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J'attends.

Ils nous ont parquées dans le noir depuis si longtemps que nous ne sentons plus nos paupières. Nous dormons comme des rats de laboratoire, blotties les unes contre les autres, les yeux dans le vide, et rêvons à nos corps ballotés.

Je sais quand l'une des filles atteint une paroi. Elle la frappe et hurle, le métal résonne sous ses coups, mais personne ne lui vient en aide. Nous sommes restées trop longtemps sans parler; tout ce que nous faisons, c'est nous enfoncer un peu plus dans les ténèbres.

Les portes s'ouvrent.

La clarté est effrayante. C'est à la fois la lumière de la venue au monde, et le tunnel aveuglant qui précède la mort. Horrifiées, nous nous réfugions sous les couvertures, ne voulant ni de ce commencement ni cette fin.

Nous titubons quand on nous fait sortir; nous avons oubliées l'usage de nos jambes. Combien de temps cela a-t-il duré: des jours? des heures? Le ciel immense attend sa place habituelle.

Je me tiens au milieu des autres filles, et des hommes en manteau gris nous observent.

Tout cela ne m'est pas étranger. Là d'où je viens, cela fait longtemps que des jeunes femmes disparaissent. Elles sont enlevées dans leur lit, ou sur le bord de la route. C'est arrivé à une fille de mon quartier. Après ça, toute sa famille a disparu, à déménagé, que se soit pour tenter de la retrouver ou parce qu'ils savaient qu'ils ne la reverraient jamais.

Maintenant, c'est mon tour. Je sais que les filles disparaissent, vendue comme prostituée? Cela s'est déjà vu. Il n'existe qu'une seule autres option: devenir une épouse, belle mais réticentes, au bras d'un homme riche approchant l'âge fatal de vingt-cinq ans.

Les autres filles n'apparaissent jamais à la télévision. Celles qui sot refusées lors de l'inspection échouent dans un bordel des quartiers chauds. On en a retrouvé certaines au bord des routes, pourrissant sous le soleil aveuglant, assassinées par des Ramasseurs qui ne voulaient pas s'en encombrer. D'autres encore disparaissaient à jamais, laissant leur famille dans l'expectative.

Certaines sont enlevées alors qu'elles n'ont que treize ans, dès que leur corps peut être fécondé, et le virus tue toutes celle de notre génération à l'âge de vingt ans.

On nous palpe les hanches pour s'assurer de notre robustesse, on nous retrousse les lèvres pour inspecter nos dents et se faire ainsi idée de notre état de santé. L'une des filles vomit. C'est peut être celle qui criait. Elle s'essuie la bouche, tremblante, terrifiée. Je me tiens bien droite, déterminée à rester anonyme, à n'être d'aucune aide.

Je ne sens trop vivante dans cette rangée de runes femmes moribondes aux yeux mi-clos. Je sens que leur cœur bat à peine, alors que le mien tambourine dans ma poitrine. Après tout ce temps passé à rouler dans les ténèbres de la camionnettes, nous avons toutes fusionné. Nous ne formons plus qu'une entité anonyme, partageant cet enfer étrange. Je ne veux pas me faire remarquer. En aucun cas.

Mais c'est un vœu pieux. Quelqu'un m'a repérée. Un homme longe la ligne que nous formons. Il laisse faire les manteaux gris qui nous tâtent, nous examinent. Il semble pensif et satisfait.

Son regard croise le mien; ses yeux verts sont comme deux points d'exclamations. Il sourit. J'aperçois un éclat doré dans sa denture, ce qui est synonyme de richesse. C'est inhabituel, car il paraît trop jeune pour avoir déjà perdu ses dents. Il continue à avancer, et je regarde fixement mes chaussures. Idiote! Je n'aurais jamais dû lever les yeux. Leur couleur bizarre est la première chose qu'on remarque chez moi.

Il dit quelque chose aux manteaux gris. Ils nous embrassent toutes du regard et semblent tomber d'accord. L'homme aux dents en or sourit de nouveau en me regardant, puis on le conduit jusqu'à une voiture qui démarre en faisant crisser le gravier et s'en va rejoindre la route.

La fille qui a vomit est ramenée à la camionnette, ainsi qu'une dizaine d'autres; un manteau gris y entre avec elles. Nous ne sommes plus que trois, séparées par l'espace qu'occupaient les autres. Les hommes reprennent leur conciliabule, puis s'adressent à nous.

-Allez-y, disent-ils, et nous obéissons.

Il n'y a aucun endroit où aller hormis la banquette arrière d'une limousine garée sur le gravier. Nous sommes au beau milieu de nulle part, à proximité d'une autoroute. J'entends les voitures passer au loin. Je distingue les lumières d'une ville qui commencent à s'allumer dans la brume pourpre du soir. Ça ne me rappelle rien; cette route déserte est bien différentes des rues encombrées de mon quartier.

C'est parti. Les deux autres élues avancent devant moi; je suis la dernière à monter dans la limousine. Une vitre teintée nous sépare du chauffeur. Juste avant que quelqu'un referme la portière, j'entends un bruit en provenance de la camionnette où sont enfermées les autres filles.

C'est le premier coup de feu. Je sais qu'il y en aura une dizaine d'autres.

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Avis? Votes?

Je souhaite vraiment savoir ce que vous en pensez pour savoir si cela en vaut vraiment la peine que je continue la réécriture.

Merci d'avoir lu :)

Réécriture ©MorganeBie

Éphémère (H.S)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant