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Lisez la note à la fin s'il vous plait xxx
Bonne lecture xxx

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Tout n'est que silence pendant un moment. Le visage de Harry est illuminé par le soleil matinal, et mon alliance capture un rayon de lumière. Je haie cette babiole. Il m'a fallu toute ma volonté, hier soir, pour ne pas la balancer dans les toilettes. Mais je veux gagner sa confiance, il me faut la porter.

-Ainsi, tu connais le Japon. Que sais-tu d'autre sur le monde?

Je n'ai nulle envie de lui parler de l'atlas de mon père, que mon frère et moi avons caché, avec d'autres objets de valeur, dans une cantine verrouillée. Quelqu'un comme Harry n'a pas besoin de mettre ses biens sous clé, à part ses épouses. Il ne pourrait comprendre la folie qui habite les zones les plus pauvres.

-Pas grand-chose.

Je freins l'ignorance lorsqu'il commence à me parler de l'Europe, d'une grande horloge appelée "Big Ben" (il me revient en mémoire une image de cette tour illuminée, dans le crépuscule londonien, au milieu de la foule), et des flamants roses aujourd'hui disparus, qui avaient le cou aussi long que les pattes.

-C'est Rose qui m'a appris presque tout ça, admet il.

Puis lorsque le soleil commence à raviver les rouges et les verts du jardin, il se détourne de moi.

-Tu peux rentrer. Un domestique te ramènera à ta chambre.

Sa voix se brise à la fin de sa phrase, et je devine que le moment est mal choisi pour faire semblant de l'adorer. Je me lève, et retrouve le chemin jusqu'à la porte d'entrée, le laissant seul dans le jour naissant, à penser à Rose dont les levers de soleil sont comptés.
Les jours suivants, Harry fait à peine actes de présence auprès de ses épouses. Les portes de nos chambres sont déverrouillées, et nous sommes abandonnées à nous même, libres d'aller et venir dans tout l'étage. Celui-ci comprend une bibliothèque et un salon, mais pas grand-chose d'autre. Nous n'avons pas la permission d'utiliser l'ascenseur sauf quand il nous invite dîner, ce qui arrive rarement; en règle générale, on nous apporte nos,repas sur un plateau, dans nos chambres. Je passe beaucoup de temps à la bibliothèque assise sur un fauteuil rembourré, à feuilleter les pages colorées de traités sur des fleurs qui ne poussent plus nul part, et sur d'autres qui existent encore dans diverses régions du pays. J'étudie les glaciers polaires, vaporisés il y a fort longtemps pendant la guerre, ainsi que l'histoire d'un explorateur nommé Christophe Colomb, qui a prouvé que la Terre est ronde. Dans ma réclusion, je cherche l'évasion dans l'histoire d'un monde libre et sans frontières, un monde révolu.

Je ne croise pas souvent mes sœurs épouses. Parfois, Jenna vient s'installer dans un canapé près de moi et lève les yeux de son roman pour me demander ce que je lis. Sa voix est timide, et quand je la regarde, elle se recroqueville comme si je m apprêtais I à la frapper. Mais sous ses dehors timorés, il y a autre chose : ce qui reste d une personne brisée qui fut autrefois sûre d'elle, forte, courageuse. Ses yeux sont souvent humides de larmes. Nos conversations sont mesurées et brèves, elles ne dépassent jamais plus d'une phrase ou deux.

Cecily déplore le fait qu'à l'orphelinat, on ne lui a pas bien appris à lire. Elle s'assoit sagement à l'une des tables avec un livre et épelle parfois un mot à haute voix, attendant impatiemment que je le prononce pour elle, et éventuellement que je lui dise ce qu'il signifie. Bien qu'elle n'ait que treize ans, ses lectures favorites concernent la grossesse et la maternité.

En dépit de ses lacunes, Cecily se révèle être une musicienne prodige. Je l'entends parfois jouer sur le synthétiseur du salon. La première fois, j'ai été attirée jusqu'au palier bien après minuit, et je l'ai vue assise ; son corps minuscule, à la crinière de feu, piégé au milieu d'un hologramme de neige tourbillonnante qu'une machine quelconque projetait sur le synthé. Mais Cecily, tellement éprise de l'élégance factice émanant du manoir, jouait les yeux fermés. Perdue dans son concerto, elle n'était plus ma petite sœur épouse vêtue d une robe ailée, ni cette peste qui jette l'argenterie à la tête des domestiques quand ils la croisent dans un de ses mauvais jours, mais une créature d'un autre monde. Il n'y avait plus cette bombe à retardement en elle, pas le moindre ligne de cette chose horrible qui la tuera dans une maigre poignée d'années.

Éphémère (H.S)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant