Zodiaque - Tome 1 : Le Royaume Oublié.

Bonus 2 : nous sommes semblables.

Des bruits. Plein de bruits autour de moi. Ils n'arrêtent pas. Ils n'arrêtent jamais. Des respirations, plus ou moins courtes. Des paroles, brides de voix et de brises, qui se mélangent pour former d'autres sons sur ces respirations. Des gestes, aussi. La peau qui frôle l'air. Les froissements des vêtements sur l'épiderme des cellules, contre les particules de vide, contre tout et contre rien. Des cheveux qui se laissent porter par le vent. Des rires qui crissent sur mes tympans. Je n'en peux plus. Je n'en peux plus de tout ce bruit. De toutes ces conversations. De toutes ces substances chimiques qui jouent et changent dans l'air, devant eux, sans qu'ils s'en rendent compte. La poussière qu'ils avalent lorsqu'ils respirent. Les bactéries qui se déposent sur leurs mains et leurs doigts quand ils touchent à la nourriture. Nid à microbes. Nid à problèmes. Mais la source de mon problème à moi, c'est le bruit. Juste le bruit. Je voudrais du silence. Même leurs cœurs ne peuvent pas s'empêcher de battre d'une façon assourdissante. Humide, le sang pulse dans leurs artères et se répand dans leurs membres, dans leurs veines, il se bouche par endroit lorsqu'ils plient les mains, les bras, les jambes ; il crie, il grince. C'est insupportable. Je veux du silence.

Mais le pire, le pire du pire, c'est ce nouvel arrivant qui n'arrête pas de crier, de parler, de balancer des blagues et des rires partout. Il est malade. Complètement malade. Il n'arrête pas de parler. Tout le temps. Et pour ne rien dire. Ça m'énerve. Silence. Tais-toi. S'il-te-plaît. La ferme. Je voudrais juste qu'il se calme. C'est insupportable, tous ces sons. Je vais m'évanouir. Mes oreilles saignent. Je le sais, je sens le sang couler le long de mon lobe. En me mordant la langue, je passe discrètement mon doigt dessus pour essayer de retirer ce foutu plasma de ma peau, qui glougloute contre mon tympan. Zircon tourne sa tête vers moi, et hausse un sourcil. Il a remarqué. Il remarque toujours quand j'ai ce genre de chose. Je ne sais pas comment il fait, mais il le sait. Il me sonde de ses profonds yeux topaze, fronçant ses sourcils. A côté de lui, Merolt ne tarde pas à faire pareil, me demandant d'un geste précis de la main si je vais bien. Il tourne son pouce. C'est le langage des signes draconique. Je pousse un soupir de soulagement. On peut enfin communiquer, simplement, efficacement, sans pourtant prévenir les autres et qu'ils sachent ce qu'il ne va pas. Je plie l'index. Non, ça ne va pas. Je vais devoir sortir. Il faut qu'ils m'aident. Merolt penche sa tête et plisse ses yeux, avant de faire un demi-cercle avec son pouce. Comment ? Comment le faire ? C'est simple. Je pianote des doigts sur la table. Faites diversion. Et Merolt comprend. Il hoche la tête, sourit, avant de se tourner taquin vers le nouvel arrivant.

-Oh, mais regardez-moi ça, c'est trop chou.

-On aurait envie de le câliner en permanence, tiens, rajoute Zircon.

Ce dernier ne parle peut-être pas le langage draconique, ne préférant pas perdre son temps avec ce genre de chose, mais il a toujours été assez perspicace pour comprendre approximativement ce qu'il se disait, tout en restant discret. Si on le regarde un peu, on s'aperçoit qu'il ne quitte jamais personne des yeux, pas même Merolt. C'est ce qui fait que ces deux-là ont finis par développer un langage uniquement par leurs yeux. Leurs pupilles qui se dilatent, qui frémissent, qui font passer la moindre émotion ; rien ne leur échappe. Ils ne peuvent pas se mentir. Pas par leurs yeux. Le nouvel arrivant hoquette, toujours sur la table en train de faire une démonstration de lancer de nourriture en l'air, avant de se tourner vers les deux complices.

-Quoi ? Alors j'aime beaucoup les câlins, moi, mais il ne faut pas toujours m'en faire, je ne pourrais plus respirer !

-Quel dommage ça serait, ronronne Zircon avec un sourire malicieux.

Je sens déjà l'ambiance maussade arriver, des soupirs de la part des autres chevaliers rajoutant déjà de l'air dans la pièce. Ils font moins de bruit, l'attention se focalise sur la scène. Heureusement.