OUR ANCHOR T1 Broken [Terminée]

2 | Ashika

— Je suis un monstre.

Ma voix résonna autour de moi, me faisant lâcher un long soupir. Non, ça, c'était les pensées qui m'habitaient. Rien de très reluisant, mais rien de très nouveau non plus.

— Quand il est question de la dernière part de lasagne, on est bien d'accord, rétorqua une voix grave, qui avait muée depuis quelques années maintenant, changeant en même temps que le corps du garçon qui était assis par terre, m'offrant son dos et sa chevelure d'un blond qui, à la lueur du soleil, pouvait paraître presque blanche.

C'était toujours intéressant à regarder.

— Ah, ah, je suis morte de rire, là, soupirai-je. Je suis sérieuse, Wolf.

Je tenais mon téléphone dans la main, m'empêchant de jeter un énième coup d'œil au message qui m'attendait. Et auquel je n'avais aucune envie de répondre. Pour changer. Voilà clairement ce qui faisait de moi un monstre. Je ne savais pas, j'aurais dû être folle de joie, être une vraie pile électrique et à l'inverse, j'étais amorphe et désertée de toute forme de motivation. Comme disait Yumi, j'étais du tofu tout flasque. Je n'étais pas sûre que le tofu puisse l'être, mais Yumi était encore petite, donc ça me faisait rire.

— C'est ma mère et...

— Génitrice, tout au plus, me coupa Wolf.

— Et je devrais être contente de faire ça avec elle, continuai-je, ne faisant pas attention à ce qu'il disait.

— Elle est aussi utile que les géraniums morts que Yuri garde, acheva-t-il.

— Mais tu vois, ça ne marche pas comme ça. Et c'est agaçant !

— Bien ce que je dis : plus inutile tu meurs.

Je redressai le haut de mon corps et réussis à atteindre l'arrière de son crâne pour y mettre un coup qui lui fit à peine courber l'échine.

— Tu parles quand même de ma mère.

Wolf tourna enfin son visage vers moi et m'offrit un faciès qui n'était pas sans rappeler celui de son père. Ishan Walker était le compagnon humain d'une des Ritter de la meute. Arwen avait un caractère dur et elle n'était pas du genre à se laisser marcher sur les pieds. Encore moins par ses propres fils. Les tensions étaient rudes parfois, mais rien de trop extrême. Wolf, de son vrai prénom Wolfgang, était l'aîné des trois enfants. Pas le plus casse-cou à mon sens, même s'il menait la vie dure à pas mal de monde. Moi, j'étais l'exception pour la simple et bonne raison que nous avions grandi ensemble, comme des frères et sœurs.

Ses yeux, il les tenait d'Arwen, ainsi que la tâche de naissance qu'il arborait sur l'épaule. Elle avait une petite forme de pêche que je trouvais à croquer. Sans jeu de mots.

Wolf posa son carnet par terre et se contorsionna pour atteindre quelque chose sous mon lit qui était, soit dit en passant un véritable capharnaüm. Mieux valait pour moi que certaines personnes ne viennent pas y fourrer leur nez, sinon je ne donnais pas cher de ma peau.

— Ah !

Wolf brandit une feuille un peu chiffonnée où nos écritures se confondaient presque. Je savais ce que c'était et fis la moue dans la seconde quand Wolf afficha un sourire victorieux, presque dédaigneux. Fichu lui !

Je me laissai retomber, le nez dans mon oreiller tout en sentant le poids de mon téléphone dans ma main.

— Veux-tu que je te lise les dix-sept raisons qui font que ta mère n'est pas ta mère ?

Je baragouinai un "non-merci" étouffé par l'oreiller. Mon matelas s'enfonça sous la présence de Wolf.

— Pardon ? Tu as dit ?