Chapitre 35

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Alors que l'appareil voguait au dessus des nuages, Jane relisait les pages de son carnet bleu. Durant tout le voyage, elle redécouvrait ses propres écrits.

Ses lèvres
J'en ai rêvé
J'y ai goûté
Elles m'ont brisée

Sans toi
Qui suis-je ?
T'es plus là
Je ne suis plus rien
Alors autant mourir

Fuir cette vie
Renaître dans une autre
Oublier mes malheurs
Tout recommencer ailleurs

Les tristes souvenirs
Ceux de mon enfance
Arpenteront toujours mon esprit
Comme à jamais, j'aurais ma cicatrice

Mom
J'aimerais te dire
Maman

Vivre, je ne le voulais plus
Je ne le faisais plus
Je ne faisais que survivre
Ce n'était plus une vie
Ce n'était que des larmes
J'ai perdu pieds
A l'instant où j'ai su
Le temps passe
Le chagrin reste
Plus petit se fait-il
Plus douce est la douleur
Le manque persiste
Mais le bonheur revient
Il finit toujours par revenir
D'abord dans un murmure
Et puis dans des rires

Les textes défilaient au fil des pages qu'elle tournait. C'était ça. Elle savait désormais ce qu'elle allait enregistrer une fois arrivé à Boston. Jane travailla alors sur le projet durant des semaines, seule avec ses vieux écrits rien qu'à elle. Et le jour du lancement de la maison de disque arriva à la fin de l'été.

La nuit était tombée sur Boston et Jane restait perplexe devant son miroir. Cela faisait si longtemps qu'elle n'était pas allée marcher sur les tapis rouges. Elle n'avait jamais vraiment aimé ça. Les flashs et les cris stridents de la foule. Sans Léo, il lui était impossible d'imaginer surmonter cette épreuve. Si pensive, elle n'entendit pas la porte de sa chambre s'ouvrir.

– Oh Jane, tu es si belle.

La brune vit sa mère dans le reflet du miroir. Myriam sentit la préoccupation dans le regard de sa fille. Elle s'approcha d'elle et l'enlaça sans un mot. Myriam savait pertinemment bien ce qu'il se passait dans la tête de sa fille. Elle caressa la joue de sa fille en lui offrant un tendre sourire. Cela suffit à Jane pour retrouver contenance et survivre à la soirée qui se profilait.

– Une voiture t'attends en bas, si tu es prête.

Jane serra une dernière fois sa mère dans ses bras avant d'enfiler une veste et prendre place dans la voiture qui l'emmena devant Devil' Record. Tout avait été si vite. L'annonce du lancement de la maison de disque a chamboulé la toile trois semaines auparavant laissant entendre une surprise se profiler. Et elle n'était pas minime, les filles sortiront le grand soir chacune leur nouvel album pour marquer le coup. Le suspens était encore entier quand Jane sortit de la voiture noire pour fouler le tapis rouge qui était déroulé jusqu'au porte de Devil' Record. Elle resta un instant stoïque face à l'engouement devant elle. Les photographes avaient tous tourné leur canon sur la chanteuse telle une proie face aux chasseurs. Jane eut une pensée pour Léo. Ce n'était pas simplement pour lui rendre hommage, c'était pour lui, son rêve. La brune finit par avancer sur le tapis et rejoignit ses amies devant l'entrée. Un ruban rouge symbolique était tendu devant les portes. Helen tenait un coussin rouge sur lequel une paire de ciseaux reposée et le tendit vers Jane. Celle-ci prit les ciseaux en argent et coupa le bandeau. Les filles vinrent prendre Jane dans leurs bras et sans se retourner entrèrent à l'intérieur, laissant les vautours sur le bas de la porte.

Les célébrations commencèrent à l'intérieur. Il y avait du monde. Jane ignorait l'identité de la plupart. C'était Rebecca qui avait organisé tout le côté festif et c'était réussi, à la limite de la démesure. Jane resta un peu à l'écart de tout ça, jusqu'au moment où, plus tard dans la soirée, Joanna eut fini son discours de remerciements et appela la brune à parler. À se retrouver sur la petite estrade, Jane en eut le vertige en voyant la foule devant elle et elle en eut le souffle coupé de voir la caméra qui retransmettait sur les réseaux sociaux. Jane ferma les paupières quelques secondes avant de les rouvrir. Puis, elle commença :

– I'm not the only artist in this world who had a complicated childhood. Art has saved a lot of people. Leo loved art and especially music more than anything else in the world. I'm really happy to see so many people here today for the launch of his record label. His because without him, The Erotes would never have been. His because I am so grateful that I had the chance to share his dream. I was just the best friend of a boy who dreamt of making the whole world dance. I'm thankful I had the opportunity to be that girl. Thank you.

Ces deux derniers mots n'étaient pas pour la foule. Ce fut les larmes aux bords des yeux qu'elle laissa sa place à Rebecca qui s'apprêtait à annoncer la surprise tant attendue. Jane profita de ce moment pour s'éclipser et quitter les lieux par la porte qui menait au parking privé. Son chauffeur était là mais elle lui glissa un billet pour lui emprunter quelques heures la voiture.

FissureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant