Bonus 1 : l'acte coupable.

196 22 328
                                    

Le néant. Un océan noir, après cette blessure dans le dos. Le néant, encore. Dans mon crâne, dans ma mémoire, dans mon cœur aussi. Le néant. Il n'y a que le néant pour me guider, maintenant que je n'ai plus rien. Pas même le vide ne peut remplacer les chimères qui me hantent depuis tellement de temps. Depuis que je suis ici, je ne ressens plus que le vide, dans cet endroit condamné, à être moi-même condamnée à suivre une destinée dont je me serais parfaitement passée ! Encore une fois, je sens la présence de ma sœur dans mon dos. Et, encore une fois, je la rejette avec la force de ma douleur et de ma colère. Sa culpabilité se fait un peu plus sentir à chaque fois que je viens la voir, que je viens siller ses souvenirs, que je viens espionner sa vie passée. Que j'essaye de comprendre pourquoi elle nous abandonné. Et, encore une fois, la petite fille brisée et blessée en moi ne peut pas s'empêcher de se dire que c'est bien fait pour elle lorsque je la sens disparaître, ravalant ses larmes de douleur. Je ne veux pas la voir. Je veux simplement apprendre tout ce qu'elle a fait, tout ce qu'elle a parcouru, je veux savoir et essayer de comprendre pourquoi elle nous a laissé toutes seules.

Mais je n'y arrive pas. Je n'arrive pas à comprendre, c'est plus fort que moi. Alors, je me mets à me battre avec elle. Dans le moindre de ses combats, de ses entraînements, de sa vie, je laisse mon corps se lier au sien dans une fusion parfaite pour tuer et ravager à ses côtés le monde de ses créatures sans cœur, à cause de qui toute cette folie et toute cette guerre à commencer. Et à chaque fois que je parviens à perfectionner mes capacités de combats, que j'arrive à entraîner mon esprit et mon corps à la moindre technique, je ne peux pas m'empêcher d'être dégoûtée d'elle. C'est pour cette raison que je ne me sers jamais de ce qu'elle m'apprend.

Lorsque je sens peu à peu le néant rempli de douleur s'éloigner, et la réalité pleine de vide s'approcher, je ne retiens pas mes larmes. Elles ne peuvent pas s'empêcher de brouiller ma vue à chaque fois que je la quitte à nouveau. Je sais parfaitement que ce que je fais n'est pas juste. Que, tant que je la rejetterais, que je refuserais de lui parler, je pleurerais lorsque je la quitterais. Que je culpabiliserais, finalement. Mais je ne peux pas m'en empêcher. Je ne peux pas m'empêcher de culpabiliser, parce que rejeter sa sœur est ce qu'on appelle un acte coupable. L'un des seuls fragments de mon éducation vient de cette liste d'acte coupable. Rejeter les autres en fait partie. Rejeter le monde est le plus haut niveau d'acte coupable qu'il peut y avoir... et je crois que je l'ai atteint. Je sais que c'est mal. Mais je n'arrive pas à faire autrement.

Pas moins de dix secondes après que j'ai décidé de reprendre le contrôle de mon corps et de mes larmes, mes oreilles sensibles m'indiquent que je ne suis pas seule. Derrière mes épais cheveux, elles arrivent encore à capter la présence des chevaliers bien avant qu'ils ne décident à entrer dans une pièce. Là, je peux entendre une respiration qui se veut discrète, un peu trop discrète même. Je sens directement mes sens se décupler, pour venir toucher du doigt la personne qui m'observe. Un œil vif, attentif, dévoreur. Un œil outrageant et qui reste pourtant prudent. Un œil qui me déstabilise et m'agace même lorsque je ne le vois pas...

-Qu'est-ce que tu fou là ? sifflé-je en sentant mon poing se serrer.

J'essaye de reprendre le dessus sur mes émotions, de reprendre le contrôle sur moi, pour ne pas m'énerver. Mais je n'y arrive pas. Il le voit... et il a le toupet de faire un sourire. Je le sens. Ce pressentiment se confirme lorsque je rouvre les yeux et le fusille du regard, grâce à la statue bleue et miroitante de ma sœur. Il ose sourire, cet imbécile.

-Je trouve ça fascinant, commente-t-il, une âme en peine. Je n'en ai jamais vu de pareille avant. Ça à un certain romantisme... du coup, je t'observe.

-Va te faire voir !

Je me relève brusquement, redressant le menton et remettant mes cheveux derrière mon épaule, l'assassinant du regard par le biais de la statue de Cristal. Merolt n'en a rien à faire. Son sourire se fait plus grand, ses yeux aigue-marine pétillent de malice. Il semble s'amuser de la situation... ce qui me fait bien évidemment sortir de mes gonds. Je ne sais jamais comment me comporter, avec lui. Il est tellement contradictoire ! Moi qui suis habituellement stable, qui sait gérer la moindre parcelle de sentiment qui me traverse, quand il est dans les parages, je n'arrive pas à maintenir mon cœur à plat. Il faut qu'il sache comment exactement, dans n'importe quelle situation, me faire dire un mot de trop ou une expression que je ne souhaite pas montrer. C'est agaçant. D'autant plus agaçant que ses réactions n'ont aucune logique, et que je ne vois pas par exemple pourquoi il se permet de sourire en ce moment !

Zodiaque - Tome 1 : Le Royaume Oublié.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant