Chapitre 25

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Les mains de Jane étaient posées de part et d'autre de l'évier et ses yeux étaient perdus dans le vide. Ken cherchait désespérément son regard.

– Jane...

Cela sembla la faire revenir sur Terre. Elle attrapa le sachet dans la casserole qui avait refroidi.

– Le riz a trop cuit. Il est tout ramolli, fit-elle en le rejetant dans la casserole.

Ken s'approcha de Jane et posa sa main sur la sienne.

– Ce n'est rien.

Il savait bien que ce n'était pas le riz qui la troublait tant.

– Jane, répéta-t-il.

Celle-ci retira sa main et se tourna vers lui. Cependant, elle évitait toujours de le regarder dans les yeux.

– Oublions ce qu'il vient de se passer.

Elle semblait vouloir se donner de la contenance mais le tremblement de sa voix la trahissait. Elle allait quitter la pièce mais Ken la retint par le poignet.

– J'ai aucune envie d'oublier ça.

Les noisettes de Jane croisèrent enfin les siennes. Ken crut y lire une certaine tristesse.

– Tu devrais pourtant, comme tu devrais t'en aller.

– Jane...

– Tu as quelqu'un, fit-elle en se libérant de l'emprise qu'il avait sur son poignet et elle quitta pour de bon la cuisine.

Marjorie.

Jane l'avait éclipsée.

Ken passa une main dans ses cheveux, les tirant en arrière. Il arborait une mine perdu. Il sortie de la pièce à son tour. Il jeta un œil vers le salon. L'ordinateur était toujours allumé à la page d'accueil, posé sur la table basse. Mais Jane n'y était pas. Il se dirigea vers sa chambre. Il tendit sa main vers la poignée mais se ravisa et rebroussa chemin.


Au grand désarroi de Ken, il y avait un monde fou. La fête battait son plein et pourtant, il se sentait si seul. Seul avec ses tourments. Le plus grand de tous n'était autre qu'une belle brune qui s'était envolée à des milliers de kilomètres de lui, il y a plusieurs jours. Ken affichait un sourire forcé sur les lèvres. Bien sûr qu'il était ravi de voir tous ses proches – ainsi qu'un tas de gens dont il n'était pas certain de l'identité – réunis pour son anniversaire. Mais était-il heureux ? Il n'en était plus certain. La seule certitude qu'il avait était qu'il détestait cette soirée.

Du moins, jusqu'à ce qu'il n'aperçoive une silhouette familière. Mise un peu en retrait dans le salon. Elle portait une jolie robe couleur chocolat qui s'accordait avec ses prunelles et qui laissait entrevoir ses belles jambes. Ses cheveux étaient ondulés et lui tombaient sur les épaules. Elle fixait le fond de son verre, comme mal à l'aise. Elle était incroyablement belle. Pourtant, elle semblait passer inaperçue aux yeux de tous. Faut dire que la nuit ne l'avait pas attendue et que l'alcool coulait déjà depuis plusieurs heures. Ken traversa la pièce, se faisant un chemin dans la foule, jusqu'à elle.

– Je ne m'attendais pas à te voir ici.

Jane releva le chef et ses noisettes vinrent rencontrer les siennes. Ce simple contact visuel réveilla le cœur du trentenaire.

– Moi non plus, à vrai dire. Mais ta petite-amie est rudement convaincante.

Il n'y avait aucune émotion dans sa voix et cela brusqua le brun. Marjorie semblait avoir fouillé dans son téléphone mais ce n'était pas la chose qui le préoccupait le plus à cet instant. Jane ne l'avait pas désignée par son prénom mais par son statut comme pour mettre la distance qui s'imposait entre eux.

– Et puis, je ne pouvais manquer tes trente ans.

Cette fois, Jane lui offrit un sourire. Ken lui rendit en secouant la tête.

– J'ai plutôt l'impression d'en avoir quarante ; ce genre de fête, je m'y sens plus à ma place.

Jane eut l'air de comprendre. Faut dire qu'elle n'avait jamais vraiment été propice à ce genre de soirée, du moins sobre. La brune but une gorgé de son gobelet.

– Je crois que je ne vais pas tarder à partir.

Ken fronça les sourcils. Elle ne pouvait pas s'en aller, pas déjà, la soirée commençait tout juste à lui plaire.

– Quoi déjà ? Mais tu viens juste d'arriver. S'il te plaît, restes.

Sa voix était suppliante.

– Je suis déjà restée beaucoup trop longtemps.

Jane sortit un petit paquet de son sac et lui tendit. Il le saisit.

– Joyeux anniversaire Ken.

– Tu n'étais pas obligé, dit-il en parlant du paquet.

– Ce n'est pas un cadeau.

Elle se mit sur la pointe des pieds et déposa un baiser sur sa joue. Elle lui sourit une dernière fois, ce rictus frôlait le déchirement et tourna les talons avant même qu'il ne puisse dire quoique ce soit. Il resta stoïque et la vit disparaître dans la foule.

Ken alla dans sa chambre où tout était plus calme. On entendait encore le vacarme de la musique mais les murs l'affaiblissaient quelque peu. Il s'assit au bord du lit et posa son attention sur le petit et fin paquet. Il déchira l'emballage et découvrit son exemplaire du disque de 97 d'IAM. Elle lui avait rendu. C'était loin d'être un cadeau mais un adieu. Une larme vint caresser son visage.

FissureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant