Chapitre 26

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L'état du Massachusetts resplendissait sous ce soleil printanier. Jane, assise sur un banc, s'adonnait à quelques rêveries. Il fallait dire que le décor y était propice. Une immense plaine, couverte d'herbes hautes, ayant pour seule limite une charmante forêt. À l'opposé de celle-ci se trouvait une magnifique bâtisse aux allures de château médiéval. Jane avait retiré ses douloureux escarpins pour sentir l'herbe verte caresser la plante de ses pieds. Jane se sentait si bien ici et pour rien au monde, ne voulait quitter cet endroit.

– Je peux ?

La brune sursauta. Elle se pensait seule et tranquille. Elle tourna vivement la tête, bien qu'elle avait déjà reconnu son interlocuteur à sa voix. Le propriétaire de celle-ci s'était fait beau pour l'occasion. Il l'était vraiment. La chemise lui allait comme un gant et le mettait en valeur.

– Qu'est-ce...

Jane fronça les sourcils, tant la surprise de voir Ken ici était immense.

– Ta mère m'a invité.

Il prit place sur le banc même s'il n'avait pas obtenu son consentement.

– Pourquoi elle a fait ça ?

Jane avait laissé échapper sa pensée tout haut.

– J'en sais rien, je crois qu'elle m'adore.

– Fais vite, ce n'est bientôt plus une femme libre.

Ken sourit franchement.

– Mon cœur se brise, dit-il sur un ton dramatique et théâtral.

Cela ne manqua pas de déclencher le rire de Jane. Ken semblait ravi de voir que leur complicité ne s'en était pas allé.

Jane s'était envolée sans un mot, il y avait bientôt un mois. Depuis, pas de nouvelles. Le cadeau avait été clair. Il voulait dire adieu. Ken l'avait pourtant compris mais il ne pouvait s'y résoudre.

– Au moins, tu vas pouvoir améliorer ton anglais.

– Mais il est très bien mon anglais.

– Pas du tout, on comprend rien à ce que tu jactes.

– C'est mon petit accent français. On dit que c'est sexy.

– Ça dépend sur qui, le regarda-t-elle du coin de l'œil, un sourire moqueur sur les lèvres.

Elle reçut un léger coup de coude de la part de Ken et elle ria de plus belle. Cette douce mélodie parvenait aux oreilles du brun et rien qu'à l'entendre, il ne pouvait s'empêcher d'étirer ses lèvres en un rictus. Il n'y avait pas que son rire qui lui plaisait. Elle était magnifique. Plus encore que dans son souvenir. Sa tenue était composée d'un haut blanc en satin et d'une longue jupe beige. Elle avait réuni sa chevelure brune en un petit chignon. Ken aurait pu rester là à la contempler pendant plus d'un millénaire mais Jane attrapa ses escarpins de sa main droite et se remit sur pieds.

– On ferait mieux de rejoindre les autres. La cérémonie ne devrait plus tarder à commencer.

Ken se leva et la suivit à travers les hautes herbes. Ils rejoignirent le lieu de la cérémonie. Myriam avait toujours rêvé d'un mariage au plein air sous le soleil. Son premier mari n'avait pas pu lui offrir cela à l'époque. Ils étaient jeunes et n'étaient pas riches. L'union s'était faite dans la précipitation, étant donné qu'elle attendait déjà Bobby. Le seul regret que Myriam avait en ce si beau jour était que ses parents ne puissent pas assister à ce mariage non plus.

Ken s'installa sur une chaise, un peu dans le fond, préférant laisser les places de devant à la famille proche. Le marié attendait près du pasteur. Une douce mélodie se fit entendre et la cérémonie commença. Jane, en tant que demoiselle d'honneur, s'avança dans l'allée, un petit bouquet en main, jusqu'à prendre place un peu sur la gauche des deux hommes. Ce fut alors le tour à la mariée de faire son entrée.


Plus tard, alors que la nuit montrait le bout de son nez et que les festivités ne faisaient que débuter, Ken ne pouvait détacher ses yeux de Jane depuis sa table. Il la vit se lever. Le groupe qui jouait depuis tout à l'heure fut interrompu et la brune vint prendre le micro du chanteur pour entamer son discours de demoiselle d'honneur.

- Good evening, everyone. I'm not really good at speeches as you know...

L'assemblée ria. Tout le monde savait que Jane n'était pas douée dans ce domaine. Il n'y avait qu'à entendre ses discours de remerciement lorsqu'elle recevait un prix. Elle faisait toujours très court, ne remerciant que deux personnes : son public et Léo.

- ...So that's why I'm not going to make one.

Jane fit un signe de tête complice aux musiciens avant de se tourner vers le couple et plus particulièrement vers sa mère. Ses cordes vocales vinrent faire vibrer les premières notes d'une de ses compositions. Jane l'avait spécialement écrite pour cette occasion. C'était une déclaration d'amour d'une fille à sa mère. Celle-ci se mit déjà à pleurer avant même la fin du premier couplet. C'était une jolie balade dans la langue maternelle de Jane. La brune souhaitait que cette chanson ne soit comprise que par peu de gens, étant très personnelle. Lorsqu'elle l'avait écrite, il y a plusieurs mois, elle pensait que seuls sa mère, son frère et Léo ne saisiront ses mots et finalement, Ken avait été rajouté à cette liste de privilégiés. Le rappeur était impressionné de l'entendre. C'était encore plus beau que tous ce qu'il avait pu lire à la dérobée dans son carnet bleu. Lorsque Jane baissa le micro, des applaudissements se firent entendre tandis que Myriam, les larmes aux yeux, vint la prendre dans ses bras. C'était le plus beau des cadeaux qu'elle pouvait lui offrir. Alors que Jane reprit place à la table d'honneur, elle regarda dans la direction de Ken. Ils s'échangèrent un sourire.

Le groupe qui animait le mariage faisait danser les invités. Ken n'avait toujours pas décollé ses fesses de sa chaise depuis le début de la soirée. Il avait fait l'erreur de regarder l'animation sur la piste de danse rien qu'une minute et lorsqu'il voulut retrouver Jane dans son champ de vision, il trouva sa chaise vacante. Il scruta la salle de réception mais impossible de la retrouver. Il sentit alors une main se poser sur son épaule puis une douce voix vint chuchoter à son oreille.

- Si tu crois que tu vas repartir d'ici sans avoir dansé, tu te trompes.

Ken refusait toujours d'ordinaire de s'aventurer sur une piste de danse mais si c'était Jane qui le demandait, cela changeait la donne. De toute façon, elle n'attendit pas de réponse - ce n'était pas une question - et attrapa sa main pour l'entraîner sur la musique rythmée. A peine avaient-ils rejoint les autres au centre que la musique changea de tempo et se fit plus douce. Ken sourit et la rapprocha de lui. Elle posa tout naturellement ses mains sur ses épaules tandis qu'ils commençaient à tournoyer.

- C'était magnifique, ce que tu as chanté.

Jane esquissa un rictus. Elle se sentait bien dans ses bras. Elle aimait être dans cela mais elle ne pouvait s'empêcher de tuer son bonheur.

- Pourquoi Marjorie n'est pas venue ?

La brune demanda cela, les yeux baissés. Elle ne voulait pas qu'il voit dans le brun de ses prunelles la jalousie qu'elle ressentait. Ken mit un temps avant de répondre.

- Elle et moi, c'est fini.

Il avait répondu à la vraie question qui se cachait derrière cette interrogation. Jane releva le chef et ses iris rencontrèrent les siennes.

- Mais elle était parfaite...

- Non, elle n'était pas toi.

Jane fit cesser leur danse et prit sa main dans la sienne pour l'entraîner hors de la salle de réception, puis de la bâtisse. L'air frais de la nuit vint caresser les bras nus de la brune. Les marches descendues, elle lâcha les doigts de Ken.

- Quel genre d'idiot es-tu au juste ?

Pour toute réponse, le brun passa une main derrière la taille de Jane pour la rapprocher à nouveau de lui et d'écraser ses lèvres contre les siennes. Ce fut alors le début d'une toute autre danse, bien plus savoureuse et plus mouvementée. Lorsque leurs bouches se séparèrent pour reprendre leurs souffles, Ken fit :

- Ce genre d'idiot.

Jane secoua la tête et, passant sa main derrière la nuque de Ken, l'attira pour réunir leurs lèvres en un nouveau baiser, plus ardent. Emportés par celui-ci, Jane fut bientôt bloquée entre le mur du château et le corps de Ken. Ce n'était pas sans la déplaire.

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