23 | Raphaël

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— Vous avez une mine épouvantable.

J'arquai un sourcil et m'installai sur le fauteuil faisant face à l'immense bureau du Notaire. Tout était très épuré ici, presque austère, tout en gardant un certain cachet. Sûrement le vieux bois. Il y avait un bonzaï dans un coin de la pièce qui semblait très bien s'accommoder de son environnement. J'observai l'homme qui prit place et qui était bien plus jeune que moi ; ce qui était presque d'un comique quand on considérait sa façon d'être avec ses clients. Ou peut-être seulement avec moi. J'essayai de passer le moins de temps possible ici, pour des raisons plus qu'évidentes.

— Vous avez un humour un peu particulier, non ?

J'avais encore cette douleur dans la poitrine et surtout à l'estomac, mais ça s'estompait un peu plus chaque jour. Jusqu'à la prochaine crise.

Il haussa les épaules et se rencogna dans son fauteuil.

— Alors, dites-moi, pourquoi êtes-vous là, Raphaël ?

Parce que j'étais un idiot fini et que ce n'était pas près de s'arrêter. Mais je ne lui dis pas à haute voix. J'étais sûr que cet homme, malgré son évidente jeunesse, avait dû exercer dans la psychologie pour réussir à cerner si bien les gens. Ou alors il était juste très bon.

— J'ai besoin de savoir que tout est en ordre, dis-je, la voix un peu enrouée.

D'avoir trop toussé, d'avoir trop vomi. Quand on se trimballait ma maladie, c'était presque logique. Mais ça n'en demeurait pas moins douloureux.

Il fronça les sourcils.

— Depuis la dernière fois, rien n'a bougé, vous savez ? C'est vous qui prenez les décisions ici, Raphaël. En dehors de ça, votre dossier dort avec tous les autres.

— Sympa, ça, marmonnai-je.

Son rire et puis il reprit son sérieux habituel et se pencha en avant, coudes sur le bureau. Je ne pouvais pas nier le fait qu'il était très professionnel ; après tout, c'était son rôle, mais il fallait avouer qu'avec le nombre de fois où j'étais venu le voir, notre relation avait un peu changé. Euphémisme du siècle.

Il vit que je ne partirais pas d'ici tant que nous n'aurions pas fait le tour une énième fois de mes dernières volontés.

Parce qu'il s'agissait bel et bien de ça. Je n'étais pas encore mort, mais ça me hantait. Parce que je voulais que Joshua vive non pas dans le besoin, ni même dans l'opulence, mais dans une relative sécurité financière. Il était hors de question que je rende mon dernier souffle tant que tout ne me conviendrait pas. Et je pouvais être foutrement tatillon.

Il alla chercher mon dossier et l'ouvrit.

— Vous avez désigné mademoiselle Monroe, de son prénom Lilibeth, et monsieur Clyde, de son prénom Malcolm, comme les tuteurs de Joshua tout en spécifiant qu'il devra rester attaché à la meute jusqu'à ce qu'il se sente prêt à trouver son véritable Freiherr. Le Koning Lothar à lui-même ajouté une clause stipulant qu'il veillerait à ce que Joshua arrive dans une meute. Je pense que votre frère ne sera pas complètement abandonné, même si nous ne pouvons tempérer la perte qu'il va subir lorsque vous devrez partir.

Partir, hein ? Mourir, oui. Mais je n'allais pas chipoter sur les mots.

— Le compte que vous avez ouvert au nom de Joshua Milow Silva lui sera accessible dès lors que mademoiselle Monroe et monsieur Clyde auront donné leur accord. Une partie de votre assurance reviendra à votre meute et l'autre à votre frère. Jusque-là nous sommes d'accord ?

Je hochai la tête. Tout était presque trop bien penser. Joshua allait-il me pardonner de ne rien lui avoir dit ? De ne pas lui avoir permis de se préparer au deuil ?

OUR ANCHOR T1 Broken [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant