13 | Maze

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— Tu me loupes, je te jure que je te castre, lâchai-je, un peu tendu.

Abel ricana, ciseau en main, pas peureux pour un sou. Je n'avais pas peur qu'il se foire par manque de pratique ou d'expérience, mais plutôt pour me faire chier. Il en était clairement capable ; les lycans ici étaient de sacrés fripons et devoir leur tourner le dos avait parfois le donc de me hérisser. Abel restait celui en qui j'avais le plus confiance, même si à ce stade, c'était une simple affaire de jugement.

— Tu rendrais bien des femmes malheureuses, Maze. Et ce serait entièrement ta faute.

Je fis la moue, les bras croisés sur ma poitrine. Abel collectionnait les femmes comme un enfant l'aurait fait de cailloux. Pour vous dire. Mon psy aurait pris un malin plaisir à mettre le doigt sur ses problèmes. Un truc lié à l'enfance ; c'était toujours ça après tout pour eux.

Un manque d'amour ou un trop-plein. Des conneries. J'étais bien contente d'être ici pour faire une pause. Pour ne plus avoir à parler de ma famille et de tout ce que j'avais loupé dans ma vie. Y compris sauver Sean. J'avais tout fait pour que mes frères et sœurs ne manquent jamais de rien. Et puis j'avais pris mon envol. Parce que le carcan familial n'avait jamais été mon truc. Qu'est-ce que répétait souvent mon père ? Que j'étais un électron libre et qu'il aurait été fou de vouloir m'imposer des choses. Des paroles bien sensées dans la bouche d'un fou.

— Apprend à garder ta queue rangée, Ab. Tu verras, ça te changera la vie.

Je n'avais rien contre lui. Il ne traitait pas mal les femmes avec qui il allait ; il leur faisait juste comprendre que hormis une très bonne nuit de sexe, il n'y aurait rien d'autre. Au moins, ça avait le mérite d'être clair.

Limpide même. J'aimais les gens qui étaient capables de clamer haut et fort quel genre de con ils pouvaient être. Abel ne dérogeait pas à cette règle. Mais au moins, c'était un sale connard sympathique, donc que dire contre ça ?

— Elle reste cachée jusqu'au moment fatidique, tu sais. Et après, toutes les femmes perdent la tête. Tu veux voir ?

Je tentai de lui foutre un coup de coude dans le ventre, mais il s'écarta en gloussant comme un adolescent. La minute suivante, il donna un coup de ciseaux et mes cheveux tombèrent au sol. Je passais une main sur ma nuque :

— Tondeuse, dis-je.

Abel hocha la tête et s'en occupa. Nous nous trouvions dans un des baraquements réservés pour la Brigade. Ce n'était pas très éloigné de ce que nous avions tous connu à l'école de police ; des rangées de lits, alignés les uns à côté des autres. Plus impersonnel, vous ne pouviez pas faire. Mais j'aimais ça. Pour moi, c'était sécurisant, bien plus que mon appartement. Parce que c'était dans un endroit comme celui-ci que je m'étais sentie en sécurité pour la première fois de ma vie. Et ça, ça ne s'oubliait jamais.

J'avais vécu mon lot d'horreur dans mon métier et dans ma vie et on avait tous besoin d'un endroit un peu spécial.

— Tu as prévu quoi pour Hachi ?

Mon sourire se fit presque carnassier. J'avais hâte d'être demain soir ; surtout pour voir la tête de Warren.

— Un chiot. Tout mignon, avec plein de poils. Un truc attachant et bien chiant.

— Un chiot, répéta Abel.

Il y eut un silence. Qui s'étira un peu. Et puis l'éclat de rire d'Ab. Il se tapa la cuisse du plat de la main, des larmes aux coins des yeux.

— Putain, mais alors ça ! Que toi pour y penser ! Warren va tellement rager que je vais prendre mon pied.

J'étais un démon. Je faisais à moitié ça pour Hachi et à moitié pour voir la tête de Warren. Ouais, un véritable monstre. Un petit plaisir personnel de temps en temps, ça ne pouvait pas faire de mal.

OUR ANCHOR T1 Broken [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant