Chapitre 32

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La journée commençait à peine et elle s'annonçait d'être un régal. Ken se riait de Jane dans la cuisine.

– Comment peux-tu avoir Myriam Hudson, reine des gâteaux – après ma mère bien sûr –, comme génitrice sérieux ?

Il avait dit cela alors que Jane, une envie folle de crêpes en tête ou plutôt dans le ventre, cherchait un livre de cuisine pour en trouver la recette. Voyant le manque de savoir de la brune, le rappeur décida de prendre les rênes des opérations.

Jane battait mollement la pâte. Ken lui prit le fouet en disant "ça va pas du tout ce que tu fais". Il mélangeait énergétiquement le contenu du saladier quand son téléphone retentit dans le salon. Il laissa sonner, trouvant les crêpes plus importantes, mais ce qu'on avait à lui dire semblait l'être tout aussi puisque la sonnerie résonna deux fois encore. Jane posa sa main sur celle de Ken qui tenait le fouet afin de l'arrêter.

– Vas répondre, ça a l'air d'être important.

Ken hésita puis lui laissa l'ustensile. En voyant le nom du correspondant, il savait déjà ce qu'on allait lui demander : revenir en France. Il décrocha in-extremis, juste avant que l'appel ne put basculer vers le répondeur.

– Ouais ?

– C'est Diabi. Tu te souviens de moi ? Parce qu'à la base, tu te rendais juste à un mariage et là, ça fait un mois. Je sais bien que tu roucoules avec ta nana mais il va falloir que tu redescendes de ton petit perchoir là. T'as un tournage qui commence dans un peu plus d'une semaine et on enchaîne avec les festivals juste après donc ce serait bien que ton cul traverse l'Atlantique.

Ken soupira face au sermon de son gars.

– Je ne roucoule pas, dit-il juste.

– T'as entendu ce que j'ai dit au moins ?

Ken tourna la tête vers la cuisine où Jane se battait avec le peu de force qu'elle avait dans les bras à défaut de battre la pâte comme il se devait.

– Oui, oui, c'est juste qu'elle semble avoir retrouvée le sourire et j'ai pas trop envie de la laisser ici seule.

– Et t'oses dire que tu roucoules pas ? La bonne nouvelle au moins, c'est que je vais enfin avoir la paix avec tes chansons d'amour de dépressif, fit l'ingé à l'autre bout du fil, de l'autre côté de l'océan. Après qui dit que t'es obligé de la laisser seule à Boston ?

– Ouais, elle a ses amies ici mais ça me gène de partir.

– Putain ce que tu captes rien, souffla-t-il. Tu peux très bien l'emmener, tu sais.

– Je sais pas si elle voudra.

– Elle kiffe son pays natale et elle te kiffe, je vois pas pourquoi elle refuserait franchement.

– Peut-être.

– T'es bourré d'optimisme toi putain. Bon, en tout cas, avec ou sans ta meuf, t'as intérêt à te pointer dans le nord dans une semaine.

La conversation téléphonique se conclut alors la dessus. Ken revint dans la cuisine au plus grand bonheur de Jane qui n'en pouvait plus de cette pâte à crêpes. Elle s'imaginait en avoir des courbatures pendant des jours.

– S'il te plaît, reprends ce fouet de malheur.

– À une condition...

Et c'est ainsi qu'ils se retrouvèrent sous le doux soleil du nord de la France, une semaine plus tard. Jane se souvenait être déjà venue dans cette ville pour en visiter ses souterrains dans le cadre de son cours d'histoire lorsqu'elle était en troisième. Rien n'avait bien changé en treize ans.

Le soir, dans la chambre qu'ils occupaient dans un petit hôtel à deux pas du Beffroi, Jane était allongée sur le ventre, les yeux sur les pages du script, et se délectait d'entendre Ken répéter ses répliques tout en faisant les cents pas devant le lit. Le brun avait oublié la fin de l'une de ses phrases, Jane la lui souffla alors et rajouta :

– J'adore le scénario, vraiment. Ça risque d'être un beau film.

– Mais il est triste.

– Qu'il soit triste n'enlève rien à sa beauté, au contraire même.

Ken reprit le script des mains de Jane pour se remémorer la scène suivante et s'assit, le dos contre la tête de lit.

– Tu es déjà venu ici ? demanda-t-elle.

– Deux fois, oui. Mais pas au cœur de la ville. Avec les gars, on a déjà joué au festival qui se déroule à la Citadelle. C'est vraiment cool. On y rejoue dans deux mois d'ailleurs. Et toi ?

– Oui, c'était quelques mois avant le brevet, je me souviens. Ma prof d'histoire trouvait qu'étudier notre passé dans des bouquins, c'était bien mais pas suffisant alors elle nous faisait faire quelques sorties pour qu'on puisse rattacher nos leçons à des choses plus concrètes. Mais elle n'avait pas songé à la météo ce jour là et on a dû annuler la visite des tunnels au cas où l'eau ne s'y infiltre et qu'il y ait une inondation. Alors tous ce qu'on a fait c'est courir sur les pavés de la Grand'Place et traverser le centre ville tout entier sous une pluie battante et un orage imminent dans le ciel jusqu'à la gare.

Ken sourit. Il aimait l'entendre parler de vieux souvenirs.

– Tu es libre après ton tournage demain ?

– Hum hum.

– J'ai bien envie de monter en haut de leur Beffroi pour admirer la vue comme une bonne touriste.

Le sourire de Ken vint lui répondre par l'affirmatif.

FissureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant