Chapitre Vingt-Cinq : exacerbée.

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Les sons me parviennent de loin, comme s'ils n'existent pas vraiment. Le noir dans lequel je me trouve se fait de plus en plus inconfortable, et me donne envie de nager vers la surface. Mon cœur a beau taper dans mon corps avec toute la férocité dont il peut faire preuve, ce n'est pas lui qui me remet les pieds sur terre. C'est une voix suave, teintée d'inquiétude et d'angoisse, une odeur épicée, chaude et piquante, qui me parvient de loin... et qui n'est par ailleurs pas très agréable.

-Ora ! Ora putain réveille-toi ! Ora bordel !

Je prends conscience qu'on me secoue légèrement par les épaules, alors que je roule des yeux pour tenter d'ouvrir mes paupières. Une fois. Deux fois. Ça ne marche pas. Je ne veux pas quitter cet endroit si paisible qu'est le noir, mais qui devient alarmant. Je suis alarmée parce que j'entends cette personne alarmée. Mais moi, le suis-je ? Je ne sais même plus qui je suis. Je ne sais même plus pourquoi je me bats. Une brûlure froide à mon annulaire gauche a tôt fait de me le rappeler. La bague. Je me force à penser la bague. Pas sa, la bague. Elle me brûle avec toute la froideur dont elle peut faire preuve. Je le sais. Je le sens.

Je finis par ouvrir les yeux.

-Enfin !

Je tombe face aux prunelles topaze et liquide de Zircon, qui les ferme un instant pour soupirer de soulagement. Lorsqu'il les rouvre, je suis surprise de constater qu'elles ne sont pas aussi glacées et mordantes que d'habitude, mais qu'elles revêtissent une chaleur qui m'est inconnue. Elles brûlent. Elles luisent comme de l'or fondu, et brillant. Un or qui est mélangé avec une couleur brune, une couleur chaude. Elle contraste avec le froid qui suinte de ce bout de métal que je porte au doigt. Elle me réconforte. S'il y a quelques heures on m'aurait annoncé que je serais ravie de revoir Zircon, j'aurais explosé de rire. Mais maintenant, je n'ai qu'une envie : pleurer.

Son regard redevient tout de suite alarmant.

-Oh non, Ora, non, non, non ! Ne pleure pas ! Ne...

Il n'a pas le temps de terminer sa phrase, que je me jette dans ses bras pour entourer son cou et laisser les larmes couler. Zircon est si stupéfait qu'il se fige. Qu'il me rejette, qu'il me blesse, qu'il m'insulte, je m'en fiche complètement. Qu'il le fasse. J'ai juste besoin de rejeter cette tension, ce flux de sentiments explosifs au fond de moi. Je sais qu'il ne m'aime pas, et qu'il n'y a aucune chance pour qu'il ne me fasse pas plus mal encore. Mais je préférerais cette douleur à celle qui est en train de me ronger le cœur, me le serrer avec force, me le comprimer et me le nouer.

-D'accord... grogne-t-il.

Je peux déceler dans sa voix un sentiment que je ne lui ai pas souvent vu. De la gêne. Je lui jette un rapide regard surpris, constatant qu'il a les lèvres pincées, les yeux pointés vers moi et les mains crispées dans l'air. Il ne sait pas quoi faire. Son corps est tellement tendu qu'il est en devient inconfortable pour moi, qui suis presque affalée sur lui. Zircon ne sait pas quoi faire. Zircon est... déstabilisé. Le plus beau, je crois, est la couleur légèrement, très légère, rose qu'a pris ses joues lorsque je l'ai touché. Finalement, lentement et avec un certain tremblement que je pourrais qualifier de maladresse, ses bras se posent sur ma taille et ma tête, et sa main dans mes cheveux. Il déglutit, regarde devant lui, les yeux toujours aussi liquides et brûlants. Quelques secondes plus tard, je sens ses doigts caresser mes cheveux.

-OK... je ne sais pas ce qu'il s'est passé, mais t'as intérêt à ce que ce soit important...

Il veut faire preuve d'autorité ? Parce que ça ne marche pas. Dérangé par – je suppose – mon contact, il regarde le sol devant nous, sans arrêter ses gestes mécaniques dans mes cheveux. Je me demande pourquoi il fait ça. Puis, je me rends compte que mon corps tremble. De tous mes membres, je tremble. Mes larmes n'ont pas suffi, il faut que mon corps s'y mette aussi. Je tremble si fort que ma vue se brouille. C'est pour cette raison que Zircon essaye de m'apaiser, et aussi que je ne suis pas capable de me relever seule, ou que je ne peux pas m'écarter de lui. Je vous assure, pourtant, que ce n'est pas l'envie qui manque.

Zodiaque - Tome 1 : Le Royaume Oublié.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant