77 || Raphaël

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Lothar ne répondait pas. J'avais beau l'appeler, encore et encore, je tombais inlassablement sur sa messagerie. Dans une autre situation j'aurais pu m'en inquiéter, mais en cet instant, je ne savais juste pas quoi faire.

Ashika Archeon était vivante. Et avec nous depuis quatre mois alors que tout le monde la pensait morte.

Son père l'avait enterré avant de finir reclus dans une forêt. Comment annoncer à Warren Archeon que sa fille...

... laissez un message après le bip.

Je soupirai et balançai mon téléphone sur le bureau. Lilibeth me regarda, relevant mon visage d'entre ses mains.

— Pas moyen, grondai-je.

La nausée grimpa en flèche. Mon corps était en train de flancher. Je le sentais. Mais ma détermination à faire savoir que cette gamine était en vie repoussait la maladie. Pour un temps. C'était la fin.

C'était la... fin. Je le savais. Et Beth aussi. Mais on pouvait encore se leurrer un peu. Juste un peu.

Pour Yona. Non. Pour Ashika.

— Il faut que tu appelles là-bas, Raphaël, souffla Beth. Il faut le dire à quelqu'un.

Oui. Je le savais. Bordel, je le savais. Mais... Qui serait prêt à me croire ? Qui ne me raccrocherait pas au nez en pensant que j'étais complètement fou et insensible, au passage ?

Bonjour, je vous appel pour vous dire que la petite Ashika que vous avez sûrement enterrée il y a quatre mois et vivante en fait. YEAH !

Je me pinçai l'arête du nez. Je devais le faire. Pour elle. Pour Warren. Pour sa famille.

Beth s'approcha, me tendant mon téléphone. Grâce à quelques contacts, j'avais réussis à trouver le numéro de téléphone d'un des Ritters du Krig.

Abel Kickett.

J'avais plus de chance de le joindre lui que le Krig en question après tout.

J'inspirai et composai son numéro.

Les tonalités se succédèrent. J'avais les yeux plongés dans ceux de Beth. Nous ne respirions plus. En étions bien incapables.

Il n'allait pas répondre.

Forcément.

Il n'allait pas répondre et je...

— Quoi, putain ? résonna sa voix.

Une boule dans ma gorge. Mon souffle m'échappa et mon coeur se mit à battre à cent à l'heure, me laissant sur le carreau.

J'ouvris la bouche, la refermait.

Qu'est-ce je devais dire ?

_ J'ai le feu au cul, crache le morceau ou je raccroche, gros con !

Beth fit les gros yeux en entendant les paroles du Ritter. Moi-même j'en restais coi pendant de trop longues secondes. Avant de m'asséner une bonne gifle mentale.

— Raphaël Silva à l'appareil, me présentai-je, comprenant que le temps était précieux.

Réfléchis, Raph, réfléchis.

— Je suis le Freiherr d'Adélaïde et-

_ Génial. Rappelle plus tard pour voir si je suis toujours vivant.

Je sentis qu'il allait raccroché. Je paniquai :

— Attendez ! C'est à propos d'Ashika Arch-

_ Mais putain vous avez quoi tous avec elle ?! Elle est morte ! Fin de l'histoire. Connard !

Plus rien. Il avait raccroché.

Il. Avait. Raccroché. Me laissant complètement dans le flou. Me faisant me sentir comme un con. Beth cligna des yeux. Moi aussi.

— C'était plutôt-

— Expéditif, finis-je. Ouais.

Et maintenant ? Je n'avais aucune envie de me mettre un Ritter à dos. Surtout pas cet homme. Essayer de rappeler Lothar ? Bordel, je n'en savais foutrement rien.

Soudain, la sonnerie de mon téléphone nous fit sursauter et je me jetai dessus.

— Allo ?

_ Bordel de merde, Maze ! Ouais euh... Raphaël, c'est ça ? Vas-y, balance. J'ai trois minutes pour toi.

Il y avait un sacré raffut à l'autre bout de la ligne. Abel Kickett ne semblait pas seul et il semblait se faire engueuler comme du poisson pourri.

Trois minutes. J'avais trois minutes pour changer le cours de plusieurs vies ?

— Je vais pas y aller par quatre chemins, soufflai-je, me sentant de plus en plus mal, nous avons récupéré une gamine il y a trois mois et... elle s'est transformée alors qu'on pensait qu'elle était humaine et-

Du bruit, encore. J'éloignai un instant le téléphone de mon oreille.

_ Raphaël, ici Mazakeen Fairfax, Inspecteur et Capitaine de la Brigade Noire en charge de l'affaire d'Ashika Archeon. Pouvez-vous décrire la jeune femme que vous avez sous votre garde ?

— Seize ou dix-sept ans, cheveux châtains, une marque de naissance dans le creux des reins et-

Du bruit, comme si on venait de reprendre le téléphone :

_ Et la lycan ? Comment est la lycan ? cracha Abel.

Avant que je n'aie pu répondre, Beth me chipa le téléphone :

— C'est une Earhja. De type physique.

Un "putain" bruyant résonna. Tout avait été dit, n'est-ce pas ?

— On arrive.

Et la communication fut coupée.

Ce fut le signal pour toute la pression accumulée de s'envoler. Mes jambes tremblèrent et la douleur explosa, me pliant en deux et rendant le monde flou tout autour de moi.

Beth cria et se retrouva à mes côtés, mon corps en train de convulser.

C'était... trop. Tout ça m'avait épuisé.

J'étais au bout.

J'étais réellement au bout cette fois.

Plus d'ultimatum de quelques mois.

Plus d'espoir.

C'était la fin.

Une piqûre.

Les mains de Beth.

La douleur qui retira ses griffes de mon corps et de mon esprit.

Morphine.

— Tu... tu ne peux pas craquer maintenant, disait Beth. Tu dois... tu dois tenir encore, Raph. Tu le dois.

Et elle avait raison.

Pour Yona. Pour Ashika.

Pour Warren Archeon.

Je le devais. Qu'importe si cela me coûtait le temps que j'aurais dû passer à faire mes adieux.

Je laissais Beth me bercer.

Encore un peu.

Il me restait juste encore un peu de temps.

Serait-ce suffisant ?



*

*                 *

*

Raphael sent que c'est la fin pour lui ; mais il tient pour Yona, ou serait-ce de nouveau Ashika dorénavant ? On enchaîne, enchaîne et la fin se rapproche !  

OUR ANCHOR T1 Broken [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant