Chapitre 22

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De nouveaux dans le viseur des tabloïds, les articles sur la chanteuse fleurissaient dans les kiosques. Sur les réseaux sociaux également, on se réjouissait de retrouver signe de vie de Jane Quiffird. Cela faisait désormais trois semaines qu'elle avait reposé les pieds sur le sol américain et les paparazzis en étaient plus qu'heureux. On l'avait vu en compagnie des filles plusieurs fois et les théories d'un potentiel retour du groupe nourrissaient la toile.

Ce vendredi là, quasiment à l'aube, Jane pénétra dans les locaux qu'elles avaient acheté. Ils se situaient dans le Centre Est de la ville. Le choix de se fixer à Boston était une évidence, c'était de là que tout avait commencé. Les travaux seraient totalement finis dans deux semaines et l'odeur de la peinture dans certaines pièces donnaient encore mal à la tête. Jane traversa le hall et les bureaux pour s'aventurer dans le long couloir des salles d'enregistrement. Il y en avait cinq. Le chiffre était symbolique. La brune poussa au hasard l'une des portes et découvrit un studio en finissions. La première partie de la pièce était globalement fini, la table de mixage était déjà installé et semblait déjà prête à l'usage sous le plastique qui la protégeait. La seconde, derrière la vitre, n'avait pas encore ses murs insonorisés. Jane vint retirer doucement le plastique pour avoir accès aux manettes. Elle toucha à deux petits boutons pour actionner un beat – elle avait vu faire Léo un million de fois. Tout en laissant la musique battre, elle poussa la porte entre les deux espaces. Le son résonnait dans la pièce avec quelques échos. Il n'y avait pas encore le moindre meuble alors Jane s'assit en tailleur à même le sol. Elle sortit son carnet de son sac. La musique ne l'inspirait pas, elle ne l'écoutait même pas à vrai dire, elle n'avait pas le talent du châtain qui savait entremêler les notes avec beauté. Elle farfouilla au fond de sa besace et en sortit un crayon gris. Elle commença à faire glisser la mine sur le papier. Ce n'était pas des mots qu'elle laissait sur la page. Si concentrée à terminer les dernières détails, elle ne se rendit pas compte qu'Helen l'avait rejointe. La métisse prit place à terre, à côté d'elle, la regardant faire.

– Devil' Record ?

Jane tourna la tête vers son amie.

Helen Morton avait un visage doux et réconfortant, ce qui contrastait avec le flow dingue qu'elle avait derrière un micro. Chacune des filles avait son truc. Pour Rebecca Higgins, c'était sa voix phénoménale qu'elle maîtrisait comme personne ; pour Joanna Edwards, c'était sa propension à danser et bouger sur scène comme une dingue ; et pour Jane, c'était ses textes qui la démarquait. Ces quatre femmes, ensemble, faisaient de véritables merveilles en compagnie de leur talentueux beatmaker.

Helen lui sourit.

– We couldn't find a better name. No offense, but the logo sucks, grimaça-t-elle.

Jane rit légèrement tandis qu'Helen l'entoura d'un bras.

– You haven't talked much since you got back. Are you all right ?

Pour toute réponse, Jane haussa les épaules. Ces derniers temps, elle ne savait même plus s'il restait quelque chose de son cœur, l'organe s'étant brisé en novembre dernier. Ça allait mieux, c'était tout ce qu'elle savait. C'était grâce à Ken si elle avait réussi à remonter cette terrible pente. Mais le vide qu'a laisser Léo persistait toujours, lui laissant un creux dans la poitrine. Helen sera plus fort Jane contre elle avant de dire :

– I'm glad you're here.

Elle embrassa la brune sur le haut du crâne, avant de se relever et de laisser Jane avec ses pensées. Les enceintes continuaient de diffuser le beat. Jane se mit à fixer la vitre.


– Tu te rends compte ? O.V.O. nous ont fait signé chez eux. C'est dingue !

Léo prenait possession de la table de mixage tandis que Jane s'était avachie sur le canapé derrière.

– Tu vas t'en remettre un jour ?

– Miss 'blasée de la vie parce qu'un trou du cul m'a brisé le cœur' peut-elle faire l'effort de se réjouir avec moi un instant ?

– Youhou, dit-elle lasse en levant fébrilement le poing.

Léo délaissa son nouveau jouet pour s'asseoir auprès de sa meilleure amie.

– Ethan ne te méritait pas et je ne dis pas ça que parce que je veux te réconforter, ce n'était vraiment pas le bon. Je te promets qu'un jour, tu rencontreras quelqu'un qui t'aimera pour celle que tu es, qui sera là pour toi dans tes pires moments et qui te rendra heureuse comme tu mérites de l'être. Un jour, je te le promets. En attendant, je te propose qu'on insulte ce petit enculé comme il se doit.


Ce fut la seule fois de sa vie où Jane pleura après une rupture. Qui aurait préparer la jolie Jane à cela ? L'amour que lui avait porté Ethan était destructeur. Jane n'avait pas encore dix-neuf ans quand il l'envoûta au bar après sa prestation avec le groupe. Ils étaient restés ensemble à parler tout le reste de la nuit. Un an et demi plus tard, alors que son emprise sur Jane était impériale, il fit l'erreur de la gifler. Une simple gifle lors d'une dispute. Jane pouvait bien l'aimer follement, ce geste changeait tout. Elle ne voulait pas subir comme sa mère. Elle était incapable de pardonner un tel acte, même sous les effets de la drogue et de l'alcool. Toute l'emprise qu'Ethan avait eu sur Jane s'était envolée lorsque sa main heurta brutalement sa joue. Mais il restait, cependant, les sentiments.

Jane connut bien deux autres hommes aux ruptures similaires, par messages alors qu'elle était à l'autre bout du globe. La brune n'était pas du genre à garder son téléphone coller à elle, surtout en tournée où elle avait la manie de l'égarer plusieurs jours sans s'inquiéter plus que ça, ou d'adorer les conversations téléphoniques qui s'éternisaient pendant mille ans. Alors les relations longues distances n'étaient clairement pas sa tasse de thé. John avait laissé un message sur son répondeur qu'elle n'écouta que trois jours après et quant à Liam, un simple message qu'elle lut juste avant de monter sur scène. Mais Jane s'attendait à ce qu'ils la quittent alors elle n'était pas vraiment peinée par ces ruptures. Au fond d'elle, Jane savait que ce n'était pas les bons.

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