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Quand nos parents sont morts, notre cave a été envahie par les rats. Ils surgissaient des égouts, rongeaient les câbles électriques, dévoraient nos réserves. Comme ils étaient trop futés pour tomber dans les pièges que nous placions, Zayn eut l'idée de les empoisonnés. Il mélangea de la farine, du sucre et de la limonade avec de la mort-au-rats, et il déposa le mélange en tas sur le sol.

J'étais réservée sur l'issue de ce plan, mais il fonctionna à merveille. Alors que j'étais de garde, une nuit, je vis un rat courir en décrivant des cercles étranges, puis s'effondrer. Je l'entendis émettre de petits couinements, gratter le sol. Il agonisa pendant ce qui me sembla des heures. L'expérience de Zayn s'était muée en un succès macabre.

Maître Des me met face à un choix. Je peux vivre dans cette maison où il dissèque la défunte épouse de Harry et son enfant, dans l'espoir d'aboutir à un antidote qui n'existe pas encore. Je mourrai dans quatre ans, laissant mon corps devenir un nouveau sujet d'expérimentation. Mais pendant ces quatre ans, je serai la favorite resplendissante, j'assisterai à des fêtes somptueuses, et ce sera ma récompense. Cependant, en définitive, j'agoniserai moi aussi comme un rat.

Les paroles de Des nourrissent ma réflexion toute la journée. Il me sourit de puis l'autre coté de la table, pendant le dîner. Je repense au rat crevé.

Mais, à la tombée de la nuit, je m'efforce d'oublier sa voix menaçante. Dernièrement, je me suis promis de ne songer qu'à ma maison de Manhattan, une fois couchée; aux moyens d'y parvenir, à ce à quoi elle ressemble, à ce qu'était ma vie avant de me retrouver ici.

A cette occasion, je chasse de mes pensées tous les occupants du manoir, hormis Harry. Harry qui, quoique je fasse, demeure mon ennemi. Il m'a volé à mon frère jumeau, à ma maison, et me garde auprès de lui.

La nuit, quand je suis seule, je pense à mon frère. Depuis l'enfance, il a pris l'habitude de toujours se tenir devant moi, prêt à faire face à un éventuel danger, à faire rempart de son corps pour me protéger. Je le revois, fusil à la main, quand il a tiré sur ce Ramasseur, me sauvant la vie; je revois la terreur dans ses yeux à l'idée de me perdre. Je repense à notre attachement fusionnel, à notre mère qui nous faisait tenir la main, en nous disant de toujours rester ensemble.

Ces pensées gagnent en intensité nuit après nuit, lors de mes rares heures de solitude dans ce manoir peuplé d'épouses et de serviteurs, au cours desquelles je parviens à couper les ponts avec cette vie artificielle. Le prix à payer est un sentiment d'isolement total, horrifiant, mais au moins, je me rappelle qui je suis.

Et puis, une nuit, alors que je sombre dans le sommeil, j'entends Harry entrer et fermer la porte de ma chambre. Mais il est à mille lieues de moi. Je suis auprès de Zayn, je joue avec le fil de cerf-volant. Le rire léger de ma mère emplit la pièce, et mon père, au piano, joue une sonate de Mozart en Sol majeur. Zayn déroule distraitement le fil enroulé autour de mes doigts, et me demande si je suis encore vivante. J'essaye de rire, comme s'il racontait n'importe quoi, mais le son refuse de sortir de ma gorge, et il ne lève pas davantage les yeux vers moi.

-Je ne cesserai pas de te chercher, dit-il. Je n'abandonnerai jamais, même si je dois en mourrir.

-Je suis ici.

-Tu es en train de rêver.

Mais ce n'est plus la voix de mon frère. Harry a enfoui son visage dans mon cou. La musique s'est tue; mes doigts cherchent le fil qui a disparu. Et je sais que si j'ouvre les yeux, je verrai la chambre plongée dans le noir, les murs de ma prison dorée. Mais je ne fais aucun effort pour m'extirper de cet état d'hébétude, car je sais que la déception à venir sera insupportable.

Je sens les larmes de Harry sur ma peau, je perçois ses sanglots étouffés. Je devine qu'il a rêvé de Rose; ses nuits, comme les miennes, sont souvent trop solitaires. Il embrasse mes cheveux et passe un bras autour de moi. Je le laisse faire. Non, j'en ai envie. Besoin. Les yeux clos, je presse ma tête contre sa poitrine, guettant les battements forcés de son coeur.

Oui, je veux être moi-même. Rhine Malik. Soeur, fille. Mais parfois, c'est trop douloureux.

Mon ravisseur me serre contre lui, et je m'endors, bercée par le son de sa respiration.
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Désolée pour l'absence! Je poste demain!

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Réécriture @MorganeBie

Éphémère (H.S)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant