Isaac était parti depuis un moment. Je commençais à m'inquiéter qu'il ne revienne pas. Ben avait tenté de me rassurer en posant une main sur ma jambe qui ne cessait de remuer.
— Stresser ne le fera pas revenir plus vite.
— J'ai besoin de penser à autre chose.
Je me levais, le fusil dans les mains.
— Il faut que tu m'expliques quelque chose.
— Quoi donc ?
— Ce qui se passe entre nous.
Le visage de Ben se mit à rougir.
— Qu'est-ce que tu veux dire ?
— Il y a quelque chose. Je ne te parle pas d'amour, ni d'attirance. Non, je te parle de ce truc.
— Je ne comprends pas.
— Ne fais pas semblant de ne pas comprendre. Je suis sûre que tu vois exactement de quoi je parle. Tu l'as probablement deviné, comme d'habitude.
Il resta muet, encore une fois. La dernière fois que je lui avais demandé des explications, il avait simplement éludé toutes mes interrogations.
— Ne recommence pas, Ben.
— Recommencer quoi ? s'offensa-t-il.
— À ignorer mes questions.
— Le problème, c'est que je ne comprends pas ce que tu tiens tant à savoir.
— Comment tu as deviné autant de choses sur moi ? A chaque fois, c'est comme si tu avais une longueur d'avance sur moi.
— La chance, j'imagine.
— Toujours aussi mauvais menteur.
— Je suis bon observateur, c'est tout.
— Tu ne peux pas savoir le nom de mon frère, avant même que je ne te le dise, en étant simplement observateur. Tu ne peux pas non plus savoir ce que je pense en étant simplement observateur.
— OK, j'ai compris.
Il se frotta le visage avec ses mains, puis soupira.
— J'ai essayé d'être franc avec toi, mais je n'ai jamais trouvé le bon moment.
— Quel chanceux, je te donne l'occasion de me dire la vérité. Parfois, j'ai l'impression que tu sais toutes ces choses sur moi alors que je t'ai jamais rien dit. C'est comme si tu me connaissais depuis longtemps.
— C'est comme si tu me connaissais aussi non ?
— Oui. Tu vois, c'est encore quelque chose que je ne te dis pas et pourtant, tu arrives à le savoir.
Je croyais qu'il allait enfin s'expliquer, mais il n'en fit rien.
— OK, laisse-moi faire une expérience. J'ai perdu ma mère en même temps que mon frère. Ils étaient ensemble lorsqu'ils ont eu leur accident.
Ben resta interdit. Il n'avait pas cillé une seule fois.
— Et voilà, j'en étais sûre ! C'était quelque chose que tu savais déjà !
— Peut-être que j'ai pu le savoir par un de tes amis, tu n'en sais rien !
— Mais ce n'est pas le cas, si ?
— Non, admit-il. J'arrive à lire tes pensées.
— C'est une blague ?
— Bien sûr que c'est une blague ! Non, mais Riley !
— T'es vraiment fort quand il s'agit d'éviter les sujets qui te dérangent. Et tu vas me dire quoi si je te demande comment tu arrives à me parler sans même ouvrir la bouche ?
— Je vais te dire que tu as probablement un peu trop fumé et pas que du tabac.
— T'es incroyable...
J'allais insister, mais un bruit venant sur ma gauche m'interpela.
— Tu as entendu ça ?
— Oui, me confirma Ben en se levant.
Il s'avança le plus silencieusement possible, fusil sur l'épaule, prêt à faire feu sur la menace qui se dirigeait sur nous. Derrière lui, le souffle court, je me préparais à tirer.
Une sorte de ronronnement s'éleva des buissons. Je tapotais l'épaule de Ben et lui fis signe de reculer. Il m'avait ignoré et avait continué d'avancer.
C'est pas vrai...
En même temps que Ben fit un pas en avant, la bête sortit de sa cachette.
— Merde...
Ben commença à reculer, lentement. La bête ne se déplaçait pas plus vite que lui.
Arrivé à ma hauteur, il murmura :
— Tu as raison, je sais un tas de trucs sur toi. Mais crois-moi quand je te dis que je ne sais pas comment ça se fait.
— OK, c'est plus le moment, répliquai-je au bord de la panique.
La bête s'était arrêtée, elle nous scrutait. A quelques mètres d'elle, nous étions aussi immobiles que des statues, mais je ne savais pas combien de temps on allait tenir. Si on ne bougeait pas, elle allait forcément finir par nous réduire en morceaux. Impossible qu'elle nous épargne une énième fois.
De légers craquements me parvinrent.
— Merde, fit une voix.
Isaac était revenu et vu sa tête, il ne s'attendait pas à ce que la bête soit là. Surprise par son apparition, elle se mit à rugir.
Ben n'hésita pas à faire feu lorsqu'elle se dirigea vers Isaac. Je me mis à tirer aussi, mais elle était rapide. En rechargeant mon arme, je vis Isaac qui cherchait à se procurer une. Il avait le dos tourné et malgré les petits coups d'oeil qu'il lançait derrière lui, il ne semblait pas se rendre compte que la bête s'approchait dangereusement.
— Isaac ! hurlai-je.
En à peine deux secondes, il se retourna et roula sur le côté, évitant de peu les griffes de la créature. Plus énervée que jamais, elle menaçait de nous arracher la gorge.
L'un de nous finit par réussir à la toucher. Une balle traversa sa peau pourtant épaisse. Elle émit un cri rauque puissant, effrayant. Elle recula en titubant pendant un court instant.
J'en profitais pour me rapprocher de Ben et d'Isaac. Parfaitement alignés, nous étions prêts à tirer, de nouveau.
Remise de ses émotions, la créature nous gratifia d'un grondement sourd et n'attendit pas pour se jeter sur nous. Les coups de feu reprirent de plus belle. Les garçons étaient restés en retrait tandis que je m'étais avancée. Et alors un violent éclair de douleur m'arracha un hurlement en même temps qu'une décharge électrique me parcourait le corps.
— Riley !
Je m'étais relevée presque aussitôt, sans savoir d'où m'étais venue une telle force. Des bras me tirèrent en arrière et je me laissais entrainer.
Les garçons se placèrent devant moi. Les détonations continuaient de résonner dans mes oreilles. La seconde d'après, j'étais happée par l'obscurité.
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Ton esprit est ton pire cauchemar
HorrorÀ Seattle, une bête ravage la ville et sème la terreur partout où elle passe. Hallucinations, cauchemars et angoisses commencent alors à habiter Riley. Entre nouvel arrivant mystérieux, doutes et suspicions, la réalité et les cauchemars s'emmêlent...