Partie 31

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Lundi matin, je vais au lycée simplement pour annoncer à mon professeur principal que je ne pourrais pas assister à son DS ni sans doute au prochain. Je lui explique ce qu'il s'est passé sans rentrer dans les détails, je me veux très clair, brève. Je ne veux pas m'étaler sur le sujet ni lui pleurer dans les bras. Il me demande si ça va. Je reste muette, qu'est-ce que je peux lui dire ? Mon visage et mes yeux totalement défoncés parlent pour moi.

Je m'en vais et croise Souleymane devant le lycée.

Souleymane : Jade...

Moi : je peux te parler ?

Souleymane : bien sûr

Moi : je voulais juste m'excuser par rapport à cet été, je sais que ça m'a prit du temps mais vraiment désolé ça se faisait pas je le sais mais j'ai pas pu faire autrement

Souleymane : t'inquiètes c'est rien du tout je comprends maintenant

Moi : t'es sur ?

Souleymane : c'était par rapport à Yanis ?

Je le regarde droit dans les yeux, je ne réponds pas tout de suite. Je sais qu'il a compris. Mais je ne veux pas créer de froid entre les cousins.

Moi : non c'est pas Yanis

Souleymane : ok tu vas pas en cours ?

Moi : il y a la prière funéraire cet aprèm

Souleymane : Allah y Rahmo. Vas-y à la prochaine Jade si y'a quoi que ce soit hésite pas avec Naim on est là

Moi : mdrr c'est gentil merci t'inquiètes

Je m'en vais, une dure journée m'attendait encore. Je suis allée dans la famille de mon père, Jenna a raté les cours pour m'accompagner et venir à la mosquée avec nous, ça m'a énormément touché. Elle était devenue plus qu'une amie, elle était membre de ma famille, de mon tout petit cercle.

Beaucoup de larmes, beaucoup de chagrin, un vide qui s'est creusé dans mon cœur. Même si je voulais être forte, je craquais très souvent. Je me plais à me donner l'apparence d'une fille inatteignable mais la vérité est que j'ai vécu beaucoup trop de peine. En l'espace d'un mois, j'avais perdu ce qui était à mes yeux les 2 hommes de ma vie. Yanis et Papa. Je devais me reconstruire mais je n'avais plus de force.

Mon père est la personne qui m'a fait le plus pleurer au monde. J'ai pleuré quand il a détruit notre famille, j'ai pleuré quand il est tombé malade et j'ai pleuré quand il est décédé. Je l'ai perdu à 17 ans. Il ne sera plus jamais là. Sa mort a eu l'effet d'un tsunami sur ma vie. Sa mort m'a détruite. Sa mort m'a changé.

J'ai aussi appris une chose, c'est que la mort révèle les vrais visages. A 17 ans, je ne savais pas que j'allais faire la connaissance de ma VRAIE famille paternelle, cette famille qui m'a également détruite au fil des années, qui m'a rabaissé, qui m'a manqué de respect. A 17 ans je m'apprêtais à découvrir le monde horrible dans lequel nous vivons. A 17 ans, j'allais enfin devenir petit à petit celle que je suis désormais. Mais tout cela prend du temps.

Mon père a été enterré en Algérie. Je n'étais pas à l'enterrement.

(...)

J'ai fini par retourner en cours, Maya était très prudente avec moi, elle Siham et Yvick seuls étaient au courant. Tout le monde marchait sur des œufs avec moi, et je me devais d'agir comme ci ça allait. Non ça n'allait pas, mais je ne pouvais pas les faire culpabiliser de rire, de raconter des blagues ou d'être heureux tout simplement.

Un midi j'ai croisé Naim et nous avons fait la route ensemble, c'était la première fois qu'on se voyait depuis mon retour au lycée. J'ai tout de suite agit comme ci j'étais normale. J'ai bien vu qu'il n'osait pas trop parler, il était gêné, il ne savait pas comment agir alors je l'ai « débloqué ». J'étais en constante représentation, je jouais un rôle.

Chronique au cœur de mes histoires impossiblesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant