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C'est à moi de monter la garde. Nous avons verrouillé portes et fenêtres, et nous nous sommes barricadés dans le sous-sol pour la nuit. Le minuscule réfrigirateur bourdonne dans un coin; le "tic-tac" de l'horloge retenti; l'ampoule nue qui pend au plafond émet une lumière tremblotante. Je crois entendre un rat dans l'ombre, occupé à chercher des miettes.

Zayn ronfle sur le lit de camp, ce qu'il ne fait jamais d'ordinaire. Mais peu m'importe. C'est agréable d'entendre un autre être humain, de savoir que je ne suis pas eule. Et qu'en une seconde, en cas d'alerte, il se réveillera. En tant que jumeaux, nous formons une équipe du tonnerre. A lui les muscles et une adresse qui lui permet de ne jamais ratter un coup de fusil; quand à moi, si je suis plus menue, je suis aussi plus rapide, et parfois plus vive.

Nous n'avons eu affaire qu'à un seul voleur armé; c'était l'année de mes treize ans. La plupart du temps, les intrus sont de jeunes enfants qui cassent une vitre ou tentent de forcer la serrure, et qui ne restent que le temps de comprendre qu'il n'y a rien à manger ni aucun objet de valeur à dérober. Ce sont des parasites, que je nourirais volontiers histoire qu'ils s'en aillent. Nous avons de quoi partager. Mais Zayn s'y refuse.

Selon lui, en nourrir un, c'est les avoir tous sur le dos à terme, et cette fichue ville n'est pas sous notre responsabilité! C'est aux orphelinats de s'en charger. Il y a aussi des primes versées par les labos. "Et les gens de la première génération? dirait-il, qu'ils fassent quelque chose! Après tout, ce sont eux les responsables de ce chaos!"

Le voleur armé, âgé d'une bonne vingtaine d'années, faisait le double de ma taille. Ayant réussi à crocheter la serrure de la porte principale sans faire de bruit, il comprit vite que les résidents de notre petite maison devaient se terrer quelque part, et veiller sur ce qui avait de la valeur. C'était Zayn qui était de garde à ce moment-là, mais il s'était assoupi après une journée de dur labeur. Il predn les boulots qu'il trouve, et ce sont toujours des travaux pénibles; il rentre moulu tous les soirs. Dans un lointain passé, l'industrie américaine avait délocalisé ses usines dans d'autres pays plus développés. Mais les importations ont cessé, et la plupart des gratte-ciel de New-York ont été convertis en usines qui fabriquent de tout, depuis la nourriture surgelée jusqu'à la métallurgie. En général, j'arrive à obtenir du travail dans la vente en gros par téléphone; quant à Zayn, il n'a aucun mal à décrocher un job de manutentuionnaire ou de livreur, ce qui l'épuise bien qu'il ne veut l'admettre. Mais ces boulots paient toujours en liquide, et nous pouvons acheter ainsi plus de vivre que nécessaires. Et les commerçants sont si contents d'avoir des clients qui paient, au lieu des orphelins sans le sou qui leur volent de quoi survivre, qu'ils nous refilent souvent un petit extra, comme du Scotch isolant ou de l'aspirine.

Nous dormions donc tous les deux. Je me suis réveillée en sentant une lame sur ma gorge; les yeux dans les yeux d'un parfait inconnu. J'ai dû émettre un petit bruit, à peine un couinement, mais cela a suffi pour que mon frère se réveille, arme à la main.

J'étais sans défense, pétrifiée. Les petits voleurs, je povais m'en charger; d'ailleurs, la plupart ne nous voulaient pas de mal, pas s'ils pouvaient l'éviter. Ils ne proféraient qu'une menace peu convaincante dans l'espoir de recevoir de la nourriture ou un bijou. Il suffisait qu'on les dépasse en taille pour qu'ils détaillent à toutes jambes aussitôt surpris. Ils ne faisaient qu'essayer de survivre.

-Si tu tires, je l'égorge, lança l'homme.

Il y eut un grand vacarme, comme la fois où une canalisation avait cédé, et je vit un filer de sang couler sur les sourcils de l'homme. Il me fallut une seconde pour visualiser le trou foré par la balle dans son front, puis je sentis la pression du couteau se relâcher contre mon cou. Couteau que je saisie aussitôt pour l'envoyer au loin. Mais l'homme était dejà mort. Je m'assis, les yeux exorbités, pantelante. Zayn, lui, se leva pour s'assurer du décès de l'intrus, afin de ne pas gacher une autre balle.

Éphémère (H.S)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant