Chapitre Vingt-Trois : la salle des souvenirs.

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Une fois dans le couloir, je regarde à droite et à gauche pour savoir si l'un des chevaliers traîne dans le coin. Comme je suppose que ce que je vais faire est une bêtise, je n'ai pas intérêt à me faire chopper, ou alors à tomber sur un chevalier qui est assez concilient pour me laisser suivre mon serpent. D'ailleurs, sans trop m'attendre, ce dernier se dirige vers le couloir noir aux points lumineux, avançant à une vitesse incroyable. Je prends un peu le temps de regarder les galaxies sur les murs, essaye de voir les autres animaux sur les portes. Ils sont là, mais ne sont pas animés. Seuls leurs yeux me suivent dans ma progression jusqu'à la fin du couloir. Agacé, mon serpent siffle d'un air impatient dans ma direction, et je me mets à trottiner.

-Oui, oui, j'arrive.

Le serpent se dirige vers les escaliers. Je me demande d'abord s'il souhaite que je reparte vers Exaga, ce qui serait une très mauvaise idée, et une expérience que je n'ai pas envie de revivre, mais il s'arrête au second palier. J'ai le temps de le voir disparaître dans la bibliothèque, avant qu'une main ne me prenne violemment le poignet. En sursautant, je me tourne alors vers la personne qui m'a retenu : Krell. Le brun me jauge du regard, ses yeux rubis me fixant avec une certaine provocation. Ses cheveux, asymétrique, lui tombent d'une part sur les yeux, long sur le côté droit, court sur le gauche de son crâne. Sa peau brune est légèrement teintée de violet par la plateforme tournante sous nos pieds.

-Tu n'es pas à l'infirmerie ?

-Non, Laz m'a laissé sortir.

-Tu avais si peu de blessure que ça ?

Il est si étonné par ce constat que c'en devient presque insultant. J'hausse mes épaules, avant de dégager mine de rien mon poignet de sa main.

-Je ne gagnerais rien à rester allongée toute la journée sans rien faire. Il vaut mieux que je m'occupe en faisant des trucs utiles.

Un sourire en coin naît sur ses lèvres, et ses yeux brillent d'un éclat joueur.

-Et quel genre de « trucs utiles » ?

-Lire, par exemple, répondis-je en haussant l'un de mes sourcils.

Il hausse ses épaules, avant de continuer sa route en prenant les escaliers. Heureusement qu'il ne m'a pas demandé ce que j'allais lire dans la bibliothèque, parce que j'aurais été incapable de répondre. Je n'allais pas non plus dire « je suis mon serpent, tu sais celui que je n'ai jamais vu et qui était sur ma porte, dans la bibliothèque. Mais je ne sais pas ce que je vais y faire, pas du tout ». Je me rends compte que mon habilité à mentir devient de plus en plus efficace, même si je ne tromperais pas le Diable, mon expérience s'accrue. Je n'aurais jamais pensé un jour avoir besoin à ce point du mensonge pour m'en sortir, moi qu'on dit « honnête ». Mirza me dit honnête... une bouffée de culpabilité me prends lorsque je pense à ce trait de caractère qu'il m'a donné. Je ne devrais pas leur cacher des choses, pas à ce point-là. Mon instinct prêt à me donner des réponses, lui en revanche, me le demande clairement. Pour certaines situations, je ne vais pas avoir le choix. Sans attendre qu'un autre chevalier me barre la route et me demande ce que je vais faire, et de peur de perdre la trace de mon serpent, je pousse les portes imposantes de la bibliothèque et les referme dans mon dos, faisant le moins de bruit possible. Quelqu'un qui n'aurait rien à cacher n'aurait pas eu ce comportement-là, alors secrètement j'espère que personne ne m'a vu faire.

Lorsque je balaie les environs de la bibliothèque avec mes yeux, je suis surprise de constater qu'il n'y a personne. Pas le moindre feu-follet non plus, mais ils sont après tout si timide. Aucun chevalier non plus, ce qui quelque part me rassure. Entre les grandes étagères de la bibliothèque, je ne vois personne, cependant un petit malin pourrait toujours se cacher dans un coin pour être tranquille. Espérons simplement qu'il me fichera la paix. Un sifflement attire mon attention sur la gauche, et je dirige alors mes pas vers là-bas. Les étagères avec les lampes en formes de lune et de soleil sont toujours aussi brillantes, et les tables toujours aussi dégarnies de livre. Comme lors de ma première visite, une ambiance bleue et calme réside dans toute la pièce, propice à la concentration pour la lecture ou simplement pour réfléchir.

Zodiaque - Tome 1 : Le Royaume Oublié.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant