Quand les portes s'ouvrent, c'est sur le couloir où l'on entend les bruits de cuisines; il y flotte une odeur de homard bouilli, mêlée à celle d'un gâteau fraîchement sorti du four. Niall enfonce un bouton, et les portes se referment, mais cette fois la cabine reste immobile.
-Vous voulez m'en parler? Propose-t-il.
-Vous n'êtes pas censé aller en cuisine? Dis-je en me mouchant.
Je m'efforce de ne pas avoir l'air misérable et larmoyant, mais c'est difficile de sécher mes larmes qui continuent de cour avec un mouchoir déjà trempé et gluant.
-Pas de problème. Les autres penseront que j'ai été retenu par Cecily.
Râleuse et exigente, Cecily a déjà pris la place de Rose vis-à-vis du personnel en tant qu'épouse mal-aimée. Niall et moi nous asseyons en tailleur à même le sol, et il attend patiemment que mes hoquets cessent.
Je suis bien, dans cet ascenseur. La moquette est usée mais propre. Les parois sont rouge canneberge, avec des motifs victoriens qui me rappellent le couvre-lit de mes parents, et le sentiment de protection qu'il me conférait quand j'étais blottie dessous. Ce sentiment diffus d'une sécurité révolue s'insinue en moi. Je n'ai rien à craindre ici. Tout au fond de moi, je me demande si les murs ont des oreilles, si la voix tonitruante de Maitre Des ne va pas surgir d'un haut-parleur, menaçant Niall pour m'avoir laissée venir jusqu'ici. Mais j'attends, et rien de tel ne se passe; de toute façon, je suis trop bouleversée pour m'en soucier réellement.
-J'ai un frère, dis-je en commençant par le commencement. Il s'appelle Zayn. Quand nos parents sont morts, il y a quatre ans, nous avons dû quitter l'école et trouver du travail. Il n'a pas eu de mal à décrocher un emploi en usine, où la paie est bonne. Mais je ne savais rien faire, j'étais pratiquement inutile.
Comme il pensait que c'était risqué pour moi de sortir seule, nous avons essayé de ne jamais nous éloigner l'un de l'autre, et je me suis retrouvée avec des boulots qui payaient très mal, à passer des coups de fil dans ces usines. Nous avions assez pour nous en sortir, mais ce n'est plus comme avant, vous comprenez? Je voulais davantage.
Il y a quelques semaines, j'ai lu une annonce dans un journal qui proposait une prime pour une ponction de moelle osseuse. C'était censé servir pour de nouveaux tests sur le virus.Je tourne et retourne le mouchoir entre mes mains, tachant de l'étudier malgré mes yeux troubles. Dans un coin, je remarque une broderie écarlate représentant une fleur, mais un type qui m'est inconnu, avec une multitude de pétales allongés formant un faisceau dense. Je vois double. Je secoue la tête pour y voir plus clair.
-J'ai compris qu'il s'agissait d'un piège des que je suis entrée dans le labo et que j'ai vu toutes les autres filles. Je me suis débattue, dis-je en repliant machinalement les doigts comme des serres. J'ai griffé, modu, donné des coups de pied. Cela n'a servi à rien. On nous a conduites dans une camionnette.
J'ignore combien de temps on a roulé. Des heures. On s'arrêtait parfois, les portes s'ouvraient, on embarquait d'autres filles. C'était l'horreur là-dedans.Je me remémore les ténèbres. Il n'y avait ni parois, ni haut, ni bas. Je me sentais plus morte que vive. J'entendais les autres filles respirer autour de moi, au-dessus de moi, en moi, et c'était tout ce à quoi se résumait la planète Terre. Rien que ces hoquets horrifiés. J'ai cru devenir folle. Et peut-être le suis-je, car je crois soudain entendre siffler la balle d'un Ramasseur, et je sursaute. Des étincelles tournoient autour de moi.
Niall lève la tête juste au moment où la lumière se met à trembloter. On entend un "boum"; ce n'est pas un coup de feu, mais un bruit mécanique. La cabine commence a trembler, puis les portes s'ouvrent à la volée; Niall se met sur mes pieds et nous détalons dans le couloir. Mais ce n'est pas celui des cuisines. Ce nouveau couloir est plus sombre, et il y flotte une odeur de désinfectant. Des néons clignotent au plafond, et sur le sol dallé, je vois le reflet incertain de nos chaussures avant chaque enjambée.
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Éphémère (H.S)
FanfictionL'humanité croyait son avenir assuré. La science avait créé des enfants parfaits, immunisés contre toutes les maladies. Mais qui pouvait imaginer l'en prix à payer? Car désormais, personne ne survit au delà de 25 ans. Le monde a changé. Pour les jeu...