Chapitre 38 | Équilibre

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— Salut petit frère. Je suis désolée de ne pas être venue plus tôt.

Je me sentais stupide. Pour le moment j'étais seule et je n'étais pas tranquille à l'idée que n'importe qui pourrait décider de venir se recueillir, comme moi, et puisse m'entendre parler dans le vide.

— Je trouve ça tellement idiot de parler à une pierre. Mais une part de moi espère que tu m'entends, peu importe là où tu te trouves. Techniquement parlant tu es six pieds sous terre, mais... Bref, je me perds.

Je jetais un coup d'oeil autour de moi, pour être sûre qu'il n'y avait vraiment personne. Je n'étais pas à l'aise, pourtant je continuais.

— Tu sais, depuis quelques mois ça allait un peu mieux. J'arrivais à m'en remettre, petit à petit. Oui, je suis d'accord, ça m'a pris du temps. Et puis d'un coup, tout est redevenu comme au jour de votre mort. En gros c'est redevenu un peu l'enfer.

« Je ne suis plus sûre de ce qui est vrai ou non. J'ai été plongée dans un sommeil pendant si longtemps que j'ai l'impression de ne plus reconnaître ce monde. Tout paraissait si vrai là-bas.

« Tu y étais. Tu m'as foutu les jetons, à de nombreuses reprises, mais tu as fini par m'aider à sortir. Tu n'imagines pas le bien que ça m'a fait de te voir. Tu paraissais si réel, plus que dans n'importe quel rêve.

« Mon dieu, tu me manques. Maman me manque aussi. Ce n'est plus pareil sans vous. Ça fait deux ans et pourtant je ne m'y habitue pas. Ni papa. Il refuse votre mort. Il a tellement changé. Je crois qu'il a été affecté encore plus que je ne l'ai été. Plus que je ne veux l'admettre et probablement plus que lui ne veut l'admettre. Maman saurait trouver les mots pour le calmer. C'est toujours elle qui arrivait à le ramener à la raison. Mais elle n'est plus là.

« C'est dur pour ceux qui restent tu sais. A cause de toute cette merde, je vais redoubler mon année. Je croix que je peux faire une croix sur la médecine. Je n'ai pas le niveau et puis je ne veux pas devenir comme papa. Il me manque aussi, mais il m'a tellement blessée. Je ne le reconnais plus. C'est devenu un étranger et je ne veux pas vivre avec quelqu'un comme lui. J'imagine que je vais devoir appeler tante Grace pour savoir si elle peut m'héberger, le temps que je trouve une solution.

« J'ai si peur Karl. Je suis sûre que tu te débrouillerai plus facilement que moi. Tu as toujours su faire sans les parents.

« En tout cas, j'essaie d'avancer. C'est ce que maman me conseillerait. Elle me dirait de faire des petits pas, un peu plus grands à chaque fois, et surtout, de ne pas me retourner. C'est ce que je vais faire. Je vais avancer, pour vous, pour moi. Je ne sais pas si je vais y arriver, mais je dois essayer. Je dois me prendre en main et je pense qu'il n'y a pas de meilleur moment que maintenant.

Je prenais une grande inspiration. Je me sentais soulagée.

— Maman, Karl, je me promet de revenir plus souvent ici.

Bizarrement, ça me faisait du bien de parler dans le vide. Ça aidait de faire semblant, de s'imaginer leur visage et de leur parler, comme s'ils étaient là.

— Riley ?

Je sursautais en entendant mon prénom. Je me retournais, paniquée pendant un court instant, avant de voir que c'était Isaac.

— Excuse-moi, je t'interromps ?

— J'avais terminé. Comment est-ce que tu m'as trouvée ?

— Quand tu as dit que tu devais aller quelque part où tu aurais dû aller plus tôt, c'est le seul endroit qui m'est venu à l'esprit. Tu n'es venue qu'une fois, le jour de leur enterrement.

— Décidément, tu me connais bien.

— Qu'est-ce que ça te fait d'être là, après tout ce temps ?

Il s'était approché de moi, nous faisions alors face aux stèles gravées.

— Je crois que j'avais peur de revenir parce que j'assimilais cet endroit à de très mauvais souvenirs et je ne voulais pas les revivre. Mais finalement, ça me fait du bien d'être là.

— C'est une bonne chose alors.

— Oui. Je me demande pourquoi il m'a fallu deux ans pour enfin me décider à les voir.

— Tu es là maintenant, c'est tout ce qui compte.

J'attrapai Isaac par la taille et l'attirai contre moi.

— Et maintenant ? Qu'est-ce qu'on fait ?

Je n'avais pas répondu tout de suite, mais j'étais à peu près sûre de moi désormais. Alors je lui affirmais d'une voix douce, emprunte d'une certaine détermination :

— Ce qu'on veut, Isaac. Notre vie nous appartient. On peut faire ce qu'on veut.

Ton esprit est ton pire cauchemarOù les histoires vivent. Découvrez maintenant