Chapitre Seize : arrêt sur image.

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Tic, tac, tic, tac. Je ne perçois même plus le bruit des secondes. Elles défilent comme des gouttes qui tombent. Sans jamais s'écraser sur le sol, sans jamais finir leur ascension. Elles ne sont que des ondes, dans un passage au circuit rond. Tic, tac, tic, tac. Je finis par être sous toute cette eau, toutes ses gouttes qui s'accumulent. Je ne bouge plus. Je ne respire plus. Mes poings serrés sont toujours aussi insensibles à leur douleur. Mes épaules sont si raides que mes nerfs vont lâcher. Mes yeux écarquillés dans un vide terminé. Je crois que je vais m'effondrer. Au loin, des cris retentissent dans l'air troublé. Je remonte peu à peu à la surface vers ses bruits étouffés. Je commence à sentir mon cœur battre sous l'effet de la nervosité.

-Ora ?

-Elle est là !

-Mais qu'est-ce qu'elle fou là ?!

-Ora !

Et je me mets à hurler. Je m'écroule sur le sol, comme si mes jambes, plus surprise que moi-même par ce que je viens de voir, n'arrivent plus à me tenir sur place. Mes mains agrippent mon visage, et je continue de hurler. Les yeux fermés. Je ne veux rien voir. Je ne veux rien entendre. Je ne veux rien comprendre. Je veux que tout s'arrête. Que le temps s'arrête. A nouveau. Je l'ai vu. Je l'ai vu s'arrêter. C'est impossible. C'est invraisemblable. C'est impensable. Je ne comprends pas. Je ne capte pas !

Je hurle de rage. Une rage qui me brûle la gorge. Une rage qui me lancine le cœur. Je hurle une trahison. Je hurle mon incompréhension. Je hurle ma panique. Je ne comprends pas. Je n'arrive pas à saisir quelle est la nature du drame. Je n'arrive pas à resituer toutes les pièces de l'échiquier. Il est bouleversé. Mon cœur se déchire en deux. En quatre. En huit. En mille. Morceaux. Ils tapent tous dans mon corps comme pour le déchirer. Ils tapent tous contre ma cage thoracique pour la briser. Je n'arrive pas à respirer. Je n'arrive pas à rationnaliser. Ratio-quoi ? On me prend les mains. Les poignets. Les épaules. Je n'y arrive pas. Je n'arrive pas à me relever. Mes jambes aussi, sont brisées. Tout mon corps est brisé. Il n'y a que mes larmes qui dévalent mes joues avec tellement de force et de pluie que je n'arrive pas à les arrêter. Tic, tac, tic, tac. Plic, ploc, plic, ploc. Ce sont mes larmes, que j'entends. Pas les secondes qui défilent. Pas le temps qui continue. Ce sont mes larmes. C'est ma douleur. C'est mon impuissance. C'est l'irrationnalité qui se joue de la raison. C'est le théâtre qui fait hurler la scène. C'est le meurtre qui massacre le suspens. C'est le temps qui me tue sur place.

Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? Le mot tourbillonne dans ma tête. Trois fois. Trois secondes. Il lui a fallu trois secondes. Trois secondes pour me voir. Trois secondes pour me parler. Trois secondes pour me bouleverser. Et en un claquement de doigt, il a à nouveau disparu. Reviens ! J'ai besoin de sa réponse. J'ai besoin de revoir le temps s'arrêter. J'ai besoin de sentir à nouveau les secondes se stopper pour me laisser du répit. Bêtement, je ne veux pas qu'il soit un ennemi. Je ne veux pas qu'il soit un Vile. Je veux qu'il me dise qu'il blague. Je veux qu'on me réveille de ce cauchemar. Je veux qu'on me retire de cette agonie persistante. Je veux qu'on me dise que ce que j'ai entendu, ce que j'ai compris, ce que j'ai perçu, est faux. Je ne veux pas que le destin s'acharne sur moi. J'ai déjà beaucoup trop de chose à gérer. Je ne veux pas que le destin sache que je suis là, prête entre ses griffes à souffrir. Le destin n'est pas aussi cruel. Le destin n'est pas aussi sadique. On n'aurait... n'aurait... n'aurait...

On ne m'aurait pas fait ça... ?

Je n'arrive pas à comprendre ce qu'il se trame autour de moi. Ni pourquoi les chevaliers me remettent sur pied. Je ne veux pas. Je ne veux pas. Je ne veux pas. J'ai besoin de rationalité. J'ai besoin de Lux. J'ai besoin de ses bras. J'ai besoin de tes bras ! J'ai besoin de la vérité. J'ai besoin de le voir. J'ai besoin de normalité. Je veux rentrer chez moi !

Zodiaque - Tome 1 : Le Royaume Oublié.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant