83 || Lilibeth

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Dans mes mains, il y avait cette vieille écharpe qu'il m'avait offerte. J'avais eu l'idée de la mettre dans le cercueil, puis j'avais abandonné, mais maintenant je ne savais plus quoi en faire. Devais-je la laisser là dans la terre ? Raphael n'était plus dans ce corps. Il ne verrait pas cette écharpe.

Était-ce une bonne idée ? Je serrai ce bout de tissu contre moi avant de le laisser tomber au fond de la fosse qui avait été creusée fraîchement pour ce nouveau cercueil. J'avais découvert ce que cela faisait de choisir une boîte dans laquelle vous placiez le corps de l'être aimé. Quelle couleur ? Quel bois ? Mais même ça, Raphael nous avait évité l'étape. Il avait lui-même choisi. Alors, j'avais juste observé Dom donner tous les papiers à la dame.

Le soleil chauffait mon dos. J'avais enfilé cette robe blanche, mais à présent, elle me faisait mal aux yeux. La lumière s'y reflétait bien trop. Tout le monde était en blanc aujourd'hui, hormis quelques humains qui tenaient encore le coup de porter du noir. J'en avais vu quelques-uns, parce que même Malcolm avait porté du noir. Pourquoi n'avait-il pas fait l'effort de mettre du blanc ? Je n'en savais rien. Peut-être qu'il avait désiré rester l'ami de Raphael jusqu'au bout.

Je fermai mes paupières, n'écoutant pas les dernières paroles que les gens murmuraient autour de moi. Ils m'avaient tous serré la main, m'avaient tous présenté leurs condoléances, mais je n'avais rien écouté.

Les seules paroles qui résonnaient dans ma tête étaient celles de Raphael. Les dernières qu'il avait pu me murmurer. Nous étions tous passés les uns après les autres vers la fin, ou tout simplement Raphael avait accordé un simple moment à chacun d'entre nous.

Je ne pus retenir un autre sanglot et soudain, mes genoux lâchèrent. Des bras m'entourèrent et je cachai mon visage dans le cou de Dom. Lui aussi pleurait, mais il avait la décence de le faire silencieusement pour ne pas que je l'entende.

À quoi bon ?

J'entendais tous les pleurs.

J'entendais toutes les plaintes.

Et ça me rongeait.

Son masque à oxygène lui permettait de continuer à respirer, mais je n'étais pas sûre que ça l'aide vraiment. Il avait au moins de l'oxygène dans les poumons. À défaut de pouvoir vraiment s'en servir correctement.

Il dormait pour l'instant. Tout le monde était parti manger, car il fallait se nourrir. Mais je n'arrivai pas à garder un seul repas depuis que nous étions dans cet hôpital.

Deux jours.

Deux jours et demi maintenant qu'il était midi.

Je caressai les jointures de Raphael, sa main agrippée à la mienne. Comme j'avais mal au cœur. Littéralement. Je n'avais jamais compris mes patients qui me disaient, « j'ai une douleur là Docteur ». Et elle ne partait pas. Je le savais. J'en avais été témoin.

_ Beth, murmura la voix de Raphael.

Je clignai des yeux et tentai d'effacer mes larmes, mais mon mari retint ma main. Il tenta de repousser son masque, mais je le forçai à le garder. Il ouvrit ses paupières et secoua la tête. Enfin, je cédai et le laissai retirer son masque.

Son visage était creusé et ses pupilles à peine réceptives. Nous voyait-il encore ? Bon sang, je l'espérais.

_ Tu... Ne... reste... pas mal... malheureuse toute ta vie, haleta Raphael.

Je sentis le sanglot remonter dans ma gorge comme s'il était vivant. J'éclatai en larmes, mon front contre le torse de Raphael. Il se recroquevilla comme il put contre moi, son visage non loin du mien. Je pouvais sentir son souffle rauque contre ma peau.

OUR ANCHOR T1 Broken [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant