Chapitre 35 | Paix

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Du blanc. Rien que du blanc autour de moi. Je me sentais flotter, je me sentais légère. Était-ce le paradis ? Je n'y croyais pourtant pas. Une simple projection de mon esprit alors ?

Une sensation de déjà vu s'emparait de moi quand je me mis à avancer. Je ne parvenais pas encore à mettre le doigt dessus, mais j'étais sûre que c'était quelque part, dans ma mémoire.

Mon corps ne me faisait plus souffrir. Une sensation de paix m'envahissait.

— Il y a quelqu'un ?

Aucune réponse. L'écho de ma voix s'était perdu face au vide qui m'entourait.

— Il y a quelqu'un ? répétai-je, plus fort cette fois.

Je croyais être seule, jusqu'à ce qu'une forme se détache des tons laiteux. Je me risquais à poser une main sur l'épaule de la personne devant moi.

— Riley, me salua Karl en baissant légèrement la tête. Comment vas-tu ?

— Je crois que je vais... bien ?

— Cet endroit est apaisant, n'est-ce pas ?

— Pourquoi tu as toujours ces clés ? lui demandai-je.

Comme à chaque fois qu'il m'était apparu, il n'arrêtait pas de jouer avec et de les faire tinter.

— Je trouve ça réconfortant. Elles appartenaient à papa.

Il tendit la main et l'ouvrit. Je reconnaissais les clés de mon père avec les porte-clés qui avaient vieillis avec le temps.

— Tu te souviens de ce porte-clés ?

— Disneyland, murmurai-je alors qu'une tonne de souvenirs me revenait.

— C'était l'une des meilleures journées qu'on avait passées. Je veux que tu les prennes.

— Pourquoi ?

— Elles te serviront. Je n'en ai plus besoin maintenant.

— Je ne comprends pas.

Karl me prit la main et me força à prendre les clés.

— Je suis désolé pour tout ce que je t'ai fait subir. Je ne voulais pas te faire de mal. Je ne savais juste plus qui j'étais.

— Qu'est-ce que tu veux dire ?

— Maintenant je sais qui je suis. J'ai tout de même un dernier service à te demander...

— Quoi ?

— La prochaine fois que l'on se voit, appelle-moi, dis mon prénom. J'espère que je me réveillerais.

— Je ne comprends rien, Karl. Te réveiller de quoi ?

— Au fond de toi, tu as déjà compris ce qui se passait. Tu sais ce que je suis. Sauve-moi.

— Te sauver de quoi ?

— Tu le sauras.

— Pourquoi tu ne me le dis pas ?

— Tu sais que je n'aime pas te rendre la vie facile, me dit-il d'un ton malicieux. Sauve-moi. Une fois que ce sera fait, n'aie pas peur de me perdre, encore.

— Mais je ne veux pas te perdre une autre fois ! m'affolai-je.

— Je suis voué à mourir. Mais si je dois à nouveau quitter ce monde, c'est dans mon corps que je veux le faire.

— Attends, quoi ? Karl tu dois me dire ce qui se passe, je ne peux pas t'aider si...

— Fais-moi confiance. Je sais que tu connais la vérité. Moi je te fais confiance.

Il me sourit. C'était l'un de ses sourires qui me faisaient oublier ce qui n'allait pas. L'un de ses sourires qui trahissait son côté enfantin toujours présent en lui. Il avait plus que jamais l'air d'un enfant. Une tristesse s'empara alors de moi : c'était dans cette version juvénile de lui-même qu'il avait quitté ce monde.

— Fais-moi confiance, me répéta-t-il avant de se détourner.

— Karl, ne pars pas...

— A bientôt, sœurette.

Il me fit un clin d'œil, tourna une bonne fois pour toutes les talons et je me retrouvais de nouveau seule.

Je n'étais pas restée plus longtemps, comme aspirée par une force que je ne pouvais pas combattre.

Ton esprit est ton pire cauchemarOù les histoires vivent. Découvrez maintenant