Chapitre 1

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19 novembre 2019

Léo Devillier est mort.


Le soleil n'était pas encore levé que l'on entendait ou lisait partout, sur les ondes, les chaînes d'informations ou sur la toile, qu'on s'émouvait de la disparition subite du " DJ de Jane Quiffird " dans un tragique accident survenu dans la soirée d'hier. Ainsi le désignait-on à son décès : comme un simple homme caché derrière des platines avec un casque sur les oreilles. Sur les réseaux sociaux, tous pleurèrent en emoji tête qui pleure. C'était l'information du jour dans le monde, le lendemain ce serait déjà oublié.

Son pilier le plus précieux venait de se fissurer et d'engendrer la chute de son monde. Léo était un tout pour la belle Jane. Sans lui qui était-elle ? Plus rien, se répétait-elle, dans son lit dont elle ne sortait plus. Cela faisait déjà trois semaines qu'elle se cachait des curieux regards. Elle n'était sortie qu'une fois, vêtue de noir, pour l'enterrement. Ce fut un jour horrible. Elle avait essayé de contenir son chagrin durant toute la cérémonie mais à la sortie de l'église, face à la mère de son meilleur ami, qu'elle considérait comme sa seconde mère, elle ne put plus garder cela enfoui. Les deux femmes qui aimaient le plus Léo pleuraient dans les bras l'une de l'autre. L'enterrement s'était fait dans la discrétion, dans sa petite ville natale en bordure de celle de l'amour. Depuis ce triste jour, Jane s'était recluse dans son appartement parisiens, seule, sous sa couette, se voyant ne plus jamais en sortir. Elle ne mangeait presque plus. Son visage était devenue terne à cause des coulées de larmes et ses yeux bruns baillaient de fatigue. Elle ne dormait plus. Jane restait là, dans son lit, à l'abri de la réalité, à fixer un point imaginaire sur le mur, toujours le même depuis trois semaines. Le vide l'avait envahie de toute sa grandeur et il ne restait plus qu'une épave qui attendait que le temps passât. Seulement les grains dans le sablier se coinçaient et une seconde équivalait à une éternité dans le monde chaotique de Jane.

Ce jour là avait lieu le rendez-vous chez le notaire mais n'ayant plus toucher à son téléphone, Jane n'était pas au courant. Qu'importe, aucun objet ne suffirait à compenser la perte de son Léo. En revanche, Ken avait reçu l'appel et répondit présent au cabinet à l'heure dite. Il n'y avait que lui et les parents du défunt. Le notaire leur expliqua qu'ils figuraient sur le testament du châtain avant de lire à voix haute le document. A la fin de la lecture, l'homme donna deux clefs et une lettre à Ken. Tous repartirent avec une copie du testament. Ce n'est qu'une fois seul, chez lui, que le brun ouvrit l'enveloppe à l'aide d'un couteau avant de s'asseoir sur un fauteuil de son salon et de lire le mot. Il n'y avait pas grand chose d'écrit sur ce petit bout de papier. Il n'y avait qu'une adresse et les mots suivants : " Garde un œil sur elle. " Il eut du mal à comprendre dans un premier temps puis ce fut plus clair. Le jeu de clefs qu'il lui avait légué était celui de cette adresse. Curieux de savoir quel était cet endroit, il décida de s'y rendre. Ce n'était pas bien loin, à une demi heure de marche à tout cassé et Ken aimait marcher alors il se lança dans les rues de Paris, les écouteurs dans les oreilles. Arrivé devant la bâtisse d'un quartier réputé pour sa tranquillité grâce à ses vieux habitants, il essaya d'insérer l'une des clefs pour ouvrir le portail mais ce fut un échec. Il tenta alors la seconde et la clef s'inséra et tourna parfaitement dans l'embrasure. Ken poussa le portail et le referma derrière lui. Il traversa la petite cour avant d'entrée dans l'immeuble. Il prit l'ascenseur et pressa le chiffre 7 pour monter au dernier étage comme l'indiquait le mot. Le brun atterrit alors dans un couloir et se dirigea vers le 7c. Il prit la clef qui n'avait pas fonctionné en bas et ouvrit la porte de l'appartement. Ce n'était pas celui de Léo, il le savait puisqu'il savait où le beatmaker habitait. Ken s'avança à l'intérieur. C'était très grand comparé à son chez lui qu'il trouvait déjà très spacieux. La cuisine était ouverte sur le salon, séparé par un comptoir où jonchaient des miettes de pain à côté d'un bol de café froid encore rempli.

- Y-a quelqu'un ? se mit-il à demander.

Rien, pas de réponse. Il poursuivit sa visite. La décoration était impersonnelle. Les murs étaient nus et peu nombreux étaient les meubles. La partie salon ne se définissait que par de petits canapés et fauteuils qui entouraient une table basse. Il n'y avait pas de télé. L'œil de Ken fut attiré par le seul mur qui n'était pas resté neutre. Une étagère à CD's prennait tout le mur. La collection était énorme. Il y avait aussi quelques vinyles entreposés sur l'étagère du bas. Ken finit par presser la poignet d'une pièce adjacente au salon. C'est alors qu'il découvrit une femme allongée dos à lui, fixant le mur. Il mit peu de temps avant de deviner son identité

- Jane ?

Elle se tourna doucement, n'ayant pas assez de force pour sursauter. Elle fronça les sourcils en reconnaissant le jeune homme.

- Qu'est-ce...

Elle ne finit pas sa phrase, bien trop perdue. Ken s'approcha du lit et s'assit près d'elle avant de commencer à lui expliquer ce que Léo lui avait laissé.

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