Chapitre 10

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La porte de l'appartement fut déverrouillée au cours de la matinée. Entra alors Ken, le visage fatigué par les festivités nocturnes. Il se défit de sa veste et la posa sur une chaise haute de la cuisine avant de se diriger vers la chambre de Jane. À sa grande surprise, la porte était grande ouverte et il ne trouva ni la brune, ni le matou. Il fronça les sourcils. Il pénétra alors dans le couloir qui menait à une chambre d'ami et la salle de bain. Devant cette dernière, il vit Albert gratter la porte. Elle devait prendre un bain. Mais c'était curieux, le matou était de nature dormeur et non gratteur de porte. Ken frappa deux coups avant de parler assez fort pour que Jane puisse entendre sa voix.

– Jane ?

Aucune réponse. Le matou se mit à miauler. C'était bien la première que Ken entendait la bestiole geindre.

– Jane !? Est-ce que tout va bien ?

L'inquiétude gagna Ken. Que se passait-il bon sang ?

– Jane, réponds ou j'entre !

Sa voix était tremblante. Sa main l'était tout autant lorsqu'il la posa sur la poignée. Le verrou n'était pas mis. Il poussa la porte. Ce fut alors qu'il la vit, dans une eau rougeâtre. Son sang. Il accourut vers elle.

– Non, non, Jane, pas ça...

Il avait les larmes aux yeux tandis qu'il la redressait. Il posa deux doigts sur le cou de la jeune femme et il soupira de soulagement en sentant un battement contre sa peau. Elle était inconsciente. Il la sortie de la baignoire et l'assied à terre contre la vasque. Ken attrapa à la hâte son cellulaire enfoui dans la poche arrière de son jean noir et composa, les doigts humides et tremblants, le numéro des urgences.



Jane souleva difficilement ses paupières. La lumière naturelle qui passait par la fenêtre à sa droite la fit gémir. Elle avait mal au crâne et l'esprit qui tournoyait. Dans son champ de vision, elle aperçut Ken, qui était assis sur un fauteuil, se lever et s'avancer vers le lit où elle était.

– Tu m'as fait tellement peur, dit-il en glissant sa main dans celle de Jade.

Elle s'en départit et détourna le regard. Il avait conscience de ce qu'elle avait fait. Il avait vu la lame au sol, près de la bouteille de whisky. Il savait pourquoi elle avait fait ça. Il comprenait ce par quoi elle en passait. Mais il était hors de question qu'il la laisse périr.

Personne, mis à part Ken et le corps médical qui s'occupa de Jane pendant une semaine, ne sut qu'elle avait fait une tentative de suicide. Si les médias étaient venus à l'apprendre, ils s'en seraient donné à cœur joie :

« Pas de Jane sans Léo. »

« La star au bord du gouffre. »

« La grande Quiffird retrouvée pour morte dans sa baignoire. »

« Jane Quiffird aurait tenté de rejoindre le club des 27. »

Les tabloïds sont inventifs, ils auraient trouvé de quoi faire vendre avec un dossier spécial sur les dépressions liées au succès et au deuil. Mais, par chance, nous étions en France et le secret fut tenu.

Sur le chemin du retour de l'hôpital, un silence étouffant habitait l'habitacle. Ken essayait tant bien que mal de se concentrer sur la route mais il ne pouvait s'empêcher de faire divaguer son regard sur Jane. Elle regardait par la vitre sans vraiment prêter attention à la capitale. Elle se sentait comme vide. Les prunelles du brun tombèrent sur le poignet de la chanteuse recouvert d'un bandage. On lui avait fait plusieurs points de suture, cela allait lui faire une cicatrice à l'endroit où elle avait rouverte l'ancienne. Lui qui croyait que celle d'origine était une tentative de suicide, voilà que c'était devenu une réalité. Elle avait perdu beaucoup de sang mais elle s'était ouverte le poignet dans la largeur et non dans la longueur et Ken l'avait trouvé avant qu'il ne soit trop tard.

Jane, qui n'était déjà pas d'humeur bavarde d'ordinaire, ne prononçait plus un traître mot. Ken emménagea dans la chambre d'ami afin de garder un œil sur la brune en permanence, il était bien décidé à prendre soin d'elle. Il la déposait le lundi et le jeudi devant le bâtiment de la psychologue qu'on lui avait prescrit. Le jeudi 16 janvier, ce fut tout naturellement qu'il stationna devant le cabinet et fit à Jane :

– Je reviens te chercher dans une heure.

Comme à chaque fois, Jane ne répondit rien et sortit de la voiture. Ken attendit de la voir disparaître à l'intérieur du bâtiment, quitte à se faire klaxonner par un petit merdeux, avant de prendre la direction du studio. Lorsqu'il arriva, sa mine triste n'échappa pas à ses gars mais il dut mentir, prétextant une mauvaise nuit de sommeil. Ça ne l'enchantait pas de leur cacher la vérité mais il savait que Jane n'aimerait pas qu'il parle de ce qu'elle traverse ces derniers temps, même si les gars aussi ont été touchés par la disparition de Léo. La plupart l'avait connu au collège ou au lycée. Il avait grandi parmi eux, c'était l'un des leurs. Ken écouta les deux frères enregistrer et sa tête ne put bouger au rythme de leurs flows, trop accaparée par Jane. Il resta tout juste une demi heure avant de reprendre son mensonge, disant qu'il ferait mieux de rentrer se reposer, pour en réalité rechercher Jane. Le brun était un peu en retard et pensait qu'il la retrouverait devant l'immeuble à attendre mais ce ne fut pas le cas. Il décida de se garer et ce fut son jour de chance, il trouva une place vacante dans la rue. Il se mit à attendre tout en guettant dans son rétroviseurs la porte d'entrée du cabinet. Après un quart d'heure, n'y tenant plus, il sortit de sa voiture et la verrouilla avant de pénétrer dans le bâtiment. À l'accueil, il s'adressa à l'hôtesse :

– Jane Quiffird n'est pas encore sortie de sa séance ? s'enquit-il.
– Mademoiselle Quiffird ne s'est pas présentée à sa séance d'aujourd'hui, lui répondit-elle.
– Mais je l'ai déposé ici, il y a plus d'une heure. Je l'ai même vu entrer.
– Je suis désolée mais nous ne l'avons pas vu ici.

Ken se passa la main dans les cheveux, décontenancé par cette nouvelle. Il sortit et attrapa son téléphone. Il le mit à son oreille mais il tomba directement sur la messagerie de Jane. Où était-elle donc passée ?

FissureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant