Troisième tome - Dix-neuvième chapitre.

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Il y a une fissure. Elle est petite, mais je ne vois qu'elle. Au coin du plafond, elle est mince et s'étend seulement sur quelques centimètres. Ce n'est rien. Elle se voit à peine. Mais il y a une fissure. Les jambes repliées contre moi, je la fixe depuis un petit moment maintenant. Je ne suis pas capable de détourner le regard. Je ne suis pas capable de passer à autre chose. De laisser cette fissure derrière moi. De te laisser derrière moi. Alors je m'accroche à cette fissure, de la même manière dont j'aurais envie de m'accrocher à toi. Je ne saurais dire le temps qu'il fait au dehors. Peut-être fait-il beau, et la brillance du soleil serait égale à ta beauté. Ou bien à l'inverse, peut-être pleut-il, et le ciel gris serait égal à mon état d'esprit. Je ne sais pas non plus quel jour nous sommes. Je n'ai pas le courage de compter les jours qui se sont écoulés, je n'ai pas la force de mettre un chiffre sur le nombre de jours qui me séparent maintenant de toi. Je n'ai le courage, la force, l'envie, de rien. Alors je reste là. Assise au sommet de ce lit, les jambes repliées, ne prenant qu'une infime place sur le matelas. Je reste là. Et je regarde cette fissure.

J'entends un « ploc » familier raisonner un peu plus loin, mais je ne tourne pas la tête. Je ne la lâche pas des yeux. Cette fissure aussi, je la trouve familière. J'ai l'impression qu'elle me ressemble. Un deuxième son retenti à la suite du premier, et ce coin du plafond reste mon unique champ de vision. J'entends des pas se rapprocher, et le matelas s'affaisser par la suite. Elle me ressemble, car je suis fissurée. Ça a commencé doucement, comme ici. Une mince fissure de seulement quelques centimètres. Puis, plus les jours passent, plus les nuits sont froides, plus elle prend de l'ampleur. Elle s'étend, sournoisement. Elle ne s'occupe pas du mal quelle cause. Et cette fissure, qui se trouve sous mes yeux, s'étend également au fil du temps. Elle et moi sommes pareilles. Ça commence doucement, on se dit que ce n'est rien. Que ce n'est pas grave. Jusqu'à atteindre le point de non-retour. Jusqu'à ce qu'elle emporte tout sur son passage. Je ne détourne toujours pas le regard, bien que je sente ces deux présences à mes côtés. Je suis cette fissure.

- Je n'y arriverais pas.

Ce n'était pas prévu. C'est sorti. Ton départ n'était pas prévu non plus. Tu es parti. Je ne sais pas ce que je suis sensée faire. Je ne sais pas ce que l'on attend de moi. Que peut-on attendre d'une fissure ? Je ne sais pas ce que tu attends de moi. Que veux-tu que je fasse ? Où veux-tu que j'aille ? Vers qui veux-tu que je sois ? Guide-moi, entraîne-moi, montre-moi. Explique-moi. Explique-moi comment respirer de nouveau. Explique-moi comment lâcher cette fissure du regard. Explique-moi comment ne pas dépérir. Parles-moi. Dis-moi. Raconte-moi. Raconte-moi que tout n'es pas perdu. Qu'il y a encore de l'espoir. Que je peux y arriver. Que je suis capable de m'en sortir. Souris-moi. Souris-moi de ton sourire qui efface tout. De ton sourire que j'aimais tant. De ce sourire qui m'a fait tomber follement amoureuse de toi. Rassure-moi. Console-moi. Aide-moi. Je n'y arriverai pas toute seule. Je n'en aurai pas la force, pas la volonté. Relève-moi. Reviens-moi. Aime-moi. Ne me laisse pas aller là-bas demain. Ne me laisse pas y assister. Ne les laissent pas emporter la dernière image de toi. Je sens une main s'emparer de la mienne, et il y a toujours cette fissure.

- Je ne sais pas ce que je suis sensée faire.

Réapprendre à vivre. T'oublier. Passer à autre chose. Apprendre de nouveau à sourire. Respirer sans toi. Dormir sans toi. Oublier ton odeur. Tes mains sur ma peau. Tes lèvres contre les miennes. Le son de ta voix. L'éclat de ton sourire. La mélodie de ton rire. L'ampleur de ton amour. La délicatesse de tes gestes. La tendresse dans ton regard. Comment oublier ce que j'ai tant aimé, ce que j'ai tant souhaité, ce qui va tant me manquer. Je n'arriverais à rien sans toi. Je ne suis capable de rien, loin de toi. Je ne suis plus qu'une fissure.

- Tu n'as rien à faire. Personne n'attend rien de toi.

Je me fiche de ce que les autres attendent, ou n'attendent pas de moi. Je veux savoir ce que toi, tu souhaites. Ce que tu veux me voir faire. Ce que tu veux que je devienne. Suis-je encore capable de devenir quelqu'un ? Ca me paraît tellement improbable, irréaliste. Suis-je encore capable de réaliser des choses, d'avoir des projets, de l'ambition ? Qu'attendre de mon avenir quand la seule chose que je souhaite m'a été arrachée ? Etre privé de toi revient à être privé de tout ce qui fait que le monde tourne rond. Il n'y a plus rien. Plus rien, sinon une fissure.

Eternally Mine (Terminée) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant