Zodiaque - Tome 1 : Le Royaume Oublié.

Chapitre Vingt-Sept : il y a démon sous roche.

Daemon ne semble pas du tout craindre ma venue. Au contraire, il m'accueille avec un sourire qui étire l'un des côtés de ses lèvres, les mains dans les poches, ses cheveux blancs volant légèrement dans la brise. Son manteau long et en cuir est lui aussi agité par le petit vent autour de nous, et ses yeux aussi rouges que sang me regardent, brillant de curiosité et d'un certain plaisir. La dernière fois que je l'ai vu, je n'ai pas du tout apprécié notre discussion, si on peut appeler ça comme ça. Il a toujours ses deux ceintures, l'une représentant dans un médaillon d'argent un arbre, l'autre passant de son épaule jusqu'à sa hanche, et striée de dagues menaçantes. Mais ma colère est beaucoup plus dangereuse que ses jouets sans importance, elle me brûle les yeux. Je crois que la folie qui m'a contaminée lorsque j'ai découvert que Lux est de la partie me reste encore un peu dans le cœur. C'est sans doute grâce à cette dite folie que je suis partie sans réfléchir vers lui, et que je ne fais pas demi-tour en ce moment pour prévenir l'un des chevaliers de sa présence ici. La bonne nouvelle, c'est que la colère qui commence à me submerger va me permettre de tenir le temps qu'il faudra pour lui faire face. La mauvaise nouvelle, c'est que ma réaction, et sans doute celles qui vont lui précéder, n'est pas rationnelle du tout, et que ça m'agace.

-Qu'est-ce que tu fou là ? sifflé-je.

-Ora, me salue poliment Daemon. Bonjour. Je suis ravi de te revoir.

-Plaisir non partagé, répliqué-je en reniflant dédaigneusement. Tu n'as pas répondu à ma question.

-Je crois que tu sais que ce n'est pas mon genre, de répondre aux questions qu'on me pose... me taquine-t-il avec un regard amusé.

-Mais avec mon poing dans ta tête, l'envie va peut-être te venir ! grondé-je en sentant déjà mes mains se serrer plus fort.

Daemon regarde autour de nous, d'un air plus grave, comme s'il craignait que nous soyons entendus. Je n'en ai pas grand-chose à faire, d'être entendue, je n'ai rien à cacher, moi. Ce qui ne semble pas être son cas. Il me fait signe de le suivre, et s'enfonce dans les jardins. Un sifflement de rage menace de traverser la barrière de mes dents, mais ma curiosité fait soudainement face à ma colère. Pourquoi veut-il me parler ? Plus important : est-ce vraiment une bonne idée de le suivre ? La partie instinctive de moi me dit que non, l'étrange instinct que j'ai depuis que je suis une Zodiaque me dit que oui. Je regarde le paysage autour de moi, afin de savoir si qui que ce soit peut me regarder en train de suivre cet inconnu, au risque qu'on me prenne pour plus traître que je ne le parais déjà. Il n'y a personne. Le jardin est clair, d'une herbe vivace, d'arbres aux troncs foncés et aux feuilles ombrageuses. De nombreuses statues ou autres sculptures plus abstraites se dressent dans les broussailles et les fleurs, de petits animaux ressemblant à des insectes viennent butiner le pollen qu'elles doivent produire. Il n'y a aucune trace d'un quelconque personnage de la cour, par ici, à première vue, je n'ai rien à craindre. J'espère simplement que personne ne viendra faire une promenade dans les jardins avant un long moment.

Ora, je n'ai pas toute la journée, trésor.

Je sursaute, surprise, avant de regarder avec de grands yeux autour de moi. La voix a résonné dans ma tête. Dans mon crâne. Pas dans mes oreilles. C'est très bizarre. C'est comme si on venait de me forcer à penser quelque chose, de me forcer à l'entendre... je ne mets pas beaucoup de temps à comprendre que c'est la voix de Daemon. En grommelant des choses incompréhensibles et peu sympathiques pour lui, j'avance à grands pas vers la petite forêt sombre où il a décidé de se planquer. Mon corps est tendu au point que ça me fait mal aux épaules tellement je retiens mon envie de lui hurler dessus. D'une part pour qu'il sorte définitivement de ma tête, d'autre part pour qu'il reparte d'où il vient après avoir répondu avec exactitude et précision à toutes mes questions. Une petite voix à l'intérieur de moi me nargue en me disant la formule « c'est beau, de rêver ». Daemon va rêver de la façon dont je l'ai frappé s'il continue de se comporter comme il le fait. Il ne faut pas me pousser trop à bout en ce moment, il ferait bien de s'en rendre compte !