60 || Achilles

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— Je vais y aller.

Je relevai la tête vers Mak pour voir sa gueule de macchabée. Il faisait peur à voir. Un peu comme pas mal de monde ici. Et puis l'ambiance n'aidait pas. Surtout quand on devait se coltiner des fauteurs de merde au sein même de la brigade.

J'étais méchant. Auberyn n'était pas si terrible. Il se prenait pas la tête et ainsi, ne nous la prenait pas. Ça m'arrangeait pour tout dire.

— Arrête de lui prendre des fleurs à chaque fois que tu y vas, grognai-je. On se croirait dans une putain de serre et elle déteste ça en plus.

Je grognai trop. C'était pas bon pour mon cœur toutes ces putains de conneries. Si on m'avait dit que finir ici serait aussi éprouvant, j'aurais peut-être réfléchi à deux fois avant de dire oui.

— Qu'est-ce que tu sais de ses goûts en matière de fleurs toi ? lâcha-t-il en arquant un sourcil.

On me prenait pour un branleur. Un branleur doué, certes, mais sans plus. Je m'en foutais bien après tout. J'avais toujours eu l'habitude ; surtout que je ne faisais pas vraiment d'efforts. Mais c'était le job qui voulait ça.

— Eh ; je connais Maze aussi, tu sais.

Peut-être bien malgré elle. Mais c'était le cas. Elle détestait les fleurs. Elle détestait toutes ces conneries, alors pourquoi continuer ? Mak s'en faisait trop. Surtout quand ça la concernait elle.

Sa colère était d'autant plus forte que sa douleur.

En ce moment, il haïssait tous les lycans du Fief ; tête de liste ? Les deux hommes qui se trouvaient enfermés dans nos locaux. L'un l'ouvrait un peu trop et l'autre... ma foi, qu'avait-il à dire ?

Mon téléphone vibra sur mon bureau et j'y jetai un coup d'œil. Un sourire étira mes lèvres. Mak ne releva pas. Je ne lui aurais rien dit de toute manière. Comme je le faisais depuis le début.

J'étais un trou du cul. C'était Maze qui disait ça, pas moi. Et elle avait bien raison !

— Je fermerai, dis-je. Fais-lui un bisou pour moi, d'accord ?

Il hocha la tête et fila à l'hôpital. Le silence revint et je croisai mes jambes sur mon bureau. J'étais dans la Brigade depuis une paire d'années maintenant. Ça ne changeait pas énormément de ce que je faisais avant et j'avais conscience aussi que c'était un moyen de me surveiller.

Je n'étais pas des plus... obéissants. Ni même des plus pragmatiques. J'avais toujours posé problème. Mais aujourd'hui, j'étais la solution.

Dingue, hein ?

Je jetai un coup d'œil à ma montre. J'avais presque envie de faire durer le plaisir, mais bon, un ordre était un ordre. Et ça venait de Lui en personne, alors autant bouger mon cul.

J'éteignis ma lumière et refermai la porte derrière moi avant de me diriger dans le bureau de Maze. D'habitude, elle partait bien après la nuit tombée. Là, elle était coincée dans un lit d'hôpital, dans un putain d'état critique et...

J'entrai son mot de passe et fit mes quelques petites magouilles, tranquille, loin de tous regards, loin de toute suspicion.

Si j'amenais beaucoup de problèmes, j'apportais souvent des solutions. J'étais double emploi. Sans vouloir me jeter des fleurs.

Content, j'effaçai mes traces et me dirigeai vers les cellules d'un pas tranquille. J'avais pas le diable aux trousses non plus.

Abel et Warren n'avaient pas été mis dans la même cellule. Histoire d'éviter qu'ils échangent entre eux, mais bon, je n'avais pas trop compris l'utilité.

Mak faisait son gros con. Il avait des raisons. En fait dans le coin, on avait tous des raisons de vouloir la tête du Krig.

Ex-Krig ? Je ne savais plus, à ce stade.

— Un peu de compagnie, les gars ? dis-je en souriant.

— Va jouer ailleurs, Achilles, gronda Abel.

Il ne m'aimait pas vraiment. Et c'était un euphémisme. Je savais reconnaitre l'animosité des gens à mon égard. Parce que j'adorais l'alimenter.

On s'amusait avec les moyens du bord.

— Pas très sympa, ça, Bebel.

Ses yeux étincelèrent. S'il n'y avait pas eu de barreaux entre nous, j'aurais pris un coup. Dommage. Vraiment dommage.

— Ferme ta putain de gueule.

— C'est si gentiment demandé que je vais y penser, répliquai-je avec un clin d'œil.

Je me décalai pour me retrouver devant la cellule de Warren. Il était assis dans un coin et ce que je percevais de lui n'était pas très... encourageant. C'était ça le mot ?

— Va pas le faire chier, grommela Abel.

— T'es sa meuf pour parler à sa place ?

Il m'agaçait. J'avais un certain respect pour Abel ; il luttait à contrecourant depuis des mois. Pauvre petite chose.

Je regardai Warren.

Je n'avais pas d'enfants. Ne savais pas ce que ça faisait de perdre sa chair. Mais si ça donnait ça, eh bien je n'étais pas près de vouloir des mioches.

La perte d'Ashika Archeon avait fait trop de ravages. Même chez mon Sire. Et je n'aimais pas.

Une personne n'aurait pas dû avoir autant d'emprise.

— T'es qu'un putain de Solitaire, cracha Abel, mauvais. T'as rien à foutre i...

Tout se déroula très vite. Pas assez pour me faire mal à la tête ; mais suffisant pour faire fermer sa gueule à Bebel.

Son corps roula au sol, dans un bruit sourd et je fis rouler mon épaule.

— Tu l'avais pas vu venir celle-là, hein ? grommelai-je.

Ça allait le sonner pour quelques heures. Rien de méchant. Mais bordel, qu'est-ce que ça faisait du bien !

Je repoussai la porte pour retourner devant Warren.

Ses yeux étincelaient. Il n'avait pas bougé.

— On m'a demandé de te faire sortir de là, dis-je.

Aucune réaction de sa part. Je n'en attendais pas de toute façon.

— En toute discrétion bien sûr, mais ça, ça risque d'être compliqué vu... où on est.

Je ricanai tout seul.

Il me restait quelques minutes encore. J'ouvris la porte de la cellule et cette fois, Warren sembla prendre conscience de la situation. Il bougea très lentement.

C'était un Krig ; s'il se mettait en tête que j'étais un danger ; j'allais avoir très mal. Je pouvais même mourir.

Frissonnant, hein ?

— Mon Sire n'a pas besoin de toi ici, dis-je.

Et il comprit.

De qui je parlais. Et plus que probablement qui j'étais vraiment. Ce que j'étais.

J'avais grillé ma carte. Tant pis. Il n'allait pas être en mesure de me balancer de toute manière.

— Il va juste falloir que tu me frappes. Assez fort pour que... ce soit crédible, tu saisis ?

J'avais jamais pris une torgnole pour un Krig. Ça promettait.

Son sourire se fit mauvais.

Lycan ou humain ?

Le coup partit et m'envoya au sol.

Les sirènes se déclenchèrent alors, stridentes.

Notre prisonnier se faisait la belle.

Oups.

Je réussis à sourire.

Maze allait comprendre. Et elle allait me castrer.

Hum.

Je sombrai. 

OUR ANCHOR T1 Broken [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant