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La fois suivante, c'est le bruit de la poignée de porte qui me réveille. Le garçon qui m'avait apporté mon repas entre, un autre plateau d'argent dans les mains. Évitant de croiser mon regard, il traverse la chambre et le pose sur la table de nuit.

-Le diner, dit il d'un ton solennel.

Je l'observe de sous les couvertures, mais il ne prête pas attention â moi. Il ne lève même pas les yeux quand il s'empare de la chemise de nuit en lambeaux qui gît sur le sol, toute maculée du sang de Rose, et la jette dans le vide-ordures. puis il se retourne à la porte.

-Attendez, imploré-je. S'il vous plait.

Il s'immobilise, me tournant toujours le dos.
Je ne sais pas trop ce qui me prend. peut-être est-ce parce qu'il a à peu près le même âge que moi, qu'il et discret, qu'il ne semble pas plus heureux que moi d'être ici, mais j'ai besoin qu'il me tienne compagnie. Ne serait-ce qu'une minutes ou deux

-Cette femme, dis je en essayant d'engager la conversation avant qu'il se décide à partir, qui est-ce?

-C'est Rose. La première épouse du gouverneur domanial.

Tous les gouverneurs choisissent une première épouse; cela n'a rien avoir avec l'ordre chronologique des mariages, c'est un statue qui leur confère un certain pouvoir. Ce sont les premières épouses qui assissent aux événements publics, qui apparaissent aux côtés de leur mari gouverneur et qui, visiblement, jouissent du privilège d'avoir une fenêtre qui souvre. Ce sont les favorites.

-Qu'est ce qu'elle a?

-C'est le virus, répond-il en se retournant, une authentique curiosité se lisant sur son visage. Vous n'avez jamais vu quelqu'un souffrant du virus?

-Pas de si près.

-Pas même vos parents?

-Non.

Mes parents étaient de la première génération; ils avaient dépassé la cinquantaine quand nous sommes nés, mon frère et moi, mais je n'ai pas vraiment envie de lui raconter ça. Aussi lâché-je :

-Je fais tous mon possible pour éviter de penser au virus.

-Pareil pour moi dit il.

Puis il lance:

-Elle vous a demandé. Vous vous appelez bien Rhine?

Il me dévisage tout en posant la question; je hoche simplement la tête, soudain consciente de ma nudité sous les couvertures, que je resserre contre moi.

-Et vous, c'est comment?

-Niall.

Et revoilà ce quasi-sourire, occulté par la pesanteur des événements. Je voudrais lui demander ce qu'il fait dans cet endroit épouvantable, malgré les jardins magnifiques, la piscine limpide et les haies de verdure taillées au cordeau. Je voudrais savoir d'où il vient, et s'il compte un jour y retourner. Je voudrais même lui faire part de mon plan d'évasion, enfin, si j'arrive à en mettre un au point. Mais ce sont des pensées dangereuses. Si mon frère était là, il me dirait de ne faire confiance à personne. Et il aurait raison.

-Bonne nuit, dit Niall. Tachez de manger et de dormir un peu. Demain est un grand jour.

A son ton, je pressens qu'il m'avertit que je ne suis pas au bout de mes peines.

Quand il se retourne pour sortir, je remarque qu'il boîte légèrement ce qui n'était pas le cas dans l'après-midi. Sous le fin tissu blanc de son uniforme, j'aperçois des bleus qui commencent à apparaître. Serais-ce à cause de moi? L'a-t-on puni, le tenant responsable de ma fugue dans le couloir? Encore des questions que je garde pour moi.

Il sort de la chambre. J'entends le verrou se refermer.

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Réécriture ©MorganeBie

Éphémère (H.S)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant