Jane avait éclaté en sanglots sous le chambranle de la cuisine et sa mère avait accouru vers elle comme si elle eut cru que sa fille allait tomber tant la douleur nichée dans sa poitrine la tuait. C'était un peu le cas et Myriam fut là pour sa fille. L'américaine avait essayé un bon nombre de fois de joindre sa fille depuis qu'elle avait appris le décès de Léo, un jeune homme qu'elle avait vu grandir dans l'appartement voisin de celui qu'elle occupait avec son ex-mari, mais Jane n'avait pas répondu – elle n'avait pris l'appel de quiconque. Mais aujourd'hui sa fille était là, à la maison, le cœur brisé, et avait terriblement besoin de sa mère.
Jane avait retrouvé sa chambre d'adolescente, du moins celle qu'elle avait façonnée à la toute fin de la période où elle en était encore une. Elle y avait raccroché les vieux posters qu'elle avait punaisé sur les murs de ses anciennes chambres. Ainsi, le jeune DiCaprio côtoyait Buffy, Melanie C et bien d'autres. La brune était allongée sous une chaude couverture, endormie, serrant contre elle un oreiller. Il n'était même pas neuf heures du matin à Boston lorsqu'on sonna à la porte. Quelques minutes plus tard, on frappa à celle de la chambre de Jane. Cette dernière ouvrit les yeux mais les referma aussitôt. Si elle ne disait rien, sa mère la laisserait dormir encore. Mais ce ne fut pas Myriam qui entra dans la pièce. Jane sentit un poids s'asseoir sur le bout du lit, elle décida de soulever de nouveau les paupières. En le voyant, elle écarquilla les yeux.
– Ken ? Comment tu- ?
– Une capuche ne cache pas l'un des visages les plus célèbres du monde, fit-il. Des fans, enfin pas sûr que ça en soient, t'ont pris en photos et les ont mis sur Twitter. On te voit même tapé une sieste dans le train.
– Tu n'aurais pas dû venir ici, c'était inutile.
Ken sortit un papier plié en quatre de sa poche et lui tendit. Elle le prit et le déplia avant de lire son contenu : " Garde un œil sur elle ".
– C'est son écriture, fit-elle en touchant les mots comme pour le sentir.
Ken opina du chef.
– C'est donc pour ça... Si t'es gentil avec moi, c'est uniquement parce qu'il te l'a demandé, changea-t-elle d'humeur.
Ses yeux s'étaient assombris. Elle n'aimait pas vraiment que Ken la chaperonne sans arrêt mais savoir que cela ne venait même pas de lui l'énerva.
– Jane, tu crois vraiment que je me serais tapé huit heures d'avion et quatre de train si je ne m'inquiétait pas sincèrement pour toi ?
Ces mots adoucirent les nerfs de Jane. Elle se redressa pour s'asseoir et posa son dos contre la tête de lit.
– Quoi qu'il en soit, c'était inutile de venir. Après tout, c'est toi qui disait que je devais aller chez ma mère à Noël, tu disais que ça allait me faire du bien.
– Tu aurais dû me prévenir. T'imagines pas à quel point j'étais inquiet. J'ai eu peur que tu-
Ken se coupa en voyant la cicatrice encore rouge vif sur le poignet de Jane.
– J'ai fait plusieurs fois le tour de l'arrondissement. J'étais prêt à signaler ta disparition au commissariat du coin quand j'ai vu que le hashtag à ton nom était premier des tendances.
– Des tendances ?
– Sur Twitter.
– Oh, j'y connais rien du tout à ce machin.
– Jane, t'as plusieurs millions d'abonnés là dessus et tu veux me faire croire que tu sais pas l'utiliser ? sourit-il pour détendre l'atmosphère.
– C'était Léo qui s'en occupait, de Twitter et de tous les autres réseaux. Je ne connais même pas mes mots de passe pour tout te dire, c'est lui qui les avait créés et pas sûr qu'il les ait écrit quelque part.
Elle avait parlé de Léo mais elle afficha un petit rictus sur le bas de son visage malgré tout. Ken était heureux de voir qu'elle était encore capable de sourire, aussi petit soit-il, après tout ce qui s'était passé. Jane repoussa sa couverture et vint s'asseoir près de lui. Elle posa sa tête sur son épaule et murmura :
– Merci.
Il ignorait pourquoi elle le remerciait précisément mais il l'entoura d'un bras, content que cette fois-ci elle ne se braque pas. Ils descendirent ensuite pour prendre un petit déjeuner. Le voyage avait fatigué Ken mais il avait davantage faim.
– Hello mom, fit Jane en apercevant sa mère qui lui adressa un sourire.
– Allez vous asseoir dans la salle les enfants, j'apporte tout ce qu'il faut.
Jane se stoppa net dans les escaliers, ce qui faillit bien les faire tout deux tomber étant donné qu'elle marchait juste devant Ken. Elle fixa sa mère du regard, les sourcils froncés, la bouche béante et interdite.
– Y'a un problème ? s'enquit Ken qui ne comprenait pas pourquoi elle s'était soudain arrêtée.
– Tu as entendu ce qu'elle a dit ?
– Ouais elle nous a traité de gamins.
– Non pas ça. Elle a parlé en français, dit Jane avant de se tourner vers le brun. Ça fait plus de dix ans que je n'ai pas entendu ma mère prononçait un seul mot de français.
Jane secoua la tête et finit par descendre les quelques dernières marches qu'il restait avant de prendre place sur une chaise autour de la table. Ken voulut poser une question mais Myriam réapparut avec entre les mains un énorme plat de pancakes surmonté d'une bougie. Elle posa l'assiette devant sa fille avant de chuchoter "joyeux anniversaire Jane" avant d'embrasser le haut du crâne de celle-ci. La brune souffla immédiatement pour éteindre la flamme.
– Je vais chercher le sirop d'érable.
Myriam s'éclipsa alors à nouveau.
– Oh, Jane, je savais pas que c'était... Avec tout ce qui s'est passé... Ça ne m'a pas traversé l'esprit que-
– Ken, ce n'est rien, vraiment. J'ai pas la tête à fêter ma vingt-huitième bougie de toute façon, dit-elle en la retirant de la montagne de pancakes. Comment t'as eu l'adresse au fait ? changea-t-elle de sujet.
– J'ai appelé ta mère. J'ai un peu fouiné chez toi et j'ai fini par tomber sur ton carnet d'adresses.
Jane hocha la tête tout en mâchant le bout de pancakes qu'elle avait enfourné dans sa bouche.
Si elle avait soufflé si vite sur la mèche, c'était parce qu'elle ne voulait qu'une chose depuis la mort de Léo mais même le dieu des anniversaires ne pouvait exaucer pareil vœu.

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Fissure
FanfictionUn monde s'écroule si vite sans son pilier. Ce qui soutenait celui de Jane Quiffird, c'était son Léo. Sans lui elle ne serait rien, répétait-elle souvent lors de ses discours de remerciements, et aujourd'hui, elle n'est plus rien. L'histoire contien...