu savoir. Après tout, il fallait "le voir pour le croire", disait-elle.

Ce n'était qu'au bout de quelques entrainements que j'avais finalement remarqué Isaac. Une tête brune parmi tous les joueurs de football avait attiré mon attention. Même s'il semblait faire partie des meilleurs joueurs, il restait discret.

Fatigué par une bonne séance de sport, il s'était assis sur un des bancs qui bordaient le terrain tout en parlant avec un garçon de son équipe. Leur discussion était animée ; ils riaient beaucoup.

Je m'étais tournée vers lui lorsque je l'avais entendu rire un peu trop fort.

C'était un de ces rires qui vous fait quelque chose. Vous n'êtes pas totalement de sûr de ce que c'est, mais vous savez que ça ne vous laisse pas totalement indifférent.

Ton esprit est ton pire cauchemarOù les histoires vivent. Découvrez maintenant