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Je suis ébahie par ce que j'y vois.

Mes paupières ont été peintes en rose, mais un rose qui n'a rien de la couleur criarde de la salle de bain. On dirait un coucher de soleil hésitant entre le rouge et le jaune. On y voit scintiller de petites étoiles, et les contours se fondent dans des tons de pourpres et de blanc. Mes lèvres sont maquillées à l'identique, et ma peau mate est éclatante.

Pour la toute première fois, je n'ai pas l'air d'une enfant. Je ressemble à ma mère dans sa robe de soirée, lorsqu'elle dansait dans le salon avec mon père, certaines fins de journée, après que mon frère et moi étions partis nous coucher. Plus tard, elle venait m'embrasser dans ma chambre quand elle me pensait endormie. Elle était alors en sueur, parfumée et ivre d'amour pour mon père. "Dix doigts et dix orteils, murmurait-elle à mon oreille, ma petite fille n'a rien à craindre et fait de beaux de rêves."

Puis elle partait, me laissant comme enchantée.

Que dirais ma mère à cette jeune fille, à presque cette femme dans le miroir?

Personnelement, je suis sans voix. Avec son génie des couleurs, Deirdre a fait ressortir le bleu de mon oeil gauche, et a rendu mon oeil marron presque intense que le sont ceux de Rose. Elle m'a habillée et maquillée à la perfection pour le rôle que je dois bientôt tenir: celui de l'une des futures épouses tragiques du gouverneur Harry.

Je pense n'avoir rien à ajouter, mais dans le miroir, je vois Deirdre derrière moi, qui se tort les mains en attendant mon verdict.

-C'est magnifique, dis-je simplement.

-Mon père était peintre, répond-elle avec une touche de fierté. Il a fait de son mieux pour m'apprendre son art, mais je ne sais pas si j'arriverais un jour à être aussi douée que lui. Il disait que tout peut devenir une toile; c'est vous ma toile, maintenant.

Elle n'en dit pas plus sur ses parents, et je ne lui pose pas de questions.

Elle retouche un moment ma chevelure, qui forme des vaguelettes rabattues en arrière par un bandeau blanc tout simple. Et cela continue jusqu'à ce que la montre de son poignet commence à sonnet. Elle m'aide alors à enfiler d'invraisemblables escarpins à talons hauts et tient ma traîne dans le couloir. Nous descendons via l'ascenseur et empruntons un dédale de corridors; au moment où je commences à croire que cette maison n'a pas de fin, nous débouchons devant une grande porte en bois. Deirdre me précède, entrouvrant le battant et y glissant sa tête. Il me semble qu'elle parle à quelqu'un.

Elle recule pour laisser un petit garçon me regarder. Ils sont à peu près de la même taille. Le garçonnet m'examine de la tête aux pieds.

-J'aime bien.

-Merci, Adair. J'aime bien la tienne aussi, répond Deirdre d'un ton très professionnel malgrès sa voix d'enfant. Ça va bientôt commencer?

-Nous, nous sommes parés. Faut voir avec Ellie.

Deirdre franchit le palier avec le garçon. J'entends d'autres conversations, et quand la porte s'ouvre, une petite fille aux grands yeux verts m'inspecte. Ele applaudit, tout excitée.

-Oh! C'est ravissant! crie-t-elle avant de disparaître.

Quand la porte s'ouvre de nouveau, Deirdre me prend la main et me conduit dans ce qui ressemble fort à un atelier de couture. Petite et dépourvue de fenêtre, la pièce est encombrée de rouleaux de tissu et de machines à coudre; il y a des rubans partout, pendant des étagères, étalés sur les tables.

-Les autres épouses sont prêtes, m'informe Deirdre.

Elle regarde les alentour pour être sûre de ne pas être enetendue puis me glisse:

Éphémère (H.S)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant