Chapitre 5

2.3K 136 15
                                    

Le soleil était levé depuis déjà plusieurs heures et Jane était plantée devant sa penderie depuis une éternité. Elle n'était pas décidée à se vêtir, ni à sortir d'ailleurs. Un élastique tenait ses cheveux bruns en un chignon qui avait survécu à la nuit et sa mine était fatiguée, à l'instar de tous les autres jours de ces dernières semaines. Elle ne pleurait plus, elle n'en avait plus la force. Elle songeait et c'était pire encore. La nuit, elle repensait à tout, à l'intégralité de ses souvenirs avec Léo en souriant mélancoliquement, les yeux brillants dans l'obscurité, jusqu'à ce que le dernier souvenir revienne. L'accident. Ce terrible jour, le pire de sa vie. Rien ne saurait effacer ce jour là. C'était gravé dans sa mémoire et ça la hantera jusqu'à son dernier souffle. Jane se souviendra éternellement du moindre détail qui a fait de ce jour le plus horrible qu'il lui était donné de voir.

Jane finit par attraper une paire de jean noire et un hoodie bleu marine. Elle les enfila, pestant intérieurement contre Ken de l'obliger à sortir. Elle détacha ses cheveux qui lui tombèrent juste au dessus de ses épaules avant de les capturer à nouveau afin d'essayer d'en faire quelque chose d'un peu plus présentable. Elle chaussa ses bottines et se vêtit d'une veste chaude avant de quitter son appartement. Une fois dehors, son premier réflexe fut de couvrir son crâne à l'aide de la capuche de son hoodie. Ainsi, elle avait moins de chance qu'on la reconnaisse dans la rue. Elle avançait d'un pas fébrile comme si le monde sans Léo l'apeurait. Jane finit par descendre les escaliers de la station la plus proche avant de s'engouffrer dans un wagon. Il était bien onze heures et demi passées. C'était donc le calme avant la tempête, avant l'heure de pointe. Certes le wagon était loin d'être vide mais il n'était pas rempli à ras bord. De ce fait, Jane put trouver facilement une place assise. On était à la mi-décembre et les parisiens étaient bien plus préoccupés à réfléchir par ce qu'il pourraient bien offrir à leur horrible belle-mère que d'essayer d'apercevoir le visage féminin à l'abri d'une capuche. En sortant du métro, elle soupira, reconnaissante qu'on ne l'est pas reconnue, elle détestait l'être et ne voulait plus jamais l'être. Elle enfonça ses mains dans les poches de sa veste tandis qu'elle mettait un pas devant l'autre. La brune finit par pousser la porte d'un petit restaurant. Son regard fit le tour de la pièce avant de se poser sur une table dans le fond. Deux hommes y étaient assis. L'un portait une cravate, l'autre une casquette. Jane se dirigea vers eux et une fois, à leur hauteur, elle fit valser sa capuche en arrière. Lorsque l'homme à la cravate la vit, il se leva aussitôt pour lui serrer la main.

- Good Morning Miss Quiffird, dit-il solennellement.

– Hello Mr. Johnson.

L'avocat se rassit et Jane prit place en face de lui, à côté de Ken qui lui fit un mince sourire pour la saluer. L'avocat se mit à exposer les faits. Jane et Léo avaient signé chez la célèbre maison de disque OVO Sound, il y a bien des années et faisaient parties de leurs artistes les plus phares. Jane et Léo fonctionnaient de façon singulière lorsqu'il s'agissait d'enregistrer leurs albums. Personne, mis à part eux, pouvait entendre la moindre note de musique avant la sortie de l'album. Cela pourrait sembler inimaginable mais on leur faisait confiance ou plutôt aux chiffres qu'ils entraînaient. Cela faisait trois semaines que le dernier album tant attendu de Jane Quiffird aurait dû sortir mais impossible de mettre la main dessus. Il était là le problème. Une promesse non tenue.

- The case is simple in itself. There are two options available to you. Either you sign a cheque for $3 million as stipulated in your contract in the event of non-compliance with this closure, or you bring them to justice.

Jane hocha la tête avant de tendre la main.

- Wise choice, fit l'avocat en sortant le chéquier au nom de la jeune femme et lui donnant un stylo dans la paume de sa main.

Ken fronça les sourcils.

- Jane, mais t'es folle ou quoi ! hurla-t-il dans un murmure.

Il n'avait pas encore prononcé le dernier mot que le stylo noir avait déjà quitté le papier. Trop tard, elle avait signé. Elle échangea une nouvelle poignet de main avec son avocat puis se leva pour quitter le restaurant. Ken la poursuivit jusque dans la rue.

– Tu te rends compte que c'est de la folie, 3 millions Jane !

– Parle plus fort, je t'en pris.

Ken baissa alors le ton mais il était toujours sous le choc.

- Pourquoi t'as fait ça au juste ? C'était la deuxième option la bonne.

- Non.

- Comment ça non ?

- Tu ne réfléchis pas assez, Ken.

- C'est toi qui me dis ça ? Jane, tu viens de donner une fortune à des salauds sans cœur sans hésiter une seule seconde.

Jane se stoppa dans sa marche, il l'imita. Ils étaient l'un en face de l'autre.

- Oui, c'est ce que j'ai fait car c'était la meilleure solution.

- Explique moi parce que je t'avoue être perdu là.

Jane soupira qu'il soit si crédule.

- Dans un tribunal, j'ai tous les tords-

- Mais tu as perdu Léo, ils auraient compris, la coupa-t-il.

- Non, c'est pas comme ça que cela fonctionne. Tu devrais le savoir, t'es déjà passé par là. Ce n'est pas un juge qui va s'apitoyer sur mon sort. En revanche, l'opinion publique, si. Une telle transaction fait du bruit et les gens sauront que l'une des plus grosses maisons disques du monde vient de réclamer une conséquente somme à une fille en deuil. J'ai peut-être perdu trois petits millions mais eux, ils perdent bien plus.

FissureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant