Chapitre 29

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– Ça va petite sœur ?

La voix rauque de Bobby vint percer la solitude de Jane dans le jardin à l'arrière de la maison. Elle était allongée là, silencieuse, à fixer le ciel noir. L'air était frais, c'était le milieu de la nuit. Le brun avait vu la porte vitrée entrouverte et avait remarqué sa sœur étendue dans l'herbe verte. Elle hocha la tête, sans quitter le plafond céleste des yeux. Bobby s'allongea à côté d'elle.

– Je ne suis pas sûre de te l'avoir dit un jour mais je suis fier de toi.

Jane fronça les sourcils et tourna le chef vers son aîné. Celui-ci reprit.

– Tu t'en rends pas compte hein ?

Il souriait.

– Riquiqui Jane est devenue la grande Jane Quiffird. T'as accompli de grandes choses.

– Sortir des albums n'a rien d'extraordinaire.

– Je ne parle pas que de ça. T'as su toucher les gens. Tu es devenue forte, même si ça fait longtemps que tu me l'as prouvé.

– Je ne le suis pas. Je ne l'ai jamais été.

– Bien sûr que si. Je te rappelle que tu m'as sauvé la vie quand on était gamin, dit-il les yeux rivés sur les étoiles.

C'était la première fois qu'il évoquait cette nuit là depuis toutes ces années. Jane ne dit rien. On n'entendit que le bruit régulier de leur respiration dans l'obscur silence.

– Je peux te poser une question ?

– Oui.

– Pourquoi tu as gardé Quiffird ?

– Pour protéger Maman. Je voulais changer en Hudson, comme toi tu l'as fait mais j'avais moins de vingt et un ans alors c'était très compliqué comme procédure à faire ici. Puis, je suis devenue connue. Je n'avais pas envie qu'on retrouve l'adresse des grands-parents et qu'on soit obligé de déménager pour éviter les vautours.

Bobby trouvait Jane réellement courageuse. Pour ce qu'elle a fait pour lui plus jeune mais pour la vie qu'elle subissait aujourd'hui. Les flashs et tout ce qui allait avec ne lui semblait pas être de tout repos et il était heureux qu'elle l'en eut protégé également. En effet, Jane n'avait jamais mentionné l'existence d'un frère dans la moindre interview. Même si Bobby vivait à l'autre bout du globe, la vie qu'elle menait ne devait pas entraver la sienne d'après elle. La famille était ce qu'il y avait de plus important aux yeux de Jane, quoiqu'il arrive.

– Il est mort.

Bobby ne fut pas sûr de qui elle parlait. De Léo ? Sentant le doute dans le regard de son frère, elle reprit.

– Papa, il est mort.

– Comment tu...

Bobby s'était redressé et était désormais assis dans l'herbe.

– Tu as gardé contact avec lui ?

– Non. J'avais engagé quelqu'un.

Bobby était abasourdi par ce qu'il venait d'entendre.

– Pourquoi ? Après ce qu'il t'a fait, dit-il en attrapant le poignée de sa cadette plus violemment qu'il ne l'aurait voulu.

Elle se défit de son emprise et s'assit à son tour. La contemplation du ciel devra attendre une autre nuit.

– J'en sais rien. Je voulais savoir.

– Savoir si c'était toujours un pauvre type ? Laisse moi deviner, il n'avait pas changé.

On pouvait entendre toute la haine qu'avait Bobby envers son géniteur dans les vibrations de sa voix. Jane baissa les yeux et cela suffit pour donner une réponse au brun.

– Maman est au courant ?

– Bien sûr que non.

– Tant mieux. Vivant ou six pieds sous terre, parler de lui lui ferait trop de mal, après tout ce qu'il lui a infligé.

Jane regretta de lui en avoir parlé.

– Tu n'as jamais été curieux de savoir toi ?

– Non, après tous les coups que je me suis mangés, il m'a enlevé le goût de la curiosité. Je te comprends pas Jane. Notre père était un tocard. Comment t'as pu croire qu'il aurait pu changer ? Tu as pourtant vu tout ça. Tu étais jeune mais pas assez pour ne pas le comprendre.

– Parce qu'on a tous le droit à une seconde chance.

– Pas tous, non. Ceux qui blessent leur famille n'y ont pas droit.

Jane baissa à nouveau les yeux. La lune était quasiment pleine et suffisamment lumineuse pour éclairer sa cicatrice dans la nuit. C'était le seul souvenir que son père lui avait laissé et ce n'était pas le meilleur.

– Tu ne m'as pas dit ce que tu cherchais dans l'ordinateur de Léo au fait, reprit-il plus doucement, laissant à l'abandon la conversation précédente.

– Notre album. Les filles veulent quelque chose de grandiose pour le lancement de notre maison de disques.

– Tu l'as trouvé ?

– Oui.

– Mais ?

– Rien.

– Me prends pas pour un con, je suis ton grand frère.

– Justement, fit-elle, taquine.

Il poussa son épaule et elle ria.

– J'en sais rien. C'était pas totalement fini et j'y connais rien aux mixages.

– T'as bien des contacts ?

– Tu plaisantes, c'était Léo qui connaissait tout le monde. J'ai été mise en lumière et lui a été laissé dans l'ombre mais j'étais juste une voix, lui, il faisait tellement plus que juste composer des instrumentaux. De toute façon, si quelqu'un y touche, ce ne sera plus nous.

Bobby sourit. Il trouvait que l'amitié que Jane portait pour Léo était magnifique, malgré la mort.

– Dans ce cas, personne ne peut te venir en aide. Mais si tu en as besoin, pense au fait que ton mec s'y connait un peu et qu'il peut bien t'apprendre à utiliser quelques touches de la table de mixage.

Jane sourit timidement.

– Comment tu sais ?

– Je te l'ai dit : je suis pas con et je suis ton grand frère, fit-il tout d'abord. Et j'ai deux petits espions dans la maison.

Le rire de Jane vint éblouir la nuit, quitte à faire fuir le peu d'étoiles qui s'y nichait ce soir-là.

FissureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant